Le chant du cygne
Le 14 janvier 2024
Melville au sommet de son art, dans l’une de ces œuvres qui donnèrent au polar français ses lettres de noblesse.
- Réalisateur : Jean-Pierre Melville
- Acteurs : Alain Delon, Yves Montand, Gian Maria Volonté, François Périer, Bourvil, Paul Crauchet, Paul Amiot, Jean Champion, René Berthier
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Carlotta Films, Dulac Distribution, Les Films Corona, StudioCanal
- Durée : 2h30mn
- Date télé : 10 septembre 2024 23:39
- Chaîne : C8
- Reprise: 1er décembre 2021
- Date de sortie : 1er octobre 1970
- Festival : Festival de La Rochelle 2022
Résumé : Un truand marseillais, un détenu en cavale et un ancien policier mettent au point le hold-up du siècle. Le commissaire Mattéi, de la brigade criminelle, leur tend une souricière.
Critique : Après sa reconstitution oppressante de l’Occupation dans l’Armée des ombres, Jean-Pierre Melville revenait à ses premières amours, celui du film noir, le pur, le vrai, dans ce qui sera son avant-dernier long-métrage. Avant-dernier, et pour cause, puisque tout, dans Le Cercle rouge, renvoie l’écho d’une dernière fois, d’un ultime sursaut, de la fin d’un monde - le film aurait pu être titré Le dernier souffle, autre chef-d’œuvre du réalisateur français, sans que l’intrigue n’en souffre une seconde. Le cercle rouge scelle par ailleurs la première (et la seule) collaboration entre Melville et Bourvil, atteint d’un cancer lors du tournage, qui faisait là son dernier piste devant la caméra. La rencontre inattendue entre les deux hommes, issus de facettes opposées du cinéma hexagonal, tenait pourtant de l’évidence au vu du résultat, et y est pour beaucoup dans l’aura mythique que dégage, aujourd’hui encore, Le cercle rouge. Comme la plupart des grands acteurs comiques, André Bourvil (Melville tint à réhabiliter son prénom sur les affiches du film) a aussi l’étoffe d’un parfait comédien dramatique, et assure sans faillir le rôle du commissaire Mattéi, gardien de la justice désabusé face aux hommes mais déterminé dans son enquête. La fausse bonhomie et la vraie mélancolie que Bourvil imprime au personnage lui donne une dimension tout à fait poignante, favorisée il est vrai par l’annonce du décès de l’acteur quelques mois seulement après le tournage, en septembre 1970. Et Melville de lui offrir le plus beau des cadeaux d’adieu, celui de multiples face-à-face avec de grands acteurs plus habitués du genre, dont la confrontation avait tout pour rentrer dans la légende : Delon taiseux et magnétique, Gian Maria Volonté intense, Paul Amiot grinçant et philosophe, Yves Montand magistral. Une sorte de casting rêvé pour les amoureux de polar.
- © 2021 Carlotta Films
Si Melville délaisse l’époque de la guerre pour retourner dans le monde contemporain, Le cercle rouge n’en dégage pas moins un parfum intemporel : le réalisateur du Samouraï n’oublie jamais que les codes du film noir, avec ses héros fatigués et impuissants face au tourbillon de la fatalité, prennent profondément racine dans la tragédie. Plus que des hommes, les grands personnages de polar sont des figures quasiment allégoriques, exprimant la chute irrémédiable de l’humain, son désir de rédemption parfois puis sa course en avant, inconsciente, vers sa propre perte (voir à cet égard le très beau personnage interprété par Yves Montand, ancien flic bouffé par ses démons, qu’il apprendra à vaincre). La citation de Krishna ouvrant le film est en charge de nous le rappeler et s’accomplira sans surprise dans le dénouement-couperet. Le fameux ’’cercle rouge’’ annonçant le final revient d’ailleurs tout au long du métrage, disposé discrètement à quelques moments-clés, telle une image subliminale (une rose éclatante, une gomme écarlate appliquée au bout de la queue d’un jeu de billard, une boule rouge de ce même billard qui rebondit pour mieux souligner les ballotements de l’incertain), révélant un travail de la suggestion et de la mise en scène très sophistiqué, malgré l’apparente banalité de l’intrigue (une évasion, le casse d’une bijouterie, trois bandits coursés par un flic opiniâtre). Exercice de style revendiqué et parfaitement maîtrisé, Le cercle rouge prend son temps pour installer son atmosphère, là où d’autres auraient coupé une bonne heure de plus pour filmer la même histoire ; recette gagnante pourtant, puisque Melville orchestre de grands moments de cinéma, entre tension dramatique et dilatation angoissante des plans (la séquence du braquage, la poursuite dans les bois avec les chiens de police). Caméra jamais statique et toujours dynamique, mouvements virtuoses : le réalisateur déploie une science du cadrage dont beaucoup de réalisateurs se souviendront par la suite, qu’ils soient français (Olivier Marchal et son 36, quai des Orfèvres) ou non (Tarantino et John Woo n’ont jamais caché leur enthousiasme pour l’œuvre de Melville). Preuve que ce cinéma-là, malgré ses figures imposées et ses quarante ans d’âge, n’a décidément rien de poussiéreux.
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Photini Mitrou 3 novembre 2017
Le cercle rouge - Jean-Pierre Melville - critique
Le Cercle Rouge est le policier le plus nul. Rien dans ce film n’est crédible et je m’amuse à le regarder pour y relever toutes ses incongruités.
Une grosse pointure de la police de Paris va à Marseille chercher un petit truand qu’il ramène à Paris en wagons-lits ! Son prisonnier, alors qu’il a un poignet entravé, arrive à trouver dans une de ses poches un trombone avec lequel il va décrocheter sa menotte. Vous avez, vous, des trombones dans votre poche ? Et avec un trombone et une seule main on n’ouvre jamais une menotte. Mais, bon, passons. Après s’être libéré les mains avec ses pieds il donne un grand coup dans la vitre du compartiment et il se retrouve sur le balastre sans une égratignure, sans percuter un arbre ou une colonne quelconque !!!!!! Mais bon, disons qu’il avait de la chance. Mais ce qui est grotesque, c’est de briser la vitre du train en donnant un seul coup de pied. Tout le monde sait que ces vitres, épaisses, sont très résistantes aux chocs et que ce n’est qu’à coups de marteau qu’on peut les casser, si besoin, pour apporter secours. Logiquement, le prisonnier aurait dû se casser les chevilles et non briser la vitre. Tout le reste est du même topo. C’est un film intéressant, pédagogique, pour l’école de police. Tout, tout, tout est faux. Regardez-le et amusez-vous à relever, comme moi, tout ce qui cloche.
maurette 2 juillet 2019
Le cercle rouge - Jean-Pierre Melville - critique
Jean pierre Melville est un chef pour créer une ambiance, Le deuxième souffle de ce point de vue est bien le meilleur de ses films, car comme dans le Doulos et Le cercle rouge, il n’y pèche pas par une grave invraisemblance : Reggiani dans le doulos, qui ne trouve rien de mieux pour cacher son butin fruit d’un meutre, que de l’enterrer dans la nuit au pied et à la forte lumière d’un lampadaire, et Delon dans le cercle rouge, qui fait sortir du coffre de son auto où il le cachait, Gian Maria Volonte très recherhé par la police, au pied de l’immeuble où il a un appartement, et point dans une rue un peu éloignée, ce qui eût été plus réaliste.
maurette 2 juillet 2019
Le cercle rouge - Jean-Pierre Melville - critique
Pour la vitre du train, on peut mettre sa brisure sur le compte de la force que peut donner l’énergie du désespoir ; pour le trombone il a pu le piquer sur un bureau de la police, quoique j’ai plutôt le souvenir d’une épingle à nourrice entre les doigts de Volonte ; crocheter une serrure de menottes avec un bout de fer n’est pas chose impossible à tout le monde, qu’un truand sache le faire n’a rien d’invraissemblable, quant à sortir indemne du saut du train, pensez donc au vers de Baudelaire dans les litanies de Satan " Toi qui magiquement assouplit les vieux os De l’ivrogne attardé foulé par les chevaux", le diable peut bien aussi favoriser les brigands. En revanche Delon faisant sortir du coffre de sa voiture, Volonte recherché activement par les flics, au pied de l’immeuble à Paris où il crèche, ne semble pas vous avoir choqué, c’est pourtant chose beaucoup plus dure à avaler que ce que vous pointez.
ctedi 18 mars 2020
Le cercle rouge - Jean-Pierre Melville - critique
D’accord avec Maurette, la beauté formelle du Deuxième Souffle est incomparable. Chaque plan... une case de bd, une eau-forte, perfection des lignes et des ombres. Le cercle rouge, beaucoup moins évident. La couleur sombre mais bizarre ne facilite pas la lisibilité. La beauté formelle, lignes, ombres est toujours mais touffue, confuse. Lq scène du casse... j’en ai profité pour débarrasser la table et aller pisser. Je préfère Le casse ou Mélodie en sous-sol. C’est peut-être réaliste mais pffou ! Puis plein d’erreurs ou d’invraisemblances. J’ai bien cru que le rideau qui bouge allait couper le rayon lumineux. Et pourquoi ne pas avoir enlevé cette bande vidéo ? Et comment la camera video zoome-t-elle d’un coup sur les pieds de Montand ? Que de longueurs et de scênes qui auraient pu être coupées. Le commissaire est un homme à chats qui se met sur un pied pour faire couler son bain ? Une fois ok, mais deux scènes... Des rituels ? Ah ! bon... Mais à quoi bon.
Puis PM et Maurette pointent les incohérences, à juste titre. Vous êtes en fait d’accord sur Gian Maria Volonte qui sort du coffre en pleine rue. Ouvrir des menottes avec une épingle a nourrice ? Jamais essayé. Mais bon... La vitre, mouais... ça peut passer c’est du cinéma. La cavale en forêt, le coup de bol qu’ils se trouvent avec le bon coffre ouvert, ok. Passons sur les raccords pas raccord. Mais Volonte qui court avec Bourvil pour attraper un train, sans personne d’autre... Et pourquoi le garde ne fait-il pas sonner l’alarme avant ? Pourquoi le motard n’est-il pas étonné que Delon soit surpris de ne pas pouvoir ouvrir le coffre... alors qu’il vient déjà d’être contrôlé et qu’il devrait le savoir ? Mais surtout d’où sort Volonte à la fin ? Pourquoi ? Et pourquoi pas Bourvil en otage, ce qui leur offrait de meilleures chances dans un parc truffé de perdreaux ?
Enfin, toutes ces pistes de scénario qui ne vont nulle part. Quid du beau-frère du gardien qui connaît les lieux ? Delon l’oublie dans son décompte des personnes au courant. Et Rico ? Il fout la merde puis disparaît. Pourquoi le gardien vient-il voir Rico ? Le fils de Santi, mort pas mort ? Qu’a fait Volante avant, pour que Delon croie en lui et qui justifie un tel dispositif ? (Sauf au moment de prendre le train !)
Bref j’avais cru que j’allais voir un chef d’oeuvre maintes fois loué. Mais Bourvil, certes malade, à contre-emploi, a l’air en bois, joue les faux durs, joue mal ! Périer, Montand assurent, eux. Puis tout ce jazz, ces scènes de boîte de nuit... En plus la célèbre citation est bidon. Et le générique est laid.
Mythique ? Chiant. Le deuxième souffle, Le deuxième souffle ! (Ou Le samouraï)
melchasau 26 juillet 2022
Le cercle rouge - Jean-Pierre Melville - critique
Tout ce que vous dites est exacte.
Et c’est précisément pour cette raison que "Le cercle rouge" est un chef-d’oeuvre.
Melville ne recherchait pas le réel (ce qui aurait été le cas en gommant les détails que vous relevez).
Melville poursuivait la vérité, selon la formule de Chaplin (citée par Melville lui-même lors d’une interview) : "Il faut tuer le réalisme au nom de la vérité".
Cordialement,
criss 23 septembre 2022
Le cercle rouge - Jean-Pierre Melville - critique
Chef-d’oeuvre rigoureux,sombre,épuré.Un classique indémodable,indiscutable.