La perfection qui tue...
Le 31 mars 2024
Sublimée par une mise en scène virtuose, l’interprétation plus vraie que nature de Jérémie Renier enterre définitivement les craintes préconçues autour de Cloclo.
- Réalisateur : Florent Emilio Siri
- Acteurs : Benoît Magimel, Jérémie Renier, Marc Barbé, Joséphine Japy, Sabrina Seyvecou, Ana Girardot, Éric Savin, Monica Scattini
- Genre : Drame, Biopic, Musical
- Nationalité : Français
- Distributeur : Universal - StudioCanal
- Durée : 2h28mn
- Date télé : 10 juin 2024 23:00
- Chaîne : TF1 Séries Films
- Titre original : Cloclo
- Date de sortie : 14 mars 2012
Résumé : Le destin tragique d’une icône de la chanson française décédée à l’âge de trente-neuf ans, qui plus de trente ans après sa disparition continue de fasciner. Star adulée et business man, bête de scène et pro du marketing avant l’heure, machine à tubes et patron de presse, mais aussi père de famille et homme à femmes... Le portrait d’un homme complexe, multiple ; toujours pressé, profondément moderne et prêt à tout pour se faire aimer.
Critique : Qu’on l’aime ou non, Claude François a indéniablement marqué de son empreinte la variété française des années 60-70. En effet, il y a beaucoup à parier que même ses détracteurs les plus acharnés, ne serait-ce qu’une fois dans leur vie, se sont laissés emporter sur la piste de danse par le rythme entraînant de Cette année-là ou de l’indémodable et incontournable tube que constitue Alexandrie Alexandra. Cela prouve à quel point l’éternelle icône de la chanson française résonne dans la mémoire collective... Mais qui se cache vraiment derrière la star polymorphe dont la mort prématurée n’a fait qu’accroître la légende qui l’entoure ?
En s’écartant d’emblée de l’image inaugurale et caricaturale "strass et paillettes" du chanteur à midinettes qu’on lui prête, Cloclo tente de soulever un coin du voile, retraçant la chronologie de sa courte existence qui voit le jour de l’autre côté de la Méditerranée, en terre égyptienne puisqu’à cette époque son père est un haut responsable du transport maritime empruntant le canal de Suez. Tandis que la mère de Cloclo est enceinte de plusieurs mois, l’histoire prémonitoire de son garçon "unique" semble déjà inscrite en lettres dorées dans le marc de café... Au grand dam de son père, personnage autoritaire et psychorigide, qui subit un second revers personnel dont il ne se relèvera jamais (après l’humiliation infligée par l’armée égyptienne, en 56, lors de la nationalisation du canal de Suez, synonyme de retour au bercail). Le père n’ayant pas d’autre choix que de se résigner face à la décision de son fils de se lancer dans le monde du show-biz, les deux hommes ne s’adresseront jamais plus la parole...
L’entrée en matière se révèle déterminante pour saisir la véritable identité d’un être blessé au plus profond de sa chair par le manque d’amour paternel (dévoilé si l’on tend l’oreille dans "Le mal-aimé"). Cette carence affective débouchera sur un perfectionnisme maladif face à tout ce qu’il entreprend (plus près de nous, Michael Jackson en est l’exemple même). Dès le moment où la célébrité lui est acquise, lors de sa première prestation à l’Olympia, Florent-Emilio Siri insuffle au film une allure insensée, menée tambour battant, pour mieux saisir l’homme pressé qu’il n’a jamais cessé d’être, continuellement en avance sur son époque. Cette frénésie dingue est quelque peu tempérée par des scènes intimistes mettant en lumière les zones d’ombre et les contradictions qui l’habitaient. Passionnante de bout en bout (tout classicisme étant évité), la mise en scène atteint des moments de grâce lors de deux longs plans-séquences ahurissants que n’aurait pas reniés Orson Welles. Et que dire des bribes de concert en apesanteur...
Mais la clé de ce pari fou absolument réussi tient à la distribution. Évidemment, le problème majeur (et il était de taille) consistait à dénicher un acteur qui correspond totalement à Claude François. Le résultat est proprement phénoménal tant Jérémie Renier s’approprie son personnage, au point de littéralement le ressusciter ! Dans un souci d’authenticité, Florent-Emilio Siri réunit de parfaits inconnus autour de son acteur principal ; à l’exception de Benoît Magimel, quoique méconnaissable dans le rôle de Paul Lederman (l’imprésario de Cloclo). Plus d’un César paraît d’ores et déjà dans la poche comme celui du meilleur réalisateur, du meilleur acteur, du meilleur montage et du meilleur son... Comme d’habitude, Cloclo ne devrait laisser personne indifférent. Étant donné que tout ce qu’il touche se transforme en or, le succès s’annonce pharaonique !
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roger w 28 mars 2012
Cloclo - Florent Emilio Siri - critique
N’étant pas du tout un fan de Claude François, je n’étais aucunement le coeur de cible de ce biopic. Poussé par la curiosité, je m’y suis aventuré et j’ai bien fait. Le film de Florent Emilio Siri est non seulement un biopic fidèle par rapport à la carrière de l’artiste, il se double d’un très bon film, débordant d’émotions en tout genre et de jolies idées de mise en scène. Sans brûler l’icone des sixties, le film ne masque pas les béantes zones d’ombre d’un artiste aussi perfectionniste sur scène que maniaque et tyrannique dans la vie. Le tout est sublimé par l’interprétation d’un casting 100 % crédible. Du tout bon.
JIPI 18 avril 2012
Cloclo - Florent Emilio Siri - critique
Rien de nouveau sous le soleil dans le parcours de ce déraciné en rupture paternelle récupéré dans un premier temps alimentairement par le concept du paraitre pour finir en icone fragile et insupportable sous dépendance sentimentale.
Au départ le personnage est chaleureux, doux, aimant. victime de l’indifférence d’un père ne sachant pas encourager les besoins de lumière d’un fils épouvanté par l’obscurantisme.
Puis tout change. Le personnage une fois sous les sunlights devient jaloux, irascible et intolérant.
Les plus belles créatures finissent par s’enfuir ou s’abandonner à d’autres mégalos ou opportunistes d’un métier ou l’on conserve jamais longtemps un être bien souvent conquis férocement.
La déferlante continuelle de fans dans un état second ne suffit pas à apaiser complètement un homme écartelé entre une notoriété à entretenir en permanence et ses réveils soudains avec une réalité recadrant sévèrement une idole managée par le doute et la solitude.
Cloclo est un rendu particulièrement efficace sur l’essence impitoyable et récupératrice du show bizz ceci par l’intermédiaire de l’un de ses innombrables consommables formaté pour la réussite, le pouvoir, la possession sans partage et l’emprise sur toute une faune dépendante.
Un esprit enfantin et despote privé de déclin déterminé à s’accaparer de force les plus belles parures d’un concept finissant d’une manière ou d’une autre par l’abandonner.