Lady Vegas, les mémoires d’une joueuse - Stephen Frears - critique

Critique : Inspiré d’une histoire vraie LADY VEGAS - Les Mémoires d’une Joueuse » de Beth Raymer, ce long métrage de Frears est une gentille comédie qui n’est pas sans rappeler l’univers de High Fidelity, dont les deux films partagent le même scénariste. Ce qui frappe dans Lady Vegas, ce n’est pas tant l’histoire, somme toute anecdotique, mais, comme souvent chez le réalisateur de My Beautiful Laundrette, les relations entre les personnages.
Le parcours de Beth, cette jeune femme volontaire, qui n’a pas froid aux yeux et se bat pour changer de vie, aurait pu faire une belle saga très hollywoodienne. Mais avec Stephen Frears derrière la caméra, il prend une toute autre ampleur et l’on se focalise très vite sur la psychologie des protagonistes, leurs failles, forces et relations.

© 2012 Random House Films, Emmett/Furla Films, Likely Story Ruby Films. Tous droits réservés.

Aussi, Rebecca Hall (révélée par Woody Allen dans Vicky Christina Barcelona et qui trouve là son premier grand rôle) est une Beth ambitieuse mais fragile. Bruce Willis, qu’on n’a pas l’habitude de voir en short, tee-shirt large et chaussettes montantes, nous offre de son côté une prestation qui contraste avec son image d’action star habituelle. Et ça lui va bien ! Il est particulièrement crédible dans le rôle de Dink, un angoissé chronique plutôt sympathique et bienveillant, mais capable de grosses colères injustes contre son équipe. Catherine Zeta-Jones qui retrouve Stephen Frears dix ans après High Fidelity, incarne avec délectation sa femme autoritaire et jalouse.

© 2012 Random House Films, Emmett/Furla Films, Likely Story Ruby Films. Tous droits réservés.

Le couple Willis-Zeta-Jones est particulièrement bien mis en scène. Au début, on se dit que leur relation est superficielle, très Las Vegas justement. Et puis, au fil du film subtilement, on se rend compte de la profondeur des sentiments qui lient ce couple atypique. L’un n’existe pas sans l’autre et Tulip, pourtant très jalouse de Beth au début de l’histoire, va être moteur quand il s’agira de l’aider à se sortir d’une situation complexe.
Les second rôles ne sont pas négligés. Holly (le personnage est une création de DeVincentis) « l’amie » qui présente Dink à Beth, incarne une jeune femme nuancée : tantôt sûre d’elle et fiable, tantôt dévorée par le démon du jeu et incontrôlable. Il y a aussi Rosie (une autre création du scénariste), bookmaker new-yorkais dont les ambitions font dévier Beth de sa trajectoire, qui représente l’anti-Dink. Immoral, auto-centré, arriviste plus qu’ambitieux. Rosie sert à mettre en lumière toutes les qualités humaines de Dink et représente le « mauvais choix » que Beth fait à un moment de son histoire. Cette Beth qui a un petit côté Erin Brockovich dans son obstination à vouloir vivre la vie qu’elle pense mériter.
Jeremy (Joshua Jackson) est le type « normal » qui apparaît comme une histoire d’un soir pour une Beth malheureuse d’être rejetée par Dink, et qui finalement va s’imposer comme l’homme de sa vie. Là encore, Frears peint le personnage de Jeremy et son ampleur progressive dans la vie de Beth avec une finesse très étudiée.

© 2012 Random House Films, Emmett/Furla Films, Likely Story Ruby Films. Tous droits réservés.

Et puis, Lady Vegas n’est pas un énième film sur la cité du péché, ses paillettes et sa superficialité. Ce n’est pas Ocean’s Eleven, même si, bien sûr, on y pense lors des scènes de casinos. Ce n’est pas non plus Las Vegas 21 qui traite de l’arnaque aux jeux (Frears n’a-t-il pas déjà fait Les arnaqueurs en 1990 sur ce thème ?). C’est un film qui a pour décor Las Vegas, mais parle au final peu de ce lieu mythique.
Au final, Lady Vegas n’est sans doute pas un Stephen Frears qui restera dans les annales, mais c’est une petite comédie intelligente, émouvante et souvent drôle. Un film qui porte la patte de son auteur, et nous, on aime cette patte.