L’insoutenable légèreté de l’Amour
Le 8 octobre 2013
Palme d’or au Festival de Cannes, La Vie d’Adèle est un véritable chef-d’œuvre qui marque par la puissance des émotions qu’il délivre et les prestations exceptionnelles de ses actrices. Bouleversant.
- Réalisateur : Abdellatif Kechiche
- Acteurs : Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos, Salim Kechiouche, Benjamin Siksou, Catherine Salée, Jérémie Laheurte
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 2h55mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement
- Date de sortie : 9 octobre 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Résumé : À quinze ans, Adèle ne se pose pas de question : une fille, ça sort avec des garçons. Sa vie bascule le jour où elle rencontre Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir le désir et lui permettra de s’affirmer en tant que femme et adulte. Face au regard des autres Adèle grandit, se cherche, se perd, se trouve...
Critique : Trois ans après l’extraordinaire Vénus Noire, c’est avec une romance lesbienne qu’Abdellatif Kechiche signe son grand retour. La vie d’Adèle est l’adaptation de Le bleu est une couleur chaude, une bande-dessinée de Julie Maroh qui obtint notamment le Prix du public au Festival d’Angoulême en 2011. Selon les propres dires de la dessinatrice/scénariste, le projet de Kechiche mit de nombreux mois avant de se concrétiser. Renommé La Vie d’Adèle, le long métrage fut finalement sélectionné in extrémis au dernier Festival de Cannes – on parle d’une première version de cinq heures –, où il fit l’effet d’une bombe : Palme d’or incontestable, le film a totalement éclipsé ses concurrents, illuminant la compétition de son génie. Et c’est peu dire.
La vie d’Adèle ose la longueur – près de trois heures – et offre ainsi à ses personnages les moyens d’exprimer la complexité de leur existence, que l’on suit sur plusieurs années. Adèle est une lycéenne, Emma une étudiante aux Beaux-arts. Au croisement d’un passage piéton, les deux jeunes filles se rencontrent, se contemplent. Plus tard, elles se retrouveront par hasard au comptoir d’un bar lesbien. La mécanique est enclenchée, l’amour, affiché par des regards qui en disent long, a déjà frappé. Les évènements s’enchainent, happant le spectateur par des dialogues vivaces et des situations saisissantes. La vie d’Adèle sait rendre l’ordinaire d’une discussion en extraordinaire moment de vie.
C’est de cette capacité à capturer le réel, à le rendre beau, à le faire cinéma, que La vie d’Adèle tire toute sa grâce. Comme toujours chez Kechiche, la caméra à l’épaule se fait absente des situations qu’elle saisit en gros plans, décrivant sans pudeur les êtres et leurs expressions, ces regards qui veulent tout dire, la tendresse de corps en ébullition, la rage de cris qui viennent déchirer les silences. Les gueules rient, étouffent, embrassent, sont aspergées de larmes et de sueur, et viennent souligner une extraordinaire fascination de la chair, coutumière dans la filmographie sans fausse note de l’immense réalisateur. La méthode Kechiche – Adèle Exarchopoulos évoque des prises de quarante minutes – fait ainsi des merveilles dans la retranscription d’une jeunesse essoufflée par un monde aux chemins emmêlés, mais dans lequel l’amour a toute sa place.
Au milieu du film, une scène sexuelle, à l’intensité qui n’a d’égale que sa beauté, vient donner au récit la puissance des plus grandes romances – on pense évidemment à La vie de Marianne, de Marivaux, auquel le titre fait écho. Le montage est sophistiqué, mais invisible à l’œil nu : pas de musique, seuls les souffles rythment la fusion de deux jeunes femmes en apprentissage du sexe, du désir. Lors de la diffusion cannoise, la salle entière applaudit pendant cette longue scène de sept minutes, qui décrit sans truquer les vibrations des corps et l’extase des esprits. Les deux actrices, sublimes, fusionnelles, s’abandonnent à la pulsion de leur personnage, guidé par la seule lumière de la passion. Un télescopage d’émotions, venant bousculer les consciences, et dont on ne peut sortir sans fracas.
Il y a tellement à dire sur finalement pas grand-chose, le long métrage n’étant qu’une représentation de ce que la vie offre de plus beau – l’amour, évidemment –, et de plus tragique – la mort des sentiments, terrible fatalité. La Vie d’Adèle est la mélodie d’un amour désaccordé, rendu impossible par ces disparités sociales qui, par la force des petits riens du quotidien, dévorent les sentiments, les détruisent. Ses personnages y parlent existentialisme, identité sexuelle et rapport aux autres sans jamais tomber dans l’excès trompeur du spectaculaire. Son regard n’est jamais faussé.
Ne voyons pas uniquement le film comme l’œuvre politique dont beaucoup se réjouissent, même s’il paraît évident que son engagement est une réalité. La vie d’Adèle reste d’abord une histoire d’amour, terrible mais sublime, qui vous attrape le cœur, l’embrasse puis l’écrase. Difficile de ressortir indemne de ses magnifiques images, de la vie qui en découle, de ses sentiments qui nous perforent à jamais.
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