Salauds de pauvres
Le 11 août 2023
Adapté d’un roman de Marcel Aymé, cette comédie noire, chronique de l’Occupation, est peut-être la plus grande réussite de Claude Autant-Lara.


- Réalisateur : Claude Autant-Lara
- Acteurs : Jean Gabin, Louis de Funès, Bourvil, Germaine Delbat, Jeannette Batti, Georgette Anys, Robert Arnoux, Laurence Badie, Jacques Marin, Bernard Lajarrige, Hubert de Lapparent
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Editeur vidéo : Gaumont DVD
- Durée : 1h20mn
- Date télé : 2 mars 2025 21:00
- Chaîne : Paris Première
- Reprise: 8 janvier 2009
- Date de sortie : 26 octobre 1956
- Festival : Festival de Venise 1956

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Résumé : Sous l’Occupation, Martin, brave homme au chômage, doit convoyer à l’autre bout de Paris quatre valises pleines de porc. Son acolyte habituel ayant été arrêté, il fait appel à un inconnu, Grandgil. Mais celui-ci se révèle vite incontrôlable et le trajet périlleux.
Critique : Adapté d’une nouvelle de Marcel Aymé, La traversée de Paris marque l’apogée du cinéma de « qualité française », à quelques mois de l’apparition de la Nouvelle Vague. Aidé de ses fidèles scénaristes Aurenche et Bost, Claude Autant-Lara, ici à son meilleur, propose un portrait, inédit à l’époque, de la vie quotidienne sous l’Occupation, avec sa débrouillardise, ses mesquineries et compromissions. De ces années sombres, le cinéma français d’après-guerre n’avait jusqu’alors tiré que des récits célébrant le culte de la Résistance (La bataille du rail, Le silence de la mer), ou témoignant des horreurs des victimes (Jeux interdits). Le film a presque une approche documentaire dans sa description des rouages du marché noir, de l’abattage d’un cochon chez un commerçant sinistre à sa distribution dans de cossus quartiers de la capitale, en passant par le recrutement de livreurs prenant des risques tant avec la police française qu’avec la Gestapo.
Mais il ne faudrait pas réduire La traversée de Paris à cet aspect historique. Martin et Grandgil forment un étonnant duo de cinéma, dans une veine picaresque et satirique plutôt jouissive. Les prises de vue nocturnes des quartiers parisiens où les deux comparses tentent d’échapper aux chiens renifleurs et aux autorités alternent avec plusieurs scènes d’intérieur savoureuses, ayant pour décor un restaurant, deux cafés, une épicerie, un appartement bourgeois et un poste de police. Anar de droite, Autant-Lara propose alors un portrait sans concessions des bassesses humaines, lançant dans la bouche de Grandgil un « Salaud de pauvres » désormais célèbre. Il faut voir Jean Gabin (à son sommet) faire tourner en bourrique un Louis de Funès surexcité ou engueuler une tenancière de bar effrayée (Georgette Anys) pour apprécier tant la verve des auteurs qu’un numéro d’acteur irrésistible. C’est pourtant Bourvil qui obtint, seul, le prix d’interprétation au Festival de Venise 1956. Il faut dire qu’il est admirable dans ce rôle de trafiquant un peu pleutre et hâbleur, archétype du Français moyen, cassant l’image de comique paysan qui était jusqu’alors la sienne.
– Festival de Venise 1956 : Prix d’interprétation masculine pour Bourvil
– Syndicat Français de la Critique de Cinéma 1958 : Prix du meilleur film