Anna Karina, héroïne de Diderot
Le 20 août 2018
Censuré par le ministère à sa sortie, ce film subtil et prenant est un sommet de l’art de Rivette. La lumineuse Anna Karina y trouve l’un de ses meilleurs rôles.
- Réalisateur : Jacques Rivette
- Acteurs : Jean Martin, Anna Karina, Francisco Rabal, Micheline Presle, Marc Eyraud, Pierre Meyrand, Liselotte Pulver, Francine Bergé, Charles Millot, Wolfgang Reichmann
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Universal - StudioCanal, Les Acacias
- Durée : 2h15mn
- Reprise: 19 septembre 2018
- Box-office : 2.914.231 entrées France - 484.643 entrées P.P.
- Titre original : Suzanne Simonin La Religieuse de Diderot / La Religieuse (titre reprise 2018)
- Date de sortie : 26 juillet 1967
- Festival : Festival de Cannes 1966, Festival de Cannes 2018
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Au XVIIIe siècle, Suzanne Simonin est cloîtrée contre son gré dans un couvent. Elle trouve un peu de réconfort auprès de la mère supérieure, mais celle-ci meurt peu après, et est remplacée par une femme sadique qui ne cesse de brimer Suzanne. La jeune femme obtient l’autorisation de changer de couvent, mais reste toujours aussi déterminée à retrouver sa liberté.
Critique : L’adaptation du roman de Diderot par Jacques Rivette et son scénariste Jean Gruault avait d’abord été à l’origine de représentations théâtrales mises en scène par Jean-Luc Godard, avec déjà Anna Karina dans le rôle-titre. Le film est en premier lieu célèbre pour avoir été l’un des tristes cas de censure cinématographique. Le tournage a été difficile, l’abbaye de Fontevraud, dépendante des Monuments historiques, ayant été interdite à l’équipe du film. L’œuvre obtint le visa de la commission de contrôle et fut sélectionnée au Festival de Cannes. Et pourtant, sous la pression de lobbies catholiques demandant l’interdiction du film sans même l’avoir vu, le ministère de l’Information bloqua sa sortie au motif de risque d’atteinte à l’ordre public. Devant le tollé général, le visa d’exploitation sera finalement accordé, assorti d’une interdiction aux moins de dix-huit ans.
- © 1965 StudioCanal - SNC - Gladiator Films . Tous droits réservés
Tout n’est pourtant que finesse et délicatesse dans cette transposition fidèle du récit de l’écrivain, qui fut distribuée sous le titre Suzanne Simonin, la religieuse de Diderot. Uniquement filmée en intérieurs, à l’exception d’une scène dans un jardin et d’une échappée à la campagne, l’histoire évoque ce cas d’enfermement religieux et ses conséquences sous la forme d’un thriller psychologique digne de l’oppression de Vol au-dessus d’un nid de coucou. Aux trois mères supérieures sont associées trois parties distinctes dans le scénario et trois visages de l’autorité religieuse. Mme de Moni (admirable Micheline Presle) incarne la bienveillance chrétienne, au plus près de la foi. Consciente de la souffrance de Suzanne, elle tente de l’intégrer en la faisant se rapprocher de Dieu mais sa mort prématurée marque le début de la descente aux enfers de la jeune femme. Sœur Sainte-Christine (Francine Bergé), qui la remplace, représente l’intégrisme et l’intolérance de l’institution religieuse. Des privations à l’isolement, le martyre de Suzanne, que l’on veut faire exorciser, suscite une réaction équivoque de la hiérarchie catholique, la sévérité des brimades étant reconnue mais l’affaire étouffée pour ne pas susciter de scandale.
- © 1965 StudioCanal - SNC - Gladiator Films . Tous droits réservés
Rivette apporte même une tonalité fantastique à certains événements, Suzanne adoptant un comportement étrange de par l’ostracisme dont elle est victime. Un volet aux tonalités buñueliennes imprègne le film dès sa troisième partie avec la mutation de Suzanne au couvent dirigé par Mme de Chelles (Liselotte Pulver). L’atmosphère détendue, futile et conviviale qui règne dans la communauté, ainsi que les intentions amicales dont est l’objet Suzanne, cachent en fait un comportement qui en veut à sa propre intégrité physique... Audacieux pour l’époque de Diderot, ce pamphlet contre l’aliénation religieuse, toujours d’actualité, est l’un des films les plus forts de Rivette, de par la perfection de sa dramaturgie. Le thème du complot, qui parcourt son œuvre depuis Paris nous appartient, prend ici une résonance particulière. On est stupéfait par l’épure de sa mise en scène et le refus de tout effet inutile, le sifflement du vent et de rares stridences musicales suffisant à créer un climat sonore frissonnant. Anna Karina est parfaite dans ce rôle d’une rebelle jusqu’au-boutiste. Son très léger accent danois apporte une note supplémentaire de distance à un jeu tout en nuances. Une autre version a été réalisée par Guillaume Nicloux en 2013, avec Pauline Etienne, Françoise Lebrun et Isabelle Huppert.
- Affiche d’Alain Baron - Reprise 4K 2018 (Les Acacias / StudioCanal) - © 1965 StudioCanal - SNC - Gladiator Films . Tous droits réservés
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.