De chair et de sang
Le 9 novembre 2020
Un ballet flamboyant, époustouflant de violence et de beauté.


- Réalisateur : Patrice Chéreau
- Acteurs : Jean-Hugues Anglade , Daniel Auteuil, Isabelle Adjani, Jean-Claude Brialy, Thomas Kretschmann, Asia Argento, Vincent Perez, Miguel Bosé, Jean-Philippe Écoffey, Virna Lisi, Johan Leysen, Claudio Amendola, Julien Rassam, Laure Marsac, Michelle Marquais
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution, AMLF Distribution
- Durée : 2h39mn
- Date télé : 2 octobre 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 13 mai 1994
- Festival : Festival de Cannes 1994

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Résumé : 1572. La guerre de religions entre catholiques et protestants fait rage. Afin de réconcilier les Français, Catherine de Médicis décide de marier sa fille, la catholique Marguerite de Valois, la "reine Margot", avec le protestant Henri de Navarre, le futur roi Henri IV. Au cours de la nuit de la Saint-Barthélémy, alors que le sang coule à flot dans les rues de Paris, la "reine Margot" sauve du massacre le seigneur de la Môle. Entre Margot la catholique et le protestant la Môle naît une passion qui fera basculer leurs destins.
Critique : Dès la première séquence, Chéreau nous emporte. Des voix nous parviennent, mêlées à la violence des chants liturgiques : nous voilà introduits, d’emblée, au mariage de Marguerite. Un mariage arrangé, bien entendu, mais qu’importe ? Les personnages s’en accommodent et semblent indifférents à leur sort. De telles compromissions leur sont, à eux comme à tant d’autres, devenues familières.
Aussi le film se garde-t-il de réhabiliter une histoire - celle des femmes par exemple, comme a tenté de le faire sans succès Bertrand Tavernier dans La princesse de Montpensier. Dans La reine Margot, la distance n’épargne jamais de la menace, et cette menace latente se donne autant à voir dans la chair des acteurs que dans leurs discours.
Les premières minutes s’apparentent ainsi à un grand ballet qui entraîne tous les corps vers le massacre d’un seul, le corps protestant, pendant la nuit de la Saint-Barthélémy. Chéreau nous le fait attendre, redouter, à travers une mise en scène des plus étouffantes où le ciel (au sens propre comme au figuré) est étrangement absent. Les personnages errent et complotent en groupe, agglutinés les uns aux autres, dans les couloirs étouffants du Louvre ou les ruelles glauques de Paris. La violence éclatera sans mesure.
Mais cette violence, dans le film, n’est pas seulement collective : elle est le fruit d’un mal individuel, du vice que chacun se plaît à nourrir. Les rapports charnels de La Môle et Margot le montrent : la souffrance et le plaisir n’y font qu’un. Idem de la relation qui unit Charles IX à sa mère. L’amour, la haine, le désir s’y entremêlent pour n’y former qu’un seul corps, hybride et monstrueux.
La fin du film le révélera du reste avec éclat, par un coup de théâtre presque improbable. Car ici tout le monde s’empoisonne. C’est toute la Cour qui souffre et transpire le sang de Charles IX - superbe agonie, servie par le grandiose Jean-Hugues Anglade. Ceux et celles qui, à l’image de Margot, se dissimulent la violence de ce mal collectif, ne peuvent le faire qu’au prix d’une lourde souffrance individuelle.
Magique, le film réussit à nous émouvoir sans jamais abolir la distance qui nous sépare de l’histoire. Tous les acteurs y sont excellents, sans exception, emportés par un même mouvement de grâce. Nous, spectateurs, nous ne formons avec eux et avec elle, Margot, qu’un seul corps. Bouleversant et vertigineux.