La Rançon de la gloire - la critique du film

Après le succès de Des hommes et des Dieux, Xavier Beauvois nous raconte une histoire un peu plate, que l’ombre de Chaplin ne suffit pas à élever au-dessus de la simple anecdote.

L’argument : Vevey, une petite ville au bord du lac Léman, 1977.
Tout juste sorti de prison, Eddy est accueilli par son ami Osman. Ils ont tous deux convenu d’un marché. Osman héberge Eddy, en échange de quoi celui-ci s’occupe de sa fille de sept ans, Samira, le temps que sa femme Noor subisse des examens à l’hôpital. Mais en cette veille de Noël, le manque d’argent se fait cruellement sentir. Aussi, lorsque la télévision annonce la mort du richissime comédien Charlie Chaplin, Eddy a une idée : subtiliser le cercueil de l’acteur et demander une rançon à la famille !

Notre avis : Xavier Beauvois change de registre et s’essaie à la comédie, en mettant en scène un fait divers survenu trois mois après la mort de Charlie Chaplin. Il en profite pour rendre un hommage appuyé au maître, par des citations nombreuses autant que par le récit des aventures de deux pauvres hères maladroits et attendrissants.
Malheureusement, malgré (ou à cause) de bonnes intentions un peu évidentes, le film ne décolle jamais, engoncé dans une intrigue trop mince et sans véritable enjeu. Côté thriller, il n’y a aucune surprise, aucun suspense, même dans l’interminable séquence où les deux compères volent le cercueil et le ré-enterrent un peu plus loin. On assiste au pénible travail de profanation sans que rien ne vienne perturber l’opération ou simplement nous inquiéter.

© Mars Distribution

Côté drame social, les difficultés sont gentiment exposées les unes après les autres comme autant de raisons à la décision d’Eddy et d’Osman. Les personnages féminins sont très effacés, sauf peut-être la jeune fille, dont on aimerait qu’elle nous émeuve autant que Le Kid de Chaplin.
Côté comédie enfin, le scénario produit bien peu de situations propices au rire. A part dans les quelques séquences où, à l’étroit dans une cabine téléphonique, les ravisseurs négocient avec la famille Chaplin, on reste impassible devant une histoire moins amusante que tristounette.
Certes les acteurs sont impeccables, et Benoit Poelvoorde, par sa seule présence, par sa voix, par son corps, par son visage, arrive à être à la fois drôle, roublard et fragile. Xavier Beauvois essaie d’ancrer son film dans le conte, en proposant notamment une musique épique en complet décalage avec des scènes assez pauvres en action. Il y a là une certaine audace, une curieuse volonté d’élever le quotidien au-dessus de sa trivialité. Depuis l’au-delà, Chaplin lui-même est sensé poser son regard protecteur sur Eddy et Osman.

© Mars Distribution

Mais on ne force pas ainsi le romanesque. Ce qu’on retient finalement du film, ce qui nous émeut vraiment, ce sont les quelques apparitions de Charlot (dans des extraits des Lumières de la ville ou de La Cure), qui surpassent très largement tout ce que La Rançon de la gloire a à nous proposer.
Le réalisateur de Des hommes et des Dieux se perd un peu entre le concret et le sacré, entre la réalité et le rêve (l’apparition du cirque, la présence presque irréelle d’un singe sur un banc...), s’inspirant sagement de son idole mais sans génie, et même avec une certaine maladresse. La magie reste superficielle, presque formelle, malheureusement étouffée par une trame convenue.