Le 9 novembre 2022
À la fois baroque et austère, romanesque et cérébral, ce beau film méconnu de Wojciech J. Has est une fresque grandiose.
- Réalisateur : Wojciech J. Has
- Acteurs : Jan Kreczmar, Mariusz Dmochowski, Beata Tyszkiewicz, Tadeusz Fijewski, Wieslaw Golas
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Polonais
- Distributeur : Malavida Films
- Editeur vidéo : Malavida
- Durée : 2h34mn
- Titre original : Lalka
- Date de sortie : 7 décembre 2022
- Festival : Festival de La Rochelle 2022
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– Année de production : 1968
Résumé : Dans les années 1870, en Pologne, les stratagèmes de Stanislas Wokulski, un brillant homme d’affaires parti de rien, pour conquérir Isabella Lecka, une belle aristocrate ruinée. Les jeux de l’amour et de l’ambition à l’époque des grandes découvertes scientifiques et de la montée de la bourgeoisie en Europe.
Critique : Moins connu que Wajda, Polanski ou Kieślowski, Wojciech J. Has est pourtant un cinéaste polonais majeur. On lui doit une quinzaine de longs métrages de fiction, tournés entre 1958 et 1988, dont certains sont des chefs-d’œuvre, comme Le manuscrit trouvé à Saragosse (1965) et La clepsydre (1973). Sorti en Pologne le 7 novembre 1968, La poupée n’avait jamais connu de diffusion en salles à l’étranger, mais fut édité en DVD à l’initiative de Malavida. En 2022, une restauration du film est suivie d’une présentation au Festival de La Rochelle, avant une sortie en salle qui arrive enfin en décembre. Coécrit (pour les dialogues) par Kazimierz Brandys, La poupée est l’adaptation d’un roman de Boleslaw Prus, publié sous forme de feuilleton entre 1887 et 1889, et que l’on peut rattacher au réalisme littéraire. On trouve en effet dans le matériau initial une veine proche de celles de Balzac ou Zola, et qui est assumée par Has dans sa transposition cinématographique.
- © Malavida
Soit donc le parcours de Stanislas Wokulski, un parvenu issu d’un milieu populaire, enrichi par le commerce. Devenu un respectable boutiquier, il prospère dans les affaires au point d’être fortement lié à l’urbanisation et l’industrialisation de son pays. L’intérêt du scénario adapté signé Has est de montrer la dualité du personnage, ses forces et faiblesses. Il peut être impitoyable avec un salarié qu’il licencie sur le champ pour un motif futile, tout en dévoilant un paternalisme pour d’autres. S’il s’enrichit aux dépens des plus faibles, il n’hésite pas à vouloir sortir de la misère une prostituée, en tout bien tout honneur. Et s’il abuse de la frivolité d’une noblesse désargentée qui constitue le plus gros de sa clientèle, il tient également lui venir en aide à ses frais, surtout lorsqu’il tombe amoureux de la jeune aristocrate Izabella Lecka. Mais ce qui aurait pu n’être qu’une reconstitution historique et romanesque compassée, avec costumes et décors d’apparat, devient avec Wojciech J. Has un objet fascinant, oscillant entre baroque et austérité, lyrisme et épure, émotion et démarche cérébrale.
- © Malavida
Certes, le récit est linéaire et il s’agit peut-être de son œuvre la plus accessible, mais la dualité des protagonistes (la jeune femme idéalisée, antipathique par ses trahisons mais émouvante dans ses doutes) et les ruptures de ton fréquentes nécessitent l’attention permanente du spectateur, tout en créant une atmosphère étrange et fascinante. Plusieurs séquences de La poupée révèlent alors un sens aigu de la mise en scène, du travelling dans les bas-fonds de la ville à la visite des salons cossus de la noblesse, où les invités semblent posés tels des accessoires décoratifs. À la fois viscontien, et fellinien, Wojciech J. Has est avant tout lui-même, à savoir un auteur original et intransigeant, virtuose dans son expression visuelle, et faisant preuve d’un profond humanisme. Il est ici bien épaulé par une équipe artistique et technique de haut niveau, composée notamment du directeur de la photographie Stefan Matyjaszkiewicz et du compositeur Wojciech Kilar, également auteur des musiques de plusieurs autres grands films dont le Dracula de Coppola et Le pianiste.
Bande-annonce La Poupée (W.J. Has) - sortie le 7 décembre from Anne-Laure Brénéol MALAVIDA on Vimeo.
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