Huppert sadomasochiste pour Haneke
Le 15 août 2013
Cette adaptation du roman d’Elfriede Jelinek est l’un des films les plus glaçants et sulfureux de Michael Haneke. Grand Prix du Jury et double prix d’interprétation au Festival de Cannes.
- Réalisateur : Michael Haneke
- Acteurs : Isabelle Huppert, Benoît Magimel, Susanne Lothar, Annie Girardot, Udo Samel
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Autrichien
- Distributeur : MK2 Distribution
- Editeur vidéo : MK2 Video
- Durée : 2h10mn
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 5 septembre 2001
- Festival : Festival de Cannes 2001
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Résumé : Erika Kohut, la quarantaine, est une honorable professeure de piano au Conservatoire de Vienne. Menant une vie de célibataire endurcie chez sa vieille mère possessive, cette musicienne laisse libre cours à sa sexualité débridée en épiant les autres. Fréquentant secrètement les peep-shows et les cinémas porno, Erika Kohut plonge dans un voyeurisme morbide et s’inflige des mutilations par pur plaisir masochiste. Jusqu’au jour où l’un de ses élèves se met à la séduire...
Critique : Adaptation d’un roman passionnant d’Elfriede Jelinek (éditions Seuil), auquel elle reste très fidèle, cette coproduction franco-autrichienne est pleinement cohérente avec l’écriture cinématographique et la thématique de Michael Haneke. Les fantasmes sadomasochistes d’Erika (Isabelle Huppert) font écho aux pulsions des deux jeunes meurtriers terrorisant une famille dans Funny Games et s’inscrivent dans une vision sèche et glaciale de la société autrichienne, anticipant la métaphore historique du Ruban blanc. Musicienne qui aurait pu mener une brillante carrière artistique, Erika ne s’épanouit pas dans une activité professorale pourtant prestigieuse et prend un malin plaisir à nuire à ses étudiants, à commencer par Anna, jeune prodige dont elle ne supporte pas la virtuosité. La déclaration amoureuse de Walter (Benoît Magimel) sera alors l’occasion de compléter son ersatz de sexualité et de satisfaire ses penchants secrets. Haneke n’est pas tendre avec ses compatriotes, à commencer par les figures maternelles. La mère d’Erika (Annie Girardot, ravagée) vampirise sa fille et joue les geôliers, personnage tant effrayant par son autoritarisme que comique par son décalage avec les tentations de la pianiste. La maman d’Anna (Susanne Lothar) semble moins space mais guère plus sereine, mettant une pression énorme sur la réussite de sa fille, et s’inquiétant d’une probable cicatrice à la main de celle-ci, « déjà qu’elle a un physique ingrat »... Par son perfectionnisme aseptisé, la ville de Vienne, capitale mondiale de la musique classique, semble ici créer des monstres de rigidité et d’individualisme.
Les Lieder de Chopin apportent leur parfum de tristesse à un film qui pourtant ne fait de la musique classique et de ses lieux de culte (Conservatoire, salles de concert) qu’un décor révélateur des motivations des personnages. On est loin de Tous les matins du monde et de sa réflexion sur l’art du compositeur. Ce n’est pas le sujet de l’œuvre, qui préfère montrer le caractère aliénant d’une activité artistique lorsqu’elle est pratiquée avec trop d’ascèse, pourrissant l’existence des intéressés et de leur entourage. « Jamais mes sentiments ne triompheront de mon intelligence », déclare ainsi Erika. Les plongées sur le clavier du piano créent alors le même sentiment d’angoisse et de prémonition du danger que celles suivant le véhicule des conducteurs de Funny Games. Muets et sobres, les génériques de début et de fin portent la marque du style distancié et dépouillé de Haneke, qui préfigure le magistral film de chambre que sera Amour. Le film séduisit Liv Ullmann, présidente du Jury du 54e Festival de Cannes qui lui octroya son Grand Prix ainsi qu’un double prix d’interprétation pour Isabelle Huppert et Benoît Magimel. Froide, distante, d’un jeu plus intériorisé que jamais, l’actrice est prodigieuse dans l’incarnation de ce petit animal blessé au point d’infliger aux autres et à elle-même des blessures irréparables.
– Festival de Cannes 2001 : Grand Prix du Jury - Prix d’interprétation féminine pour Isabelle Huppert - Prix d’interprétation masculine pour Benoît Magimel
– Césars 2002 : Meilleure actrice dans un second rôle pour Annie Girardot
– German Film Awards 2002 : Meilleur film étranger
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