’’Je salue la France de toutes les couleurs’’
Le 26 novembre 2013
Pour les trente ans de la ’’marche pour l’égalité et contre le racisme’’, Nabil Ben Yadir déterre l’épopée de la bande des Minguettes et la remet au goût du jour. Intéressant.
- Réalisateur : Nabil Ben Yadir
- Acteurs : Olivier Gourmet, Vincent Rottiers, Hafsia Herzi, Charlotte Le Bon, Tewfik Jallab
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Durée : 2h00min
- Date télé : 10 janvier 2017 23:25
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 27 novembre 2013
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Pour les trente ans de la ’’marche pour l’égalité et contre le racisme’’, Nabil Ben Yadir déterre l’épopée de la bande des Minguettes et la remet au goût du jour. Intéressant.
L’argument : En 1983, dans une France en proie à l’intolérance et aux actes de violence raciale, trois jeunes adolescents et le curé des Minguettes lancent une grande Marche pacifique pour l’égalité et contre le racisme, de plus de 1000 km entre Marseille et Paris. Malgré les difficultés et les résistances rencontrées, leur mouvement va faire naître un véritable élan d’espoir à la manière de Gandhi et Martin Luther King. Ils uniront à leur arrivée plus de 100 000 personnes venues de tous horizons, et donneront à la France son nouveau visage.
Notre avis : ’’Lève-toi et marche’’, le mot de la fin. Pour l’anniversaire des trente ans, Nabil Ben Yadir déterre un pan de l’histoire oublié : celle qu’on appelait alors ’’la marche des beurs’’. Et pourtant, loin de se faire le simple écho d’un pamphlet politique, La marche tranche dans l’humain et vise en plein cœur. Tout commence à la cité des Minguettes : une bande de jeunes, un climat de tension, et une bavure policière mettent le feu aux poudres. Armés de leurs innocence, trois adolescents décident de se révolter. Et de marcher. Pour aller où, ils ne savent pas vraiment. Seul le symbole importe. Pour leurs familles, c’est de la folie ! L’heure n’est pas à la connerie, il faut trouver du travail. Seul le curé du coin approuve, trouve une camionnette et monte le micro-mouvement. Un tour de moteur plus tard, la marche du système D est lancée.
Véritable road-movie, La marche s’anime d’une démarche intelligente : filmer les rouages du groupe, ses envolées, ses pannes, et ses poids morts. Et c’est bien là la puissance du film, l’immersion dans une communauté en gestation. Si tous visent une fin anti-raciste, nos héros se heurtent sur les moyens à employer : pacifisme ou radicalité, sacrifice ou préservation, symbolisme ou relais concret du quotidien des étrangers. A l’impulsion de la jeunesse, il faut maintenant raccorder un fond. Et comme dans tout mouvement, le débat vire souvent au dialogue de sourd ! Cocasse, cette première partie d’une marche un peu "branquignole", errant de villages en villages sans jamais trouver un seul fidèle, s’entache peu à peu d’une note très mélodramatique. Au réalisme des premiers temps succèdent les violons de Stephan Warbeck (Shakespeare in Love), et une certaine démagogie.... l’intolérance frappe toujours aussi fort sur les routes mais la remise en cause du mouvement n’est plus : d’hommes qui nous ressemblaient, les personnages deviennent héros.
Et quel dommage d’aller tirer sur cette ficelle artificielle quand les acteurs, déjà sublimes de justesse (ici il faut saluer la performance de nos trois petits jeunes des Minguettes : Tewfik Jallab, Vincent Rottiers, M’Barek Belkouk), offraient la promesse
d’une histoire humaine : celle de potes partis ’’marcher’’ sans envisager la portée. De leurs idées comme de leurs pas. Pour finalement se retrouver 1000 km plus loin.
Face à la réalité, la petite bande est bien forcée de grandir. Et de faire des choix. Initiatique, le voyage forge des caractères : Mohammed se révèle leader dans l’âme, Farid apprend avec beaucoup d’humour à tenir l’effort, et Mounia (Hafsia Herzi) impose son pragmatisme face à l’extrémisme de sa tante, Kheira (Lubna Azabal).
Et surtout, la disparité de leurs profils permet un recul, une mise en abîme de la thématique du film : la tolérance. Exit le manichéisme qui tire en noir et blanc le portrait d’une France divisée en deux : les fils d’étrangers et les autres. Dans La marche , Nabil Ben Yadir s’attarde, en de petits saynètes intimistes, à renverser la vapeur : la victime n’est pas toujours celle qu’on croit. Ainsi, quand la petite bande de la cité des Minguettes rejoint un bidonville de Marseille, leur vision de la misère s’épaissit. Quand ils découvrent l’homosexualité de Claire (Charlotte Le Bon), ils se surprennent à s’attarder sur sa ’’différence’’. Quand Sylvain déclare ses projets de couple auprès de Mounia, celle-ci le coupe : impossible, elle est arabe, il est français. Le racisme s’inverse. Mounia bafouille. Sylvain réplique : ’’on marche pour l’égalité des droits non ? Quand c’est les blancs, c’est du racisme et quand c’est les beurs c’est culturel ?’’. Pour le leader Mohammed, la conclusion est simple : dans cette France des années 80, le racisme est avant tout une problématique sociale. La preuve, Sylvain, il est blanc et ’’il prend aussi cher que nous !’’.
Réalisé en 35mm, La marche impose une esthétique du réalisme, où la lumière s’équilibre plus qu’elle ne se contraste, où le cadre tremble plus qu’il ne se fixe, où la vision se floute et se fractionne plus qu’elle ne s’objectivise. La caméra plantée dans la peau des personnages, Nabil Ben Yadir pose la pertinence d’une mise en scène rythmée sur l’émotion des marcheurs, calquée sur leurs coups de gueule, leurs coups de cœur, et leurs coups frappés au corps. Laissée hors-champ, la violence de l’agresseur est d’autant plus intense qu’elle est invisible. A l’image, les stigmates impriment notre rétine : dans le dos de Mounia, une croix gammée ensanglantée... La marche prend, l’ampleur grandit, le mouvement gagne Paris.
Pour les marcheurs, c’est la fin du combat. Et malgré une arrivée bien trop emphatique (plus de cinq minutes sur le ’’triomphe’’ populaire de nos héros), le texte de fin rattrape l’horizon sans nuage de cette dernière scène : la marche gagne une bataille dans l’égalité des droits mais perd la guerre. Rien n’a vraiment changé depuis 1983. Dans les quartiers, toujours une même histoire ’’d’étranger’’.
Un film de divertissement certes, mais doté d’un message, propice à faire reconnaître un mouvement oublié de la jeune génération, qui allie gravité et légèreté avec plus ou moins de justesse.
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