Le 24 mars 2024
Un constat implacable sur les ravages du néolibéralisme. Dans le rôle principal, Vincent Lindon est formidable.
- Réalisateur : Stéphane Brizé
- Acteurs : Vincent Lindon, Yves Ory, Karine De Mirbeck, Xavier Mathieu, Matthieu Schaller
- Genre : Drame, Drame social
- Nationalité : Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Editeur vidéo : Diaphana Édition Vidéo
- Durée : 1h33mn
- Date télé : 25 mai 2022 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 19 mai 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
Critique : Dès la première scène d’entretien, le cadre formel est solidaire du propos tenu : le plan-séquence constitue le dispositif à partir duquel s’énonce une intention qui lorgne sur le documentaire, pour configurer la violence d’un rapport inégalitaire. Un employé de Pôle emploi, appliquant les ordres d’une structure, subit les incriminations d’un chômeur promené de stages en formations, sans perspective d’embauche concrète. Le corps de Thierry raconte la misère économique, les humiliations qu’impose une vision néo-libérale féroce et l’alignement sur cette logique de l’ensemble des discours produits par tous les acteurs du monde social, à partir du moment où ils détiennent un pouvoir : de la banquière à l’enseignant, en passant par le directeur de l’hypermarché, le même lexique résonne comme une musique lancinante, où les mots "efficacité" et "résultats" dessinent les contours d’une société qui accable les plus faibles jusqu’à les mettre à mort.
A cette aune, le suicide d’une employée, salariée modèle d’un grand commerce de détail, socialement sacrifiée pour une faute vénielle dont elle est pourtant prête à assumer financièrement le coût, est un moment édifiant qui engendre une scène d’un cynisme absolu : le matois DRH, convoqué pour l’occasion aux fins de rassurer les salariés, récuse évidemment une notion récemment reconnue par une juridiction française, le harcèlement institutionnel.
Selon une stratégie que l’actualité documente tous les jours et dont le cynisme n’a d’égal que les confidences sur la vie privée d’un(e) disparu(e), l’entreprise évacue toute causalité professionnelle. Non, la mort de cette femme ne peut avoir de lien avec son travail. La posture autoritaire du directeur est pourtant là, qui persuade du contraire. Mais peu importe. Pour cette logique de rentabilité et de contrôle, que vaut la vie d’un individu ? Le cercueil de la salariée passe rapidement dans le champ, quand il traverse la nef d’une église. Une autre de ces subalternes sera convoquée quelques jours plus tard, qui aura enfreint une loi pour survivre.
Le film de Brizé dresse un constat implacable : flexibilisés, martyrisés par des salaires de misère (lorsqu’ils travaillent), contraints à survivre par tous les moyens, tous les pauvres vivent un ensemble de situations dégradantes et sont tenus d’accepter une logique concurrentielle, que la formation aux entretiens éclaire d’une manière absolument exemplaire : Thierry est jugé par ses pairs, tandis que la doucereuse voix du formateur valide un ensemble de reproches dont la violence symbolique est absolument manifeste.
L’effet de réel est renforcé par la présence de comédiens amateurs autour de Vincent Lindon, formidablement crédible en quinquagénaire à la fois accablé et volontaire.
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tifroumi 11 janvier 2020
La Loi du marché - Stéphane Brizé - critique
" Un constat implacable sur les ravages du néolibéralisme [...] " ET DU CAPITALISME DONC...
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c’est fou la peine qu’on a, nous, vivant sous capitalisme, sous système capitaliste... à prononcer ce mot
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avec la suite implacable et inévitable à donner à ce machin... l’éradication du capitalisme