Fraîchement débarqué
Le 10 septembre 2013
Reprenant avec humour et quelques bonnes idées le topos de l’idiot bienheureux, la lignée expérimentale de La légende de Kaspar Hauser pèche pourtant souvent par manque de rigueur, malgré les efforts des comédiens et la dynamique bande-son du DJ Vitalic.
- Réalisateur : Davide Manuli
- Acteurs : Vincent Gallo, Elisa Sednaoui, Silvia Calderoni
- Genre : Comédie dramatique, Expérimental
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h35mn
- Titre original : The legend of Kaspar Hauser
- Date de sortie : 11 septembre 2013
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Reprenant avec humour et quelques bonnes idées le topos de l’idiot bienheureux, la lignée expérimentale de La légende de Kaspar Hauser pèche pourtant souvent par manque de rigueur, malgré les efforts des comédiens et la dynamique bande-son du DJ Vitalic.
L’argument : Une île rocailleuse baignée de soleil, époque indéfinie, un ailleurs. Un corps s’échoue sur la plage. C’est celui de Kaspar Hauser, le prince héritier mystérieusement volatilisé à l’enfance. Ce corps réanimé qui refait surface semble avoir perdu l’esprit. Son apparition trouble la routine insulaire. Qui est Kaspar Hauser ? Un souverain, un idiot, un imposteur ? Inquiète, la Grande Duchesse de l’île appelle à la rescousse son amant, Pusher, dealer et tueur à gage. Inconscient de la menace qui pèse sur lui, l’étrange garçon apprend la vie auprès du Shérif... un ancien DJ qui voit en lui le nouveau Messie.
Notre avis : Magie du cinéma. Sur fond de musique électronique, un homme en blouson de motard convoque d’un geste des soucoupes volantes dans le ciel noir et blanc de Sardaigne. La légende de Kaspar Hauser, ce ne sera que cela – une suite d’apparitions et de disparitions mystérieuses, celle des motifs, des plans et des personnages eux-mêmes. Reprenant le récit de l’arrivée du jeune Kaspar Hauser – qu’on croit sot à cause de son mutisme – dans un petit village, Davide Manuli transforme l’idiot bienheureux en icône queer berlinoise, coupe blonde rasée sur le côté, corps androgyne aux ébauches de seins (c’est Kaspar, mais devant la caméra, l’actrice est bien Silvia), tressaillement incessant sur une musique tantôt imaginaire, tantôt assénée à grands coups de basses par la bande originale composée par Vitalic. Cela pourrait relever de la transposition simpliste et de la modernisation forcée, s’il n’y avait pas autour ce cadre désertique d’une île sarde, qui inscrit le film dans une filiation plus proche du cinéma expérimental d’un F.J. Ossang. Là, les hommes et les femmes ne sont que des figures mythiques, délavées des magazines et des écrans de cinéma – la prostituée, le shérif, la duchesse… – , à l’exception d’une ou deux « gueules » locales. Projeté dans cet univers de roche et de carton-pâte, un Vincent Gallo laconique incarne deux de ces figures, dont l’irritante fixité confine à l’auto-dérision, à moins qu’il ne s’agisse d’une complaisance dans cette caricature d’attitude rock’n’roll dont est parfois capable l’acteur américain…
Si La légende de Kaspar Hauser offre des moments de drôlerie et d’étrange complicité avec le spectateur, l’ensemble du film peine à trouver sa juste tenue, et la proposition expérimentale vient malheureusement trop souvent camoufler une absence de direction générale. Découpé en chapitres et épisodes biographiques, à la manière d’une vie de Jésus, le récit ne parvient jamais par le montage à faire naître un souffle qui le porte au-delà de la simple idée de mise en scène ou de motif scénaristique. Deux symptômes sont caractéristiques de cette trajectoire quelque peu laborieuse, l’emploi quasi-constant de la musique de Vitalic (efficace dans ses premières interventions, fatigante et excessive sur la fin) comme cache-misère de certaines séquences, et le caractère aléatoire des coupes (avec parfois l’insertion de cartons noirs), venant scier des plans souvent mous ou trop longs. S’il n’est certes pas dans la nature du projet d’être un film narratif « classique », il est tout autant difficile de considérer La légende de Kaspar Hauser comme un essai formel, car l’objet de sa recherche semble rester mystérieux tout le long du film, lui conférant un côté arbitraire charmant dans sa première demi-heure, mais fatal sur la durée d’un long-métrage. Débarqué sur le rivage et sauvé des eaux, Kaspar Hauser n’aura donc toujours pas réussi à livrer une quelconque forme d’explication.
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