Le 28 octobre 2024
L’association Louis de Funès-Gérard Oury à son zénith comique. Avec l’aide précieuse d’Yves Montand, dans un registre totalement inhabituel.
- Réalisateur : Gérard Oury
- Acteurs : Venantino Venantini, Yves Montand, Alberto de Mendoza, Gabriele Tinti, Louis de Funès, Paul Préboist, Alice Sapritch, Karin Schubert, Leopoldo Trieste, Eduardo Fajardo, Clément Michu
- Genre : Comédie, Film culte
- Nationalité : Espagnol, Français, Allemand, Italien
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 9 avril 2023 21:10
- Chaîne : France 2
- Box-office : 5 562 576 entrées France / 1 380 876 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 8 décembre 1971
Résumé : Don Salluste profite de ses fonctions de ministre des Finances du roi d’Espagne pour spolier le peuple. Mais la reine qui le déteste réussit à le chasser de la cour. Ivre de vengeance, il décide de la compromettre. Son neveu Don César ayant refusé de se mêler du complot, c’est finalement le valet de Don Salluste, Blaze, transi d’amour pour la souveraine, qui tiendra le rôle du prince charmant. Malheureusement, à force de quiproquos, il ne parvient qu’à s’attirer les faveurs de la peu avenante Dona Juana.
Critique : Du drame romantique de Victor Hugo, de son "ver de terre amoureux d’une étoile", il ne reste bien sûr que le squelette, la trame d’une vengeance ourdie par un ambitieux éconduit. Pour le reste, Gérard Oury paraît à son zénith comique, qui peut se permettre de parodier un texte patrimonial. La folie des grandeurs est un film bien plus rythmé que Le Corniaud et La grande vadrouille, parce que l’association incongrue de Montand (remplaçant au pied levé Bourvil) et Louis de Funès ne fonctionne pas sur l’opposition de l’impulsivité et de l’indolence. L’énergie de l’un vient doper l’agressivité naturelle de l’autre. La douceur de Bourvil, qui avait tendance à affadir la constante adrénaline dont se nourrit la drôlerie, est remplacée par une forme de séduction naturelle qui, chez Montand, s’infléchit vers des postures d’Arlequin. La vraie trouvaille du film est de les avoir réunis, ces deux acteurs-là, dont les univers cinématographiques semblaient pourtant si éloignés (la star des films politiques de Costa-Gavras, donnant la réplique au comédien fétiche de Jean Girault, il fallait quand même oser). Comme la galerie des seconds rôles est également excellente (mention spéciale à Sapritch dans un rôle de duègne atrabilaire et frustrée), la comédie n’accuse aucun temps mort.
Si le long métrage reprend, comme on le sait, la structure du drame hugolien, c’est plutôt à Molière que l’on pense, dans la mesure où le personnage incarné par Louis de Funès a tout d’un Harpagon, ataviquement requis par l’argent qu’il thésaurise, malade à l’idée qu’une seule pièce lui manque. Cette obsession nourrit une célèbre scène, où le fracas métallique de l’argent, coulant dans les doigts du valet, illumine le visage endormi du vilain. Mais on pourra, à sa guise, préférer l’absurde dialogue entre Salluste et un oiseau, envoyé en ambassade auprès de la reine, ou le surréaliste quiproquo que permet une haie, masquant la fuite du virevoltant Blaze, tandis qu’un gros molosse profile sa silhouette débonnaire, pour entendre une surprenante confession amoureuse. La folie des grandeurs mérite, à bien des égards, son titre hyperbolique. Lieu de toutes les audaces comiques, creuset jubilatoire où farandolent le western, le film de cape et d’épée, le balcon de Roxane et le meilleur du théâtre de Feydeau, l’œuvre s’agrémente d’une bande originale furieusement syncrétique de Michel Polnareff, un pur joyau de sa discographie inégale, qui convoque Morricone, le jazz-rock, le flamenco et la valse endiablée.
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Frydman Charles 6 novembre 2024
La folie des grandeurs - Gérard Oury - critique
Le film fait visiblement des clins d’œil amusés à la citation de Victor Hugo dans Ruy Blas : « ver de terre amoureux d’une étoile » et joue sur les homonymes « vert » et « ver » :
les pompons verts du chapeau de Don Salluste,
les pompons verts du vêtement de Blaze,
les gants verts de Don Salluste qui fait très ver avec son pantalon qui tombe devant la reine,
la reine qui l’accuse d’avoir fait un bébé à une jeune Allemande. Le bébé, le fils de Don Salluste, porte également des gants verts et semble être né avec. Don Salluste ne peut donc pas nier que c’est son fils ;
la "lettre anonyme" reçue par le Roi est scellée d’un lien avec des pompons verts ;
la reine révoque Don Salluste, un des conspirateurs dit de Don Salluste « vieux scélérat, il est aussi vert (ou ver) que ses gants » ;
Don Salluste chevauche un mulet avec une pèlerine verte et rejoint des pénitents verts ;
Blaze, Ruy Blas sous la plume de Victor Hugo, le « ver de terre amoureux d’une étoile », la reine, est paradoxalement beaucoup plus digne que Don Salluste très ver.