L’ultime voyage des comédiens
Le 17 décembre 2023
Julien Duvivier reforme, dans un hospice, "la belle équipe" théâtrale du temps jadis. D’une noirceur mortuaire, ce monument crépusculaire du cinéma français d’avant-guerre repose méritoirement aux côtés des œuvres majeures de Renoir et Carné.
- Réalisateur : Julien Duvivier
- Acteurs : Michel Simon, Sylvie, Louis Jouvet, Gaston Jacquet, Victor Francen, Madeleine Ozeray, Alexandre Arquillière, Pierre Magnier, Charles Granval, Arthur Devère, René Lacourt, Marie-Hélène Dasté
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Reprise: 20 avril 2016
- Date de sortie : 24 mars 1939
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Résumé : L’abbaye de Saint-Jean-la-Rivière menace de fermer ses portes. Ce qui serait une véritable catastrophe pour ses pensionnaires, tous de vieux comédiens sans ressource. Saint-Clair, acteur autrefois adulé et grand séducteur de femmes, vient justement d’y arriver et y retrouve Marny, grand rival dont il avait jadis séduit la femme, et Cabrissade, artiste de second ordre.
Critique : La fin du jour est une délectation verbale, née de la plume de Charles Spaak, le meilleur scénariste du cinéma français de l’entre-deux-guerres, avec Jean Aurenche ; magnifiquement éclairé par le directeur photo de Max Ophüls, Christian Matras. Ces deux artisans étaient déjà de la partie pour l’œuvre antimilitariste de Jean Renoir, La grande illusion. Très logiquement, il s’est vu attribuer, en 1939, la Coupe du meilleur film à scénario de la Biennale de Venise. À l’abbaye de Saint-Jean-la-Rivière, les comédiens de théâtre (monstres sacrés, premiers rôles, seconds rôles, figurants, souffleurs,...)... à bout de souffle, se remémorent, avec nostalgie, leurs prestations d’antan sur les planches... Cette maison de retraite, des plus extravagantes, voit défiler Lucien Cabrissade (Michel Simon), un souffleur qui, par amertume, s’invente des rôles chimériques ; ou encore Marny (Victor Francen) qui voit d’un très mauvais œil l’intrusion du dandy Raphaël Saint-Clair (Louis Jouvet)... Tout ce petit monde du spectacle, et plus encore le sexe faible, va être chamboulé par la venue de cet homme à femmes, qui retrouve les cœurs fragiles de jadis endurcis depuis comme la pierre, par sa faute... d’égocentrique. Au loin, le glas résonne dans le pavillon de ces résidents qui finissent par s’essouffler, à force d’avoir perpétuellement joué le rôle de leur vie... qui arrive tout doucement à son terme.De la plus belle manière qu’il soit, Julien Duvivier (Panique, Le petit monde de Don Camillo, Marie-Octobre) rend hommage au microcosme du monde des comédiens qu’il connaît mieux que quiconque ; ne se gênant pas pour l’égratigner au passage, lui qui a dirigé les plus grands acteurs de l’époque dont Jean Gabin qu’il révéla au grand public (La bandera, La belle équipe et Pépé le Moko). À l’origine, il devait réunir Raimu (qui se retira du projet), Michel Simon et Louis Jouvet. Véritables monstres sacrés du cinéma hexagonal, ils se retrouvent à nouveau devant la caméra (un an à peine après Drôle de drame de Marcel Carné) ; alors que sur les planches, ils se sont donnés la réplique à maintes reprises. Jamais l’envers de l’espace scénique n’a été représenté de façon aussi crue et réaliste, si ce n’est bien plus tard avec Mankiewicz (Guêpier pour trois abeilles) ; Duvivier met au jour les faux-semblants qu’ils emporteront à jamais comme un secret dans la tombe. Le parallèle avec le théâtre de Pirandello est flagrant, lui qui disait "À chacun sa vérité" ou "Il est plus facile d’être héros qu’un honnête homme". Considéré comme le film préféré de son auteur, Le fin du jour est indéniablement l’un des chefs-d’œuvre du septième art français des années 30 et mérite indiscutablement que l’on s’y attarde malgré le pessimisme caractéristique de Duvivier. Maintenant que vous êtes prévenus, vous savez ce qu’il vous reste à faire... le réhabiliter à sa juste valeur !
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