Le 26 août 2021
Une joute verbale toute en subtilité et en séduction entre deux êtres aux convictions diamétralement opposées.
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- Réalisateur : Nicolas Boukhrief
- Acteurs : Romain Duris, Amandine Dewasmes, Anne Le Ny, Marine Vacth, Solène Rigot, Lucie Debay
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Société nouvelle de distribution (SND)
- Durée : 1h56mn
- Date télé : 3 avril 2024 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 8 mars 2017
- Festival : Festival d’Arras
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Résumé : Sous l’Occupation allemande, dans une petite ville française, l’arrivée d’un nouveau prêtre suscite l’intérêt de toutes les femmes... Barny, jeune femme communiste et athée, ne saurait cependant être plus indifférente. Poussée par la curiosité, la jeune sceptique se rend à l’église dans le but de défier cet abbé : Léon Morin. Habituellement si sûre d’elle, Barny va pourtant être déstabilisée par ce jeune prêtre, aussi séduisant qu’intelligent. Intriguée, elle se prend au jeu de leurs échanges, au point de remettre en question ses certitudes les plus profondes. Barny ne succomberait-elle pas au charme du jeune prêtre ?
Critique : Le réalisateur Nicolas Boukhrief est surtout réputé pour ses films d’action. On se souvient de Gardiens de l’ordre en 2009, suivi du Convoyeur quatre ans plus tard et en 2015 de Made in France dont la sortie en salles a été stoppée pour cause d’attentats terroristes. Il dépose les armes et choisit de s’aventurer vers des contrées plus intériorisées en s’attaquant à la spiritualité. Coïncidence ou habile manière de suggérer que dans nos sociétés consuméristes, une élévation spirituelle serait peut-être le meilleur rempart contre certaines dérives meurtrières ? À chacun d’en juger. Toujours est-il qu’il choisit d’adapter librement le roman de Béatrice Beck Léon Morin, prêtre, tout en évitant de faire un remake du film éponyme de Jean-Pierre Melville, dont la production n’a pas acquis les droits.
De nos jours, un jeune prêtre se rend au chevet d’une femme âgée qui, sur son lit de mort, lui confie un secret dont elle n’a jamais parlé à personne : celui de sa rencontre, avec un homme d’Église qui a bouleversé sa vie, alors qu’elle n’était qu’une toute jeune femme.
- Copyright SND
À quelques mois de la fin de la guerre, l’arrivée d’un prêtre, séduisant et aimable, révolutionne la vie de ce village où les hommes sont rares (le mari de Barny est prisonnier en Allemagne). Au bureau poste où Barny travaille, toutes les femmes sont émoustillées et chacune y va de son discours. Contrairement à ses collègues de travail, elle décide de garder ses distances et même souvent de provoquer cet homme qui représente une idéologie dont elle se méfie. Pourtant, l’intelligence de son adversaire la poussera à transformer ces confrontations en échanges amicaux et peut-être même amoureux. Il a foi en Dieu, elle a foi dans le communisme. Sont-il pour autant si éloignés l’un de l’autre ? Ce ne sont finalement que deux humanistes habitués à défendre leurs idéaux.
Le réalisateur se garde bien d’entamer un quelconque discours politique ou religieux. Le seul moteur du récit est bien ce duel psychologique qui va s’entamer à coup de dialogues fluides et brillants, laissant chacun des personnages nous convaincre de son point de vue, loin de tout manichéisme. Les nuances apportées au traitement de chacune des situations rendent le récit accessible à tous, croyants ou non-croyants.
Mais cette belle rhétorique élégamment portée par une Marine Vacth émouvante dans la peau de cette jeune femme déchirée entre ses croyances et les arguments brillants de cet homme persuasif, et un Romain Duris à l’œil vif et au doux sourire enjôleur, risquerait de devenir indigeste sans l’étude psychologique de la population locale. Les opinions des uns et des autres sur le lieu de travail (en particulier dans le bureau de poste), les soupçons sur ceux qui trempent dans la Collaboration ou au contraire ceux qui résistent, le comportement des soldats allemands, sont autant de détails qui animent le récit, par ailleurs empreint d’humour et de légèreté. Malgré le conflit en toile de fond, règnent des instants de grâce réjouissants que l’on doit à la sérénité et la tolérance des deux protagonistes. Romain Duris, à qui la soutane sied merveilleusement, sait trouver le ton juste grave et lent pour habiller son personnage d’une dose équilibrée de vivacité et de mystère. On ne voit pas le temps passer en regardant ces personnages talentueusement éclairés de lumière ou d’obscurité selon les circonstances ; et lorsque le mot fin s’inscrit, on se sent enveloppé d’une paix réconfortante. En réactualisant de manière très personnelle ce livre datant de 1952, Nicolas Boukhrief nous prouve que les idéaux ne sont pas morts. Les modes et les usages changent mais la puissance des sentiments reste.