Les grandes reprises
Le 20 juillet 2022
Une vision poétique, humaniste et sincère, probablement le plus beau film jamais réalisé sur la vie du Christ.
- Réalisateur : Pier Paolo Pasolini
- Acteurs : Ninetto Davoli, Enrique Irazoqui, Marcello Morante, Susanna Pasolini, Enzo Siciliano
- Genre : Historique, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Carlotta Films, Lux Compagnie Cinématographique de France
- Durée : 2h17mn
- Reprise: 20 juillet 2022
- Titre original : Il Vangelo secondo Matteo
- Date de sortie : 3 mars 1965
- Plus d'informations : Événement Pasolini 100 ans ! (site de Carlotta)
- Festival : Festival de Venise 1964, Festival de La Rochelle 2022
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Résumé : La vie du Christ.
Critique : D’aucuns se sont gaussés : "Quoi, un communiste se mêle de raconter la vie du Christ !" (En fait Pasolini avait été exclu du PCI en 1950.) L’Église, elle, a su voir les choses d’une façon étonnamment moins sectaire puisqu’elle octroyait à cet Évangile selon saint Matthieu le Grand Prix de l’Office catholique international du cinéma, en même temps que la Mostra de Venise le couronnait de son Prix spécial du jury.
Des vies du Christ, on en a vu sur grand écran [1]. Et on en verra encore. Signées souvent de grands noms, parfois des fresques, parfois des films intimistes, romantiques, ou carrément à l’eau de rose. Rien de tout cela chez Pasolini. Et surtout pas l’iconoclastie qu’on pourrait rétrospectivement attendre de lui. L’Évangile de Matthieu (le premier à avoir été fixé par écrit) a été pour lui un texte fondateur. Et c’est en étant fidèle à ce texte que, paradoxalement, il dynamite les idées reçues.
- © Carlotta Films
Pour aller au plus près de sa vision personnelle de l’histoire, Pasolini a tourné son film avec des acteurs non professionnels, avec en tête l’étonnant Enrique Irazoqui [2] ; le rôle de Marie est tenu par la propre mère du réalisateur. Pasolini avait pensé tout d’abord tourner en Palestine mais, déçu par son repérage [3], il choisit le Basilicate, une des régions les plus pauvres et arriérées du Mezzogiorno. Ce parti pris donne une extraordinaire véracité à son film.
S’attachant à la parole de Matthieu, selon lui « le plus révolutionnaire de tous les évangélistes, parce qu’il est le plus réaliste », Pasolini colle au texte antique avec ses ellipses et son rythme. Il nous raconte en tableaux splendides - c’est peut-être dans ce film que transparaît le plus son amour de la peinture - une histoire d’amour et de trahison et surtout de mort, cette finitude sans laquelle le destin humain n’existerait pas. La beauté du film est sublimée par le choix des musiques d’accompagnement, Bach, bien sûr, Prokofiev, Webern et Les musiques funèbres maçonniques de Mozart pour une crucifixion sous-tendue par la fascination du poète pour la mort, cette "chère amie" inéluctable...
Libéré par son athéisme de toute schématisation, Pasolini a su donner du Christ l’une des visions les plus sincères qui soient, emplie de désespérance, de violence psychologique, d’idéalisme, et surtout rayonnante d’humanisme. Un très grand film où se rejoignent miraculeusement la poésie de l’Évangile et celle d’un des créateurs les plus inspirés du septième art.
- © Carlotta Films
[1] On peut citer dans cette "filmographie christique" deux Roi des rois, celui de Cecil B. DeMille (1927) et celui de Nicholas Ray (1961), La plus grande histoire jamais contée de George Stevens (1961), Jésus-Christ, superstar de Norman Jewison (1973), Le messie de Roberto Rossellini (1975), La dernière tentation du Christ de Martin Scorsese (1988), ainsi qu’une transposition moderne de Denys Arcand, Jésus de Montréal (1989)
[2] Enrique Irazoqui, étudiant catalan, se trouvait par hasard, en tant que badaud, sur le tournage du film ; il est doublé par l’acteur Enrico Maria Salerno
[3] Les lieux saints étaient devenus trop modernes, ce qu’il racontera dans un documentaire, Sopraluoghi in Palestina (1965)
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