L’essence du cinéma
Le 20 mars 2011
Un récit insolite, intemporel et austère, qui a valu une standing ovation au centenaire Oliveira lors de sa présentation cannoise en ouverture d’Un Certain Regard.
- Réalisateur : Manoel de Oliveira
- Acteurs : Leonor Silveira, Ricardo Trêpa, Pilar López de Ayala, Filipe Vargas, Adelaide Teixeira
- Genre : Drame, Fantastique, Drame fantastique
- Nationalité : Portugais
- Distributeur : Épicentre Films
- Durée : 1h34mn
- Titre original : O estranho caso de Angélica
- Date de sortie : 16 mars 2011
- Festival : Festival de Cannes 2010, Festival de La Rochelle 2022
Résumé : Dans les années 1950, les gérants d’un hôtel demandent à un photographe de prendre en photo leur fille récemment décédée...
- Copyright Epicentre Films
Critique : On sait que Manoel de Oliveira a dû attendre la soixantaine pour se consacrer pleinement à son art cinématographique et qu’il rattrape désormais le temps perdu, sortant du tiroir des projets enfouis qui n’avaient jamais abouti. Tel est le cas de ce récit intemporel, qu’il aurait pu filmer dans les années 50, et qu’il n’a guère modifié, ignorant délibérément les évolutions technologiques (appareil photo et trucages numériques). L’étrange affaire Angélica est un bel objet surréaliste, qui n’aurait pas déplu à Breton ou Buñuel, par son traitement charnel et poétique de la nécrophilie et des amours entre mortels et immortels.
- Copyright Epicentre Films
L’obscur objet du désir que constitue la jeune morte pour le photographe surmené révèle ici l’intérêt d’Oliveira pour les passions déviantes et les mystères non dévoilés. Comme dans Amours de perdition ou Francisca (ses sommets créatifs), le cinéaste adopte le ton de gravité avec cette pointe d’impassibilité qui n’atteint pas le ridicule mais donne à l’œuvre un aspect décalé et étrange. Il en est de même avec ces trucages anachroniques, plus proches, on s’en doute, de Méliès que de Cameron, et qui servent à merveille cette fantasmagorie du désir amoureux ; on peut y voir aussi un hommage aux grands cinéastes de l’amour à mort féérique, du Hathaway de Peter Ibbetson au Cocteau de La Belle et la Bête. Enfin, on appréciera ces discussions scientifiques entre notables, qui constituent une savoureuse digression au sein du récit et confirment le goût d’Oliveira pour les longs dialogues intellectuels autour d’une table (Un film parlé, Belle toujours). Même si d’aucuns préfèreront d’autres jalons de sa carrière (Val Abraham), L’étrange Affaire Angélica est l’essence même de l’art de Oliveira et le réalisateur centenaire a bien mérité sa standing ovation à l’issue de la séance d’ouverture d’Un Certain Regard.
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Frédéric de Vençay 31 mars 2011
L’étrange affaire Angélica - Manoel de Oliveira - critique
Beau récit d’une simplicité biblique, qui n’hésite pas à employer des trucages hors d’âge et à une mine de références littéraires/picturales poussées pour atteindre à sa singulière poésie. L’ensemble reste plutôt austère, exigeant, ennuie par moments, touche par d’autres, renvoyant à une philosophie de vie profonde et mûrement pensée (la belle séquence des "derniers" bêcheurs, qui annonce la disparition d’un monde). A découvrir, quitte à ne pas adhérer à l’accueil critique dithyrambique qu’on lui tresse depuis sa présentation à Cannes.