Marivaux made in banlieue
Le 28 octobre 2010
La banlieue à hauteur d’ados dans un film porteur d’espoir.
- Réalisateur : Abdellatif Kechiche
- Acteurs : Osman Elkharraz, Sara Forestier, Sabrina Ouazani, Carole Franck
- Genre : Comédie dramatique, Teen movie
- Nationalité : Français
- Distributeur : Rezo Films
- Durée : 1h57mn
- Date de sortie : 7 janvier 2004
Résumé : Abdelkrim, surnommé Krimo, a quinze ans et tombe secrètement amoureux de Lydia, une adolescente férue de Marivaux qui passe son temps à répéter le spectacle monté par la classe, à l’occasion de la fête de l’école...
Critique : Sur le papier, L’esquive fait très peur, laissant imaginer le pire dans le genre constat social banlieusard... Surprise : il n’en est rien. Progressivement, le scénario, subtil et fin, évapore les clichés, s’affranchit des comparaisons peu flatteuses et propose une histoire drôle, simple, juste, lumineuse. La gageur de L’esquive est de proposer un marivaudage made in banlieue qui repose sur une multitude d’idées audacieuses. La première consiste à montrer une autre image de la banlieue sans les problèmes sociaux inhérents.
Après une première Faute à Voltaire sur le monde des laissés-pour-compte, Kechiche pose sa caméra dans une banlieue ordinaire et se met à hauteur d’ados pris au cœur d’une mise en abyme et d’un vaudeville moderne où la réalité côtoie délicieusement le dérisoire. En filigrane, le cinéaste privilégie ici l’individu par rapport au groupe. Par exemple, le jeune Krimo se met au théâtre par amour et emprunte ce support pour déclarer sa flamme à celle qu’il aime secrètement. Il ne possède pas les mots pour lui dire ce qu’il ressent, de la même façon qu’il a peur de la réaction de ses amis. Incidemment, le film prend la forme d’une belle histoire d’amour entre deux personnages qui, prisonniers de leur condition, ne peuvent pas dire qu’ils s’aiment et dont l’issue de leur relation est inévitable. Cette situation sert de plan final au film.
Cependant, si le cinéaste montre sans démagogie une image de la cité qui va craquer débarrassée de poncifs, son film n’est pas pour autant consensuel : le passage éclair des flics rappelle à quel point les jeunes issus de l’immigration et plus généralement des cités peuvent être parfois victimes des clichés haineux véhiculés par les médias, les réduisant à des délinquants. C’est une réalité que le réalisateur n’a pas eu envie d’éluder sans quoi son récit aurait sans doute été taxé d’angélisme. Mais il y a ici plus d’espoir que d’appel à la révolte : Kechiche a compris que montrer une image plus juste de la banlieue (sans pour autant l’améliorer ni la magnifier) pourra peut-être faire évoluer les mentalités. Beau combat.
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7 mars 2005
L’esquive - Abdellatif Kechiche - critique
abdellatif kechiche je n ai pas encore vu votre film j ai vu la bande annonce et bravo
puremorning 27 avril 2007
L’esquive - Abdellatif Kechiche - critique
« Queen »
L’amour en banlieue ? Ca existe et l’Esquive est là pour le prouver ! Loin des clichés de la banlieue-pas-rose-et-morose, Abdellatif Kechiche joue la carte du vaudeville dans une cité. Pari osé et pari réussi.
Kechiche ne se contente pas de la bagatelle et peint un tableau social grinçant. Mais il y a aussi et avant tout l’espoir, la vie, le dynamisme, l’amour de Krimo, Lydia, Frida et compagnie. Dans un jeu de miroir subtil entre la pièce de théâtre et la réalité, le réalisateur renvoie à la difficulté de communiquer en amour, surtout quand les autres s’en mêlent, surtout quand l’environnement plombe.
Roméo et Juliette n’est pas loin, mais L’esquive va plus loin dans le constat sociologique. Une gageure.
Les acteurs, instinctifs et justes, sont remarquables de spontanéité. Ils communiquent l’incommunicabilité avec talent. Aux extrêmes, Osman Elkharraz est tout en sobriété et Sara Forestier, extravertie à souhait.
La mise en scène sur le vif, dynamique contribue à la réussite du film. Certes, c’est autant un parti pris que le résultat d’un manque de moyens financiers, mais c’est bien là la preuve que l’argent de ne fait pas forcément le bon (septième) art.