Le 26 avril 2015
Un film de qualité du cinéaste norvégien Erik Poppe autour d’une photographe de guerre magistralement interprétée par Juliette Binoche.
- Réalisateur : Erik Poppe
- Acteurs : Juliette Binoche, Nikolaj Coster-Waldau, Larry Mullen Jr., Maria Doyle Kennedy, Chloë Annett
- Nationalité : Irlandais, Suédois, Norvégien
- Durée : 1h57min
- Titre original : Tusen ganger god natt (norvégien) - A Thousand Times Good Night
- Date de sortie : 6 mai 2015
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Un film de qualité du cinéaste norvégien Erik Poppe autour d’une photographe de guerre magistralement interprétée par Juliette Binoche.
L’argument : Gravement blessée à la tête lors d’une attaque à la bombe sur un marché de Kaboul alors qu’elle suivait un groupe de femmes terroristes, Rebecca, une des plus grandes photographes de guerre au monde, retourne chez elle, en Irlande, pour se remettre de ce traumatisme. Le choc n’a pas ébranlé qu’elle : Marcus, son mari, lui fait comprendre qu’il ne supporte plus l’angoisse à chacun de ses départs en reportage, dont il n’est jamais certain qu’elle revienne. Rebecca décide alors de renoncer à couvrir des zones de combat et de prendre du temps pour son couple et ses deux filles de 7 et 13 ans. Mais peut-on vraiment échapper à sa passion, si dangereuse qu’elle soit ?
© Septièmefactory
Notre avis :
Sorti en Norvège en octobre 2013, L’épreuve d’Erik Poppe, avec Juliette Binoche dans le rôle principal, arrive enfin sur nos écrans ce 6 mai 2015. On peut en effet parler de longue « épreuve » pour ce film qui, dans l’intervalle, a été distribué dans de nombreux pays et obtenu le prix de la Critique du cinéma norvégien ainsi que le prix spécial du Jury au festival des Films du monde de Montréal en 2014.
Erik Poppe, dont L’épreuve est le quatrième long métrage, s’était fait remarquer auparavant par ses films courts à thème humanitaire et son précédent film scandinave, En eaux troubles (2008), drame ténébreux qui connut une carrière internationale. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a d’abord été reporter-photographe de guerre dans les années 1980. C’est donc en s’appuyant sur son propre vécu que le cinéaste a entrepris la réalisation de L’épreuve, dont l’héroïne est justement une photographe de guerre.
Rebecca (Juliette Binoche) est une photographe française de renommée internationale. Passionnée par son métier, elle est également très amoureuse de Marcus, son mari, un scientifique norvégien captivé, lui, par ses recherches sur la pollution marine. Ces deux passionnés vivent en Irlande avec leurs filles, âgées de 13 et 9 ans.
Dès les premières images, on retrouve Rebecca – qui ne quittera d’ailleurs plus l’écran – en Afghanistan. La photographe a pu, étant une femme, assister au cérémonial de la préparation d’une jeune femme que d’autres femmes voilées bardent soigneusement d’explosifs à la ceinture. Rebecca mitraille avec des objectifs photographiques sophistiqués la future « martyre », pour ne pas perdre une miette des derniers moments vécus par la terroriste. La maitrise de la situation par la photographe est troublante tant elle semble ne pas avoir de réelles émotions. Ce n’est qu’à la vue d’enfants dans le marché où la bombe va exploser que Rebecca hurle de douleur : « Attention ! Il y a une bombe ! »
Accidentée dans l’attentat, Rebecca revient en Irlande dans sa famille. Marcus craque – pour lui, cette vie n’est plus possible : « Tu pues la mort ! » Ses filles sont déstabilisées par une mère qui finit par reconnaitre qu’elle « sème une sacrée pagaille ». Un choix cornélien s’impose. Rebecca décide finalement d’arrêter un métier qui la tient éloignée d’un mari et de deux filles en proie à des affres permanentes.
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Mais, par un concours de circonstances, Rebecca est réclamée pour un reportage qu’on lui présente « sans risque » dans un camp de réfugiés au Kenya. Marcus l’encourage à s’y rendre avec leur fille ainée Stéphanie, qui a très envie de participer à cette aventure. Une fois sur place, l’affaire se révèle en fait dangereuse, le camp étant un lieu d’affrontements entre différentes ethnies. Rebecca, tout en mettant sa fille à l’abri, retrouve ses anciens réflexes et se met terriblement en danger pour avoir les meilleurs clichés d’une abominable tuerie. Peu de temps après le retour en Irlande, Marcus apprend fortuitement ce grave incident. Rupture et moment crucial du film. Rebecca essaye de se justifier auprès de sa fille : « C’est par colère que j’ai photographié la mort, ça me permet de me calmer. » Une fille qui admire finalement sa mère, « très courageuse ».
Rebecca peut elle échapper à sa vocation dangereuse ? Renoncera-t-elle à couvrir ces zones de guerre ? Elle repart en Afghanistan pour revivre la même situation qu’au début du film, mais quelque chose de profond a changé. Sa fille l’a aidée manifestement à grandir. Erik Poppe a souhaité une fin très ouverte de L’épreuve.
Ce film aborde des sujets forts et sensibles et mène une réflexion pertinente sur images et pouvoirs. On se souvient des nombreux dilemmes à propos de clichés qui ont fait le tour du monde autour d’événements liés à des conflits ou des catastrophes naturelles. Sans parler des dégâts créés par des manipulations d’images et des reportages bidonnés en Roumanie lors de la chute des Ceausescu, à Sarajevo lors de la guerre des Balkans – ou bien ailleurs…
Erik Poppe effleure aussi cette passion que peut avoir un photographe de capter chaque détail d’une guerre ou d’une catastrophe : est-ce uniquement du voyeurisme ? une forme d’addiction aux situations dangereuses ? Est-ce un acte humanitaire, voire militant, que de s’emparer à ce point de la photographie, une arme véritable ? On aurait aimé que le cinéaste accorde plus d’importance à l’analyse psychologique de ces questions.
Il a choisi deux grands acteurs, Juliette Binoche et Nikolaj Coster-Waldau, pour faire vivre son « épreuve ». Saluons d’abord la performance de Juliette Binoche, qui porte en grande partie le film sur ses épaules. L’actrice, une fois de plus, prend des risques et se met en danger avec un rôle aussi nouveau, qui lui a demandé sans doute beaucoup d’implication – même si elle a été remarquablement coachée par un professionnel comme le photojournaliste américain Zoriah. Juliette Binoche est magnifique aussi bien dans les scènes sur le terrain des conflits que dans des scènes intimistes avec Marcus et Stéphanie, sa fille ainée. Nikolaj Coster-Waldau nous impressionne, lui, par son jeu d’une grande sobriété, tout en force retenue.
L’épreuve est un film de qualité. Même si l’on regrette un manque de rythme et des longueurs au début – après la scène choc de l’attentat-suicide, il faut un peu de temps pour entrer dans cette « épreuve » –, on est ensuite saisi par le propos du cinéaste, grâce à des grands acteurs d’une belle sincérité, grâce à une musique séduisante du franco-marocain Armand Amar et à la photographie sublime du norvégien John Christian Rosenlund, qui a su capter les verts tendres irlandais comme les rouges violents afghans et kenyans.
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