L’As de pique - Miloš Forman - critique

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Critique : Premier long métrage de Forman, cette chronique de l’adolescence le plongea d’emblée dans une sorte d’euphorie créatrice : « J’étais tellement ignorant du métier que rien ne me paraissait impossible ». Le film est souvent considéré, à juste titre, comme le fer de lance et le manifeste de la Nouvelle vague tchèque. La découverte des premières amours, le ton semi-documentaire de certaines séquences (le bal populaire), la caméra à l’épaule dans les rues de la capitale (la foireuse filature du client présumé voleur) ne sont pas si éloignés du style d’un Truffaut ou d’un Godard de la même période, par ce goût de l’improvisation contrôlée également proche du cinéma-vérité. Mais la griffe de Forman est bien là, le cinéaste proposant en outre une critique sociale en filigrane : absence de perspective pour la jeunesse, échec des relations familiales, pouvoir politique certes invisible mais semblant procéder à une normalisation bien contrôlée. Bénéficiant de prises de vue et de cadrages particulièrement réussis, L’as de pique vaut aussi par cet usage d’humour et de mélancolie, constamment en balance. Si Les œuvres américaines de Forman, de Vol au-dessus d’un nid de coucou à Amadeus, gagneront en profondeur esthétique, technique et thématique, rarement le réalisateur ne retrouvera la légèreté minimaliste de ses productions tchécoslovaques ; mais il est permis de penser que l’empreinte de L’as de pique et Les amours d’une blonde ne sera pour rien dans l’attribution de la palme d’or à Papa est en voyage d’affaires par un jury cannois présidé par... Miloš Forman.