Brumes portuaires et halo de lumière
Le 3 novembre 2010
Réunissant à nouveau l’équipe de 7th heaven, L’ange de la rue déploie les fastes d’un système hollywoodien à son apogée tout en nous entraînant, les yeux écarquillés, dans l’univers magique d’un cinéaste totalement singulier qui célèbre avec une candeur fiévreuse, la transfiguration opérée par l’amour.
- Réalisateur : Frank Borzage
- Acteurs : Janet Gaynor, Charles Farrell, Guido Trento
- Genre : Comédie dramatique, Film muet
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/film-670...
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– Titre original : Street angel
– Durée : 1h42mn (blu-ray)
– Durée : 1h37mn (DVD)
– Sortie aux Etats Unis : 9 avril 1928
Réunissant à nouveau l’équipe de 7th heaven, L’ange de la rue déploie les fastes d’un système hollywoodien à son apogée tout en nous entraînant, les yeux écarquillés, dans l’univers magique d’un cinéaste totalement singulier qui célèbre avec une candeur fiévreuse, la transfiguration opérée par l’amour.
L’argument : Dans le Naples pouilleux du début du XXe siècle, Angela se trouve au chevet de sa mère mourante. Pour lui procurer le médicament prescrit par son médecin, elle descend dans la rue et tente d’aborder les passants. Très vite, la garde l’arrête et la condamne à un an de pénitencier pour racolage et vol. Angela parvient à s’enfuir en se réfugiant dans le tambour d’un cirque. Devenue funambule, la jeune fille mène une vie de foraine, jusqu’au jour où la route d’un peintre ambulant croise la sienne...
Notre avis : Après le succès triomphal de 7th heaven, la Fox s’empressa d’associer à nouveau le couple Farell - Gaynor et d’offrir à Borzage des moyens quasi illimités pour ce nouveau projet réunissant les mêmes ingrédients, mais comme exacerbés et démultipliés. Les résultats au box office dépassèrent d’ailleurs toutes les espérances, le film déclenchant un véritable raz-de-marée de la part du public.
Le scénario de Street angel - L’ange de la rue est encore plus tiré par les cheveux que celui du film précédent et la célébration de l’amour donnant des ailes à des personnages englués dans une existence sordide y est encore plus exaltée.
Mais ce qui, à la lecture du scénario, pourra paraître excessivement tarabiscoté (le portrait transformé par des faussaires en Madone de maître ancien et qui permet à Gino de reconnaître le vrai visage d’Angela) et surtout d’un sentimentalisme, voire d’une niaiserie insupportables, est transfiguré par une émotion à fleur de peau et une sorte de candeur visionnaire qui laisse pantois.
Car Borzage, saisie d’une véritable euphorie créatrice, sort ici le grand jeu comme rarement et sidère, à la fois par une virtuosité technique époustouflante et par un bonheur expressif constant qui ne peut que nous transporter : caméra virevoltant dans un immense décor qui reconstitue un quartier populaire de Naples et accompagnant les personnages avec une empathie totale ; photo incandescente, constamment baignée dans une espèce de halo mystérieux, qui déploie toutes les facettes d’un clair-obscur capiteux et fait rayonner les visages d’un feu intérieur ; montage à la respiration musicale ; grâce chorégraphique d’un jeu d’acteurs comme illuminés, en état de transe.
Le film a indéniablement un petit côté tour de force : il s’agit à l’évidence pour Borzage de prouver qu’il peut rivaliser avec Murnau et les plus belle réussites du cinéma allemand. Cette influence est particulièrement apparente dans les scènes du tribunal (Janet Gaynor écrasée par la contre-plongée et les têtes des juges au premier plan), de la prison (les barreaux en ombres portées sur le mur) et l’extraordinaire séquence finale, se déroulant dans le port noyé de brume, dont la magie envoutante repose en grande partie sur le travail exceptionnel du décorateur Harry Oliver (qui réalise aussi des prodiges dans la scène légèrement antérieure où Angela revient dans la maison abandonnée encombrée de toiles d’araignées).
Mais ce qui, au delà de toutes ces admirables prouesses, fait le prix inestimable de Street angel c’est l’innocence quasi angélique du regard de Borzage et sa vibrante célébration d’un amour qui restitue aux êtres leur innocence originelle et leur permet de résister au malheur pourtant omniprésent.
Ce regard est affranchi des conventions hollywoodiennes et si Gino et Angela font chambre à part, leurs gestes et leurs expressions sont d’une éloquente franchise. Quant aux jeux amoureux dans la roulotte du couple de saltimbanques (Maria et Beppo), ils sont empreints d’un érotisme exquis et enfantin (il lui tire les cheveux, elle se blottit contre lui tel un chat).
Cette liberté et cette candeur fiévreuse émerveillent d’un bout à l’autre de ce chef d’oeuvre qui parvient à conjuguer miraculeusement une sophistication extrême à une constante et inaltérable fraîcheur.
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Le DVD
Carlotta comble une fois de plus les cinéphiles en éditant, le 3 novembre 2010, un luxueux coffret Borzage réunissant les quatre chefs d’oeuvres qui couronnent sa carrière muette accompagnés de courts métrages du réalisateur et de témoignages précieux. Chacun des films est également disponible séparément en blu-ray. Quelle que soit l’option choisie, un superbe album photos est offert en prime.
Nous avons déjà analysé La femme au corbeau ainsi que le DVD de L’heure suprême - 7th heaven et nous nous pencherons très prochaînement sur Lucky star - L’isolé.
Les suppléments
Comme toujours chez Carlotta, le programme est copieux et d’une qualité exceptionnelle :
– Quête de pureté : Hervé Dumont, grand spécialiste de Borzage, fournit nombre d’informations précieuses et analyse le film avec beaucoup de justesse dans cet entretien de 12 minutes.
– Les ailes du désir (15mn) : une brillante et éclairante analyse de Michael Henry Wilson qui définit Borzage comme le Fra Angelico du mélodrame. Le texte, judicieusement illustré d’extraits des trois films du coffret, est lu en français par la voix de Gwenaëlle David. A signaler que le niveau sonore est étrangement fluctuant, petit défaut qui n’est pas trop gênant cependant.
– A ticket for Thaddeus : court métrage de 25 mn réalisé en 1956 pour la série Screen directors playhouse. La rééducation d’un polonais ayant échappé au nazisme et apprenant à surmonter sa crainte des uniformes. Très beau.
– Une superbe galerie photo.
Image
Quelques rayures et griffures de-ci de-là ne font qu’accentuer la splendeur d’une photo capiteuse qui décline toutes les gradations du noir au blanc. Le tout est baigné dans un sfumato du plus bel effet. Le report rend justice à ce travail exceptionnel des chefs opérateurs Ernest Palmer et Paul Ivano.
Son
Le movietone d’Ernö Rapée, qui use et abuse de mélodies napolitaines, à commencer par l’inévitable Angela mia, a été nettoyé de ses stridences et produit tout son effet dans un son mono 1.0 impeccable. Il serait dommage de se passer de cet accompagnement un brin insistant qui contribue efficacement à renforcer la charge émotionnelle du film.
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