Le 8 mai 2016
Après l’intense et inoubliable Leçons d’harmonie, le cinéaste kazakh nous livre le deuxième volet de sa trilogie vue à travers le prisme de l’adolescence. Une œuvre belle et exigeante.
- Réalisateur : Emir Baigazin
- Acteurs : Nurlybek Saktaganov, Madiar Aripbai, Madiar Nazarov
- Nationalité : Français, Allemand, Kazakh
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 11 mai 2016
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Le cinéaste kazakh nous livre le deuxième volet de sa trilogie vue à travers le prisme de l’adolescence. Une œuvre belle et exigeante.
L’argument : Il était une fois dans un village au Kazakhstan.
Lorsque son père sort de prison, le jeune Jaras n’a d’autres choix que de travailler pour nourrir sa famille.
Poussin a une très belle voix, il s’entraîne pour passer un concours de chant. Mais les caïds de l’école vont en décider autrement.
Crapaud explore les ruines de son village à la recherche de métaux à revendre. Sur son chemin il rencontre trois fous qui lui parlent d’un trésor caché.
Alsan est un élève promis à de brillantes études. Lorsque sa petite amie tombe enceinte, il doit trouver une solution coûte que coûte.
Quatre destins, quatre adolescents qui devront brûler leurs ailes pour se trouver une place dans le monde.
Notre avis : Le titre du long métrage fait référence au tableau du peintre finlandais Hugo Simberg. Œuvre majeure du Symbolisme, ce tableau montre un ange, les yeux bandés, les ailes cassées , emmené sur un brancard, par deux hommes en noir, vers un lieu inconnu. Libre à chacun d’y apporter son interprétation. Le jeune cinéaste kazakh Emir Bagaizin nous livre la sienne avec son nouveau long métrage.
Prenant place dans un Kazakhstan intemporel malgré quelques indices qui permettent de situer l’action dans les années 90, l’histoire est partagée en quatre chapitres qui s’attardent chacun sur un personnage différent, tous des adolescents. Ici point de roublardise où l’on découvre que tout est lié par une pirouette narrative. Tout au plus quelques lieux reviennent, des liens se font au détour d’une discussion ou lors d’un plan final renversant de cruauté et de beauté à la fois. Nous ne sommes pas dans un film choral un peu pompeux mais dans une œuvre poétique et sociologique à la fois, belle et exigeante en même temps, qui évite le piège de l’illustration didactique et scolaire d’un système en train de pourrir.
Le rythme est lent, le sens de l’ellipse peut dérouter au début, le réalisateur compose chacun de ses plans comme un tableau avec une précision quasi chirurgical. Il confirme ainsi un véritable talent dans la mise en scène. Les liens avec la peinture ne se résument pas seulement au titre du film ou aux cartons bouclant chaque segments de l’histoire, la mise en image est pensée comme la confection d’un tableau de peinture avec ces plans éclairés à la bougie ou celui où l’on voit Alsan dormir sur son lit en haut d’une colline. Rien n’est laissé au hasard dans le cadre, chaque détail offre un indice sur une histoire qui ne se livre pas à grands coups de dialogue explicatif. Ce parti pris, radical, laissera sûrement de marbre certains spectateurs moins réceptifs à ce genre de cinéma. Ce serait dommage car la forme abstraite du film renforce d’autant plus l’impact du fond qui lui est très concret.
(C) Capprici Films
Le cinéaste réussit à cerner avec justesse les dilemmes que traversent les Hommes à l’adolescence. Si l’histoire prend place au Kazakhstan, elle reste universelle. Le ton général est sombre, voir pessimiste sur l’avenir de son pays où les personnages seront broyés par l’environnement dans lequel ils évoluent et où chacun va faire son entrée dans le monde adulte de manière prématurée et violente. Comment espérer un futur meilleur quand la jeunesse, symbole de l’espoir, de l’innocence, est pulvérisée dans un monde sans pitié où règne la violence, la loi du plus fort, où même les innocents peuvent devenir des meurtriers, des voleurs ou devenir complètement fous. A travers le prisme de l’adolescence, c’est à la déliquescence d’une société à laquelle nous assistons.
Violence omniprésente à l’écran, qu’elle soit diffuse dans les rapports humains ou qu’elle explose à travers les actes. Montrée parfois frontalement comme dans le chapitre dédié à Poussin, ou de manière plus suggestive lorsque l’on suit Crapaud, dans un segment qui prend des allures de film post apocalyptique. Chaque personnage déclenche une apocalypse qui le mène vers un funeste destin où il perdra définitivement ses ailes d’ange.
Emir Baigazin fait preuve de talent dans la direction d’acteur. Avec un sens minimal du dialogue, les quatre jeunes comédiens se montrent très convaincants dans des partitions différentes mais toujours justes. A l’image du film, leurs interprétations sont sèches, sans fioritures mais arrivent toujours à saisir l’essence des personnages. L’apparence juvénile des corps, des visages offre par ailleurs un contraste saisissant avec la dureté de ce qui est montré ou suggéré à l’écran.
Le metteur en scène confirme les espoirs qui avaient été placés en lui avec le glaçant Leçons d’Harmonie, son premier long métrage. En plus de nous offrir un cinéma beau et intelligent, il permet au cinéma kazakh, très rare sur nos écrans, de se faire une place de choix sur la scène international.
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