Une soirée à la campagne
Le 15 août 2023
Premier long métrage du plus grand cinéaste turc contemporain, cette chronique familiale touche par sa sobriété et son économie de moyens.


- Réalisateur : Nuri Bilge Ceylan
- Acteurs : Muzaffer Özdemir, Cihat Bütün, Emin Ceylan
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Turc
- Distributeur : Memento Distribution
- Editeur vidéo : Les Films du Paradoxe
- Durée : 1h24mn
- Date de sortie : 16 août 2023
- Festival : Festival de Berlin 1998
– Année de production : 1997
Résumé : La vie d’une famille dans une petite ville de Turquie vue à travers les yeux de deux enfants.
Critique : Lauréat de divers prix aux festivals de Berlin, Nantes et Angers en 1998, ce premier long métrage de l’auteur d’Uzak n’a pas connu de diffusion commerciale en France et n’a bénéficié d’une sortie DVD qu’en raison de la réputation de Nuri Bilge Ceylan, le plus grand cinéaste turc depuis Yilmaz Güney (Yol). À la première vision, on ne reconnaîtra pas d’emblée l’univers du réalisateur, expert dans la peinture de l’incommunicabilité dans le couple (Les climats) ou au sein de la famille en général (Les trois singes). Ici, les langues se délient, la parole est ouverte et l’harmonie semble régner (en tout cas en apparence) au sein d’une famille, certes dispersée, habitant une petite ville isolée en Turquie.
- © Nuri Bilge Ceylan. Tous droits réservés.
Au niveau plastique, un noir et blanc charbonneux contraste avec les couleurs chatoyantes des œuvres à venir et apparente plutôt le film à tout un courant du cinéma iranien (on songe à Kiarostami bien sûr), même si le style de Ceylan est moins « documentaire » et prend davantage la forme de la chronique ou du conte. Toutefois, Kasaba est bien dans la cohérence de la thématique de l’auteur, et la première séquence, se déroulant dans une école primaire, et étrangement presque muette, annonce les non-dits et malaises caractéristiques des films postérieurs.
- © Nuri Bilge Ceylan. Tous droits réservés.
Le récit, minimaliste, est découpé au rythme des quatre saisons et suit deux jeunes enfants témoins des conversations et préoccupations des adultes. Une trame autobiographique (le scénario est inspiré de souvenirs d’enfance et d’histoires contées par le père de Ceylan) sert de fil conducteur à cette évocation nostalgique qui aborde en filigrane les thèmes des racines historiques et géographiques mais aussi de la guerre, la mort, le travail ou l’honneur. La beauté digne de ce premier opus culmine avec la longue séquence d’un pique-nique nocturne, dans un décor sauvage et mystérieux, et au cours duquel les adultes discutent abondamment, laissant les enfants intérioriser les paroles, notamment lors de leurs jeux. Une ambiance à la Tchekhov donne alors à Kasaba une tournure suggestive saisissante. Cinéaste sensible ne versant jamais dans la sensiblerie, Nuri Bilge Ceylan se révèle dès ce premier film comme le digne héritier d’un Renoir et le poète de l’intimité du microcosme familial.
– Festival de Berlin 1998 : Caligari Film Award
– Istanbul International Film Festival 1998 : Prix FIPRESCI - Grand Prix spécial du Jury
– Sortie Turquie : 28 novembre 1997
roger w 27 juin 2010
Kasaba - Nuri Bilge Ceylan - critique
Très proche du cinéma contemplatif de Tarkovski, ce premier long de Nuri Bilge Ceylan touche par la sobriété de sa réalisation, mais aussi par la nostalgie qu’il dégage. L’attention portée à l’image et le soin maniaque donné au son font de la projection un trip sensoriel qui risque d’indisposer les amateurs d’un cinéma trépidant. Il faut donc se laisser porter. Très beau.