A dangerous method
Le 3 mars 2015
Arnaud Desplechin adapte le livre éponyme de Georges Devereux, sulfureux médecin à l’origine de l’ethnopsychanalyse. Porté par des acteurs de grande classe, le film est exigeant, mais concluant.
- Réalisateur : Arnaud Desplechin
- Acteurs : Benicio Del Toro, Mathieu Amalric, Gary Farmer, Misty Upham, Michelle Thrush
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h56mn
- Date de sortie : 11 septembre 2013
- Festival : Festival de Cannes 2013
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Résumé : Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Jimmy Picard, un Indien Blackfoot ayant combattu en France, est admis à l’hôpital militaire de Topeka, au Kansas, un établissement spécialisé dans les maladies du cerveau. Jimmy Picard souffre de nombreux troubles : vertiges, cécité temporaire, perte d’audition... En l’absence de causes physiologiques, le diagnostic qui s’impose est la schizophrénie. La direction de l’hôpital décide toutefois de prendre l’avis d’un ethnologue et psychanalyste français, spécialiste des cultures amérindiennes, Georges Devereux.
Critique : En s’inspirant du récit presque éponyme de Georges Devereux, Psychothérapie d’un Indien des plaines, paru dans les années 50, Arnaud Desplechin s’attaque à un monument. Nous sommes dans les années 50. Jimmy Picard, un Indien Blackfoot tout juste rescapé de la Seconde Guerre mondiale, est soumis à de nombreux supplices du corps et de l’esprit – fortes migraines, problèmes d’audition – suite à une terrible chute qu’il fit pendant la guerre. Admis à l’hôpital de Topeka, Jimmy n’y trouve aucun remède jusqu’à ce que le médecin-chef, considérant désormais son mal comme psychologique, ait l’idée de faire appel à un certain Georges Devereux, spécialiste des peuples indiens – il a notamment réalisé une thèse sur les Mohaves – et de la psychothérapie. Devereux n’est pas un psychothérapeute, puisque ce titre lui est refusé par la classe médicale de l’époque, qui voit en lui un homme providentiel et manipulateur. Qu’importe, l’homme, né en Hongrie et de confession juive, est aujourd’hui considéré comme l’un des pères fondateurs de ce que l’on appelle l’ethnopsychiatrie – qui, comme son nom l’indique, prend en compte l’origine culturelle du patient dans l’élaboration de son traitement. Au cours de nombreuses séances, Georges Devereux et Jimmy Picard plongent alors dans le passé de l’Indien, à la recherche de l’origine du mal. Le livre, et donc le film, retracent ces séances.
Arnaud Desplechin avait depuis longtemps le souhait d’adapter ce livre qu’il considère, à juste titre, comme le reflet d’une époque libérée, où l’audace primait souvent sur le scepticisme – difficile en effet d’imaginer une telle expérimentation médicale aujourd’hui. Preuve de la fascination qu’opère sur lui cette œuvre jugée par beaucoup comme fondatrice de l’ethnopsychiatrie, le cinéaste y avait déjà puisé son inspiration dans Rois & reine qui empruntait certains dialogues entre Picard et Devereux.
Jimmy P. représente le premier tournage américain d’Arnaud Desplechin. On pouvait légitimement craindre un certain manque de repère, traduit notamment par une direction d’acteur hasardeuse. Fort heureusement, il n’en est rien puisque le Français ne lésine pas sur les moyens en offrant à son film un casting doré qui constitue, assurément, l’une de ses plus grandes forces. Mathieu Amalric, qui incarne ce médecin à l’accent impossible, est d’une sensibilité touchante, tandis que Benicio Del Toro – qui campe l’Indien, donc – est étonnant de sobriété, chose à laquelle il nous avait peu habitué. Dans les séquences les plus mouvementées, l’acteur fait preuve d’une incroyable énergie, dont la justesse est le fruit d’une préparation conséquente pour le rôle – le Portoricain aurait lu de nombreux ouvrages sur la migraine. Et cela se ressent.
Le récit est épais, les pistes de lecture nombreuses : le film questionne autant qu’il raconte, respectant ainsi le livre dont il s’inspire. Jimmy P. reste d’abord le périple de deux hommes à la recherche de l’autre, de l’éphémère – le souvenir, les relations amicales passagères – et partage en ce sens avec son spectateur les découvertes déroutantes de ces deux aventuriers de l’esprit. Il ne fait guère de doute que beaucoup y verront un long-métrage mollasson, uniquement rythmé par les paroles de ses deux protagonistes principaux. Mais cela constitue l’inévitable prix à payer pour profiter d’un film à la portée résolument universelle.
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