Jiburo

Deux personnages que tout oppose sont confrontés dans un univers idéalisé, comme deux Corée distinctes sur un même territoire ?

L’argument : En Corée, un jeune garçon est confié tout un été à sa grand-mère qui vit dans la campagne reculée et ignore tout du monde moderne.

Notre avis : On pourrait varier les synopsis pour résumer Jiburo : une grand-mère que tous les castings d’Asie n’auraient pu rendre plus parfaite et crédible, d’une patience et d’une placidité à toute épreuve (il est vrai qu’elle est muette, ça aide) face à un sale gosse d’aujourd’hui, membre actif d’une "internationale capricieuse" sitôt privé de télévision et de hamburger. Ou encore : un pauvre gosse de Séoul brutalement exilé au fin fond de la campagne coréenne (que le cinéaste au passage nous montre avec force vallons et forêts et avec un plaisir gourmand) et qui devra passer ses vacances en tête-à-tête avec une grand-mère nonagénaire (on suppose), muette, illettrée et vaguement désemparée devant cette présence bruyante et anachronique dans sa masure. Les silences de l’une face aux pleurs de l’autre, la Corée médiévale (j’exagère, mais pas assez...) contre robots de plastiques et mini-consoles de jeux : l’intérêt de Jiburo est dans cette rencontre des contraires, qui va passer par des conflits gentils et des embrassades tardives.
Deux portraits, qu’on aura tôt fait d’identifier à ceux d’une Corée passée et d’une Corée moderne (une Corée du Sud contre une Corée du Nord ?), mais deux portraits avant tout, admirablement campés par des acteurs que tout oppose et qui s’entendent au final merveilleusement le temps d’un tournage. L’un et l’autre ne sauront jamais vraiment "lâcher" leur propre univers et leur propre temps, pour l’un il est trop tard (incroyable présence et beauté de la vieille dame, dont c’est le premier rôle et sans doute le dernier), pour l’autre il est trop tôt. Au passage, on s’interroge sur ce bonheur tellement authentique et "naturel" (une campagne ensoleillée et riante en été) : la misère de la vie rurale semble en effet bien anachronique, et même si la cinéaste élude la polémique par une idéalisation de cet univers isolé et lointain, façon Regain ou Manon des sources, on aimerait savoir comment le film a été perçu en Corée [1].
On pourrait dire de Jiburo qu’il bride ses ambitions et gâche ses atouts : non parce qu’il s’adresse avant tout à un jeune public, mais parce que dédié "à toutes les grand-mères" et victime de quelques lourdeurs de scénario qu’on dirait délibérées, il refuse d’être ce qu’il est vraiment : un beau film simple, émouvant, autour de deux figures plus riches qu’il n’y paraît. Mais le résultat reste un beau moment et une leçon d’humanité... pour les enfants.