Taken in Patagonia
Le 20 avril 2015
Jauja, nouveau film du réalisateur argentin Lisandro Alonso, nous plonge dans les paysages de la Patagonie aux côtés de Viggo Mortensen en capitaine danois à la recherche de sa fille disparue. Sélection officielle « Un Certain Regard », Festival de Cannes 2014.
- Réalisateur : Lisandro Alonso
- Acteurs : Viggo Mortensen, Ghita Nørby
- Genre : Western
- Nationalité : Danois, Argentin
- Durée : 1h50mn
- Date de sortie : 22 avril 2015
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Jauja, nouveau film du réalisateur argentin Lisandro Alonso, nous plonge dans les paysages de la Patagonie aux côtés de Viggo Mortensen en capitaine danois à la recherche de sa fille disparue. Sélection officielle « Un Certain Regard », Festival de Cannes 2014.
L’argument : Un avant-poste reculé au fin fond de la Patagonie, en 1882, durant la prétendue « Conquête du désert », une campagne génocidaire contre la population indigène de la région. Les actes de sauvagerie se multiplient de tous côtés. Le Capitaine Gunnar Dinesen arrive du Danemark avec sa fille de quinze ans afin d’occuper le poste d’ingénieur dans l’armée argentine. Seule femme dans les environs, Ingeborg met les hommes en émoi. Elle tombe amoureuse d’un jeune soldat, et tous deux s’enfuient à la faveur de la nuit. A son réveil, le Capitaine Dinesen comprend la situation et décide de s’enfoncer dans le territoire ennemi pour retrouver le jeune couple. Jauja est l’histoire de la quête désespéré d’un homme pour retrouver sa fille, une quête solitaire qui nous conduit dans un lieu hors du temps, où la passé n’est plus et l’avenir n’a aucun sens. © Le Pacte
Notre avis : Déroutant par son scénario abscons et par son caractère résolument contemplatif, Jauja, nouveau film du réalisateur argentin Lisandro Alonso, se distingue d’emblée comme un long-métrage alliant dépouillement de la mise en scène et onirisme surréaliste pour une expérience de cinéma singulière. Privilégiant les plans fixes et ponctuant son film de rares et légers mouvements de caméra, le réalisateur dévoile au spectateur le cadre naturel dans lequel se déroule le drame : la Patagonie et son désert. Paysages splendides et magnifiés, couleurs éclatantes, si belles qu’elles semblent rêvées, le réalisateur emprunte la voie d’une certaine déréalisation de l’espace pour nous faire pénétrer dans un monde hors du temps. Prenant racine dans un passé de conquête argentine à la fin du XIXème siècle, l’intrigue emploie les codes du western pour montrer l’homme face à l’inconnu. Mais l’on comprend rapidement que la lutte contre les indigènes n’est pas là l’objet du film. L’élément étranger représenté par le chef indigène sanguinaire fera finalement de bien brèves apparitions, rejoignant l’abstraction d’une figure mythique et violente contre laquelle on ne peut lutter, incarnation du désert dans lequel va errer le Capitaine Dinesen. La galerie de personnages présentée par le réalisateur - dont certains provoquent par ailleurs un léger comique de caractère qui participe à l’étrangeté et au décalage du ton du film - se réduit vite pour mettre en lumière les véritables enjeux du film : Dinesen à la recherche de sa fille, l’homme en quête du bonheur perdu.
© Le Pacte
Au cœur de l’intrigue, Viggo Mortensen en Capitaine Dinesen offre un portrait tendre et sincère de père, inquiet au sujet de sa fille adolescente dont les désirs et aspirations lui deviennent étrangers. Malgré le tragique du scénario, l’interprétation de Mortensen s’accorde à merveille avec le trait épuré du film, insufflant une certaine pudeur au personnage, une retenue qui rend sa détresse d’autant plus touchante. La recherche de la jeune Ingeborg passe progressivement au second plan au fur et à mesure que s’affirme le ton surréaliste du film. Perdu dans le désert, Dinesen ne dispose plus d’aucun point de repère et tente de se raccrocher à tout indice qui pourrait le mettre sur les traces de sa fille, indices qui revêtent en fin de compte un caractère chimérique dans la mesure où dans le néant du désert, tout indice devient sursignifiant. Laissant une part importante à la symbolique des éléments composant la fiction, le long-métrage de Lisandro Alonso est un film qui déploie plusieurs niveaux de lecture et d’interprétation.
© Le Pacte
Jauja est un long-métrage dont le dépouillement s’exprime également à travers la bande-son. Seules deux pistes musicales – composées et interprétées par Viggo Mortensen en personne, en collaboration avec l’artiste Buckethead - se font entendre au cours d’un film qui se distingue par le travail effectué en prise de son directe. Les bruits de la nature ont ainsi une place privilégiée, mais cette position leur fait paradoxalement perdre leur lien avec la réalité alors que l’intrigue du film tend vers l’irréel. Véritable rupture, saut dans le temps et l’espace, la dernière partie du film, loin de proposer un dénouement explicite, invite à réfléchir sur le thème de la fiction. Conte, rêve, souvenir du passé qui nous hante ou fait historique, plusieurs voies d’interprétation sont ouvertes par le réalisateur pour comprendre Jauja. L’on pourrait reprocher au film ses longueurs, pourtant nécessaire pour faire ressentir au spectateur ce vide auquel Dinesen est confronté, tout comme on pourrait lui reprocher le caractère un peu exagéré du format, choix qui finalement trouve son sens en participant à la déréalisation et à la mise à distance de l’action. Toutefois, interrogeant la fiction, la temporalité ainsi que l’homme dans sa solitude, Lisandro Alonso se démarque précisément par ses partis pris audacieux. Cheminement vers l’irréel, Jauja figure indéniablement parmi ces expériences cinématographiques que l’on apprécie avec le temps et le nombre de visionnages, de ces films qui pénètrent les esprits pour y faire lentement germer la compréhension.
© Le Pacte
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