Au revoir, les enfants
Le 11 avril 2015
Edward Berger signe un premier film d’une puissance dramatique et cinématographique remarquable.
- Réalisateur : Edward Berger
- Acteurs : Jacob Matschenz, Ivo Pietzcker, Georg Arms, Luise Heyer, Nele Mueller-Stöfen
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Date télé : 17 mars 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 8 avril 2015
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Fonceur, tenace et plein de ressources, Jack, dix ans à peine, est déjà seul responsable de sa famille : son petit frère Manuel, six ans ; et leur mère célibataire aimante, mais totalement immature, Sanna, qui travaille la journée et fait la fête la nuit. Mais cet homme de la maison en culottes courtes n’est pas infaillible et un événement va venir bouleverser le quotidien de ce trio. Les services de protection de l’enfance décident alors de retirer la garde des deux garçons à la jeune femme et de placer Jack dans un centre d’hébergement.
- © Diaphana Distribution
Critique : L’enfance malheureuse inspire souvent les plus grands cinéastes. On se souvient, entre autres, de L’incompris, de Luigi Comencini, récit bouleversant d’un conflit déchirant entre un père et son fils aîné ; ou encore de Ponette, de Jacques Doillon, l’histoire d’une petite fille orpheline élevée par sa tante, qui continue de parler à sa défunte mère. Dans la lignée de ces longs-métrages, Jack narre les aventures mouvementées d’un garçon de dix ans, obligé de s’occuper de son petit frère Manuel comme sa mère fuit ses responsabilités parentales. Mais peut-on jouer les pères de substitution à un si jeune âge ?
- © Joachim Gem
Si Jack avait été un livre, il aurait été écrit à la première personne. Le film est exclusivement centré sur son protagoniste. Le récit, linéaire, n’est raconté que de son point de vue et c’est ce qui donne à l’œuvre toute sa tension dramatique, sa fièvre et sa nervosité. Une nervosité traduite par tous les plans-séquences qui s’enchaînent pour donner au drame une dynamique et une fluidité constantes. Le montage "cut" brille ici par sa discrétion, laissant sa place à des travellings et des panoramiques très bien maîtrisés. Les mouvements de caméra, quasi permanents, ne laissent aucun répit au spectateur, qui est littéralement happé dans un tourbillon d’images souvent brutales. La douceur, le calme et la candeur que l’on prête généralement aux enfants sont ici totalement délaissés. Le danger semble venir de partout. Le petit Jack parvient pourtant à résister aux hostilités de la société berlinoise – non toutefois sans entrer dans l’illégalité. Dès les premières minutes du film, on voit bien que, malgré son jeune âge, ce héros malgré lui est habité par une forte personnalité et manifeste une grande indépendance. Placé en centre d’hébergement, comme sa mère s’en est vue retirer la garde, il va s’enfuir et tenter de resserrer, comme il peut, les liens d’une famille que l’existence n’a pas épargnée. Mais c’est justement son âge qui finit par lui faire défaut.
- © Jens Harant
Et puis, il y a aussi le personnage de Sanna, la mère de Jack et de son frère Manuel. Si elle est très peu disponible pour ses enfants, chacune de ses apparitions à l’écran fait prendre à l’intrigue un virage serré, inattendu, comme un poids sur une balance. Bien que Jack et Manuel ne semblent pas blâmer son comportement d’adolescente fêtarde et inconsciente, le film semble bien remettre en cause la sincérité de son amour maternel. Ses enfants la cherchent et lui tendent les bras, mais plus ils se rapprochent, plus elle s’éloigne. Comme Sisyphe qui fait rouler en vain un rocher au sommet d’une colline, Jack cherche, avec son frère, une maman présente et attentionnée, qui n’a probablement jamais existé, et se heurte donc aux chimères. Avec une forte violence psychologique et une sensibilité qui touche, Edward Berger fait l’élégie funeste de l’innocence dérobée à la naissance, et expose les blessures enfouies et incurables, de tous les enfants arrachés prématurément à leur jeunesse par les doigts cruels du destin.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.