Graine de culte
Le 25 avril 2007
Une satire drôle et enlevée d’une Amérique futuriste décervelée. Sortie massacrée, film génial.
- Réalisateur : Mike Judge
- Acteurs : Luke Wilson, Maya Rudolph
- Genre : Comédie, Science-fiction
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 25 avril 2007
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– Durée :
Une satire drôle et enlevée d’une Amérique futuriste décervelée. Sortie massacrée, film génial.
L’argument : Joe Bowers, l’Américain moyen par excellence, est choisi par le Pentagone comme cobaye d’un programme d’hibernation dont il se réveille mille ans plus tard. Il découvre une société si absurde qu’il s’impose aisément comme la personne vivante la plus intelligente.
Notre avis : On ne comprend pas pourquoi cette excellente comédie n’a droit qu’à une mince sortie technique dans l’Hexagone. Non seulement elle n’a rien de honteux mais en plus elle possède des qualités immenses nichées sous son apparence de divertissement US gras et lambda. En réalité, Idiocracy est un authentique brûlot qui réjouit les maxillaires sans prendre le spectateur pour le dernier des sots - fait de plus en plus rarissime - mais qui n’a visiblement pas fait rire tout le monde. Au départ, ce n’était pas gagné. Passé une introduction efficace qui montre l’abrutissement progressif de la population américaine, on a très vite peur du film gadget saoulant qui se complaît dans son concept gaguesque et aligne les vignettes comme une succession de sketches. A notre plus grande surprise, il n’en est rien.
Mike Judge échappe à ce piège et préfère la satire prophétique qui en dit long sur la capacité très actuelle à aduler tout ce qui nivelle par le bas.
En comparaison, les dérives de la télévision trash d’aujourd’hui paraissent très sages. A l’époque où se déroule le film, le divertissement le plus adulé consiste à confronter des prisonniers à des bulldozers en forme de godemiché pour qu’ils obtiennent grâce, comme à l’époque des gladiateurs. Pour le réalisateur, évolution signifie régression : il montre avec beaucoup de sarcasme un pays poubelle où la bêtise est érigée comme modèle de réussite sociale. Les gens vivent dans une décharge publique et le gouvernement s’inquiète d’une écologie morte. Les répercussions de cette chute intellectuelle sont impressionnantes que ce soit dans l’expression artistique (le film qui a glané tous les Oscars cette année-là s’intitule Cul et montre un postérieur pendant deux heures) ou le simple langage (le héros déconnecté sait si bien faire des phrases avec sujet, verbe et complément qu’il est assimilé à un gay incompris).
La voix off ironique qui raconte discrètement l’itinéraire de l’étranger venu d’un autre temps ajoute un degré supplémentaire d’humour. Ailleurs, c’est l’horreur : les femmes sont réduites à l’état d’objet masturbatoire, le Gatorade a remplacé l’eau même pour arroser les champs, le président des Etats-Unis est un acteur porno black à la chevelure risible qui salue la foule en faisant des doigts d’honneur (ses allocutions ressemblant à des débats du Jerry Springer Show), les individus sont identifiables grâce à des codes-barres gravés sur leur poignet, un musée historique en forme de train fantôme montre Charlie Chaplin comme responsable des horreurs nazies. L’accumulation d’idées potaches, tout en tournant en dérision cette fascination pour l’humour pataud, permet un gouffre vertigineux entre les restes du passé et le présent néant. Surtout, elle renvoie un miroir peu glorieux à l’oncle Sam sans tomber dans les travers de l’antiaméricanisme primaire. Pas étonnant qu’Idiocracy n’ait pas été chaleureusement accueilli sur son territoire. S’il ne possède pas la perversité et le cynisme d’un Paul Verhoeven (un final un peu décevant vu les promesses, qui laisse cependant sous-tendre un vilain remontage), Mike Judge œuvre pendant longtemps, vaillamment, dans la caricature, la provocation, l’acide et l’absurde. En sortant de la salle, la réalité ressemble presque à un soulagement. Réussir une comédie subversive n’est ni aisé ni courant. Judge a réussi.
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