Portrait d’un poète déguisé en hipster.
Le 15 février 2012
En dépit d’un certain intérêt documentaire, Howl s’empêtre lourdement dans le didactisme.
- Réalisateurs : Rob Epstein - Jeffrey Friedman
- Acteur : James Franco
- Genre : Comédie dramatique, Biopic
- Nationalité : Américain
- Durée : 84mn
- Date de sortie : 15 février 2012
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En dépit d’un certain intérêt documentaire, Howl s’empêtre lourdement dans le didactisme.
L’argument : Howl raconte la naissance du mythe Allen Ginsberg, véritable héros de la contre-culture américaine et initiateur de la Beat Generation. En écrivant le poème "Howl" dans les années 50, Ginsberg fait exploser les barrières du conformisme et du langage. Dès sa publication en 1957, les milieux conservateurs intentent un procès à l’éditeur City Light pour obscénité. Le film entrelace trois sujets : le procès de 1957, des séquences d’animation inspirées par le poème et le portrait d’un écrivain qui, en inventant de nouvelles formes d’expression, a changé sa propre vie et influencé toute une génération.
Notre avis : Interroger ce lien impalpable et mystérieux qui unit le créateur littéraire à son oeuvre n’est pas une chose aisée : l’ambition est pourtant prégnante dans bon nombre de biopics qui, en dépit de qualités dramatiques indéniables, voire d’une relative sincérité, échouent trop souvent à dépasser la simple approche chronologique ou l’illustration naïve et bien pensante. Même sans arguer farouchement d’une impossibilité à comprendre le sens des textes par une approche biographique, on ne peut que déplorer la simplification de cette dernière au service de prétendus mythes qui, à bien y réfléchir, desservent souvent la vision de la littérature qu’ils s’escriment à transmettre.
Si Howl avait, a priori, de quoi contourner cette difficulté au moyen d’une structure plus centrée sur le poète que sur l’homme Ginsberg, c’est pour mieux y retomber par des séquences de procès qui exhibent une simplification outrancière du vieux conflit entre morale et littérature. L’alternance de scènes réelles et d’animations visuelles, pas forcément très réussies, aboutit par ailleurs à une contradiction : d’un côté, le poème est renvoyé à une pure fantasmagorie imaginaire ; de l’autre, avocats et accusateurs s’arrachent les cheveux pour passer au peigne fin le texte et démontrer par A + B qu’il a du sens. Résultat : le spectateur est entraîné vers une impression de passivité, de flottement et d’hypnose (lorsque le texte est lu par Ginsberg et que la foule acclame le poète), alors même qu’on lui réclame de l’esprit critique.
Certes l’accusé, campé par un James Franco charismatique, bel orateur insolent, et à qui il faut reconnaître que les rôles de jeunes hipsters épris de liberté vont toujours à ravir (voir : Harvey Milk), fait parfois émerger de ce bavardage une ou deux formules de bon goût ; mais paradoxalement, l’entretien débouche moins sur l’expression d’un imaginaire que sur une pâle leçon de morale libertaire. A trop vouloir dissocier les bons et les méchants, les cinéastes finissent alors par rendre justice aux derniers en décrédibilisant les défenseurs de "Howl".
Les choses seraient bien simples si les tenants de "la morale" avaient toujours tort contre des artistes épris de liberté, de contestation et d’invention. Malheureusement, les choses sont souvent plus complexes qu’il n’y paraît. Reste alors, au-delà d’un certain intérêt factuel, un James Franco convaincant pour un film qui aurait gagné à déplacer la ligne de front de ses revendications (après tout, le militantisme ne va pas si mal que ça à Gus Van Sant, ici producteur, et qui s’était relativement bien dépêtré du didactisme avec Harvey Milk) au lieu de s’appuyer sur un texte dont il semble démontrer, malgré lui, combien il est irréductible aux messages qu’il veut lui faire délivrer.
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