Les Beaux gosses
Le 19 juin 2018
Aussi empressé soit Cameron Mitchell à reconquérir le champ de la contre-culture et de l’indiscipline, sa vision manque de subversion. Trop sage, le cinéaste ne suscite dès lors qu’une belle nostalgie pour ses bizarreries passées. Suffisant, à n’en pas douter, pour combler ses fans.
- Réalisateur : John Cameron Mitchell
- Acteurs : Nicole Kidman, Elle Fanning, Matt Lucas, Ruth Wilson, Alex Sharp
- Genre : Comédie, Science-fiction, Fantastique, Romance, Musical, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 20 juin 2018
- Festival : Festival de Cannes 2017, Champs Elysées Film Festival 2018
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Résumé : 1977 : trois jeunes Anglais croisent dans une soirée des créatures aussi sublimes qu’étranges. En pleine émergence punk, ils découvriront l’amour, cette planète inconnue et tenteront de résoudre ce mystère : comment parler aux filles en soirée…
Critique : En dépit d’une filmographie très resserrée dont deux ovnis incontournables et politiquement incorrects - Hedwig and the Angry Inch et Shortbus -, John Cameron Mitchell avait su à l’instar de son ami et collaborateur Jonathan Caouette incarner à la marge un cinéma libre et inventif. Si le classicisme de Rabbit Hole avait dilué la position singulière qu’occupe le cinéaste parmi les indépendants américains, How to Talk to Girls at Parties vient y remettre de l’ordre avec une certaine application. L’on y suit les péripéties tumultueuses de Enn, un jeune punk anglais évoluant dans le quartier de Brixton à Londres en 1977. Alors que la mouvance rock et anarchiste semble au faîte de sa gloire, la réalité rattrape l’utopie et à peine le temps de cligner des yeux que les Sex Pistols ont déjà signé chez EMI, les Clash chez NBC.
- Elle Fanning dans How to Talk to Girls at Parties
- © Colony Films Limited, photographie de Dean Rogers
À peine éclos, le punk semble déjà sur le point de ravaler ses idéaux. C’est dans ce contexte clivé entre une jeunesse révoltée et une petite bourgeoisie toujours attachée aux valeurs d’une monarchie vieillissante qu’Enn et ses deux amis rejoignent un bar-concert propice au pogo. Le lieu est tenu par un transfuge de Vivienne Westwood, joué par Nicole Kidman. Le décor posé, un peu sulfureux et punk comme l’aime Cameron Mitchell, le récit s’oriente vers le drame de l’adolescence et ses turpitudes en matière d’émoi amoureux. Les trois garçons - à peine plus dégrossis que les ados de Les Beaux gosses - ne rencontrent pas le succès escompté auprès de la gent féminine. Cherchant à poursuivre son échappée noctambule, le trio tombe sur une demeure étrange où les accueillent des nymphes annonçant le folklore du krautrock post Kraftwerk et Neu. Mais la promesse du fantasme sexuel laisse place pour les ados à un voyage étrange aux frontières du fantastique, où masculin et féminin coexistent de manière indifférenciée et unifiée.
- Elle Fanning dans How to Talk to Girls at Parties
- © Colony Films Limited, photographie de Dean Rogers
De sa passion pour le punk et la contre-culture, Cameron Mitchell élabore un film qui multiplie les ruptures visuelles et thématiques. D’abord axée sur les archétypes du punk - qui n’atteint pas la virtuosité malheureusement du Jubilee de Derek Jarman -, l’esthétique opère une mutation proche des installations colorées de Shortbus. Où l’on navigue cette fois dans un espace surréaliste peuplé d’extra-terrestres fondamentalistes - métaphore qui sert ici à évoquer les affres du conservatisme et à les comparer à des dérives sectaires. Comme un virus contaminant un organisme sein, Enn va disséminer en Zan, une extra-terrestre mutine (Elle Fanning, brillante), l’idée de révolte. Elle choisit alors bientôt de le suivre et de découvrir son monde.
- Elle Fanning et Alex Sharp dans How to Talk to Girls at Parties
- © Colony Films Limited, photographie de Dean Rogers
Par-delà ces enjeux scénaristiques, le réalisateur introduit par ailleurs l’idée d’un espace métaphysique, réalité supra-sensorielle qui déborde de temps à autre la mise en scène et l’histoire. Malgré ces idées qui semblent de prime abord regorger de trouvailles insolites, James Cameron Mitchell se heurte pourtant au bout du compte à une forme de vacuité. Aussi saisissante soit l’amourette entre Enn et Zan, drôle la découverte d’un nouveau peuple extra-terrestre, reste finalement assez peu de choses de l’expérience hormis quelques belles images entre kitsch et avant-gardisme. L’on attendait bien davantage qu’un joli exercice de style de la part du metteur en scène, et surtout bien plus de subversion et d’idées tordues.
– Film présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2017
– Ouverture du Champs-Élysées Film Festival, le mardi 12 juin 2018
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