Le 26 février 2025
Oscar du meilleur scénario en 2014, Her propose, sans jugement, une nouvelle version de l’amour. Un film prophétique qui demeure l’une des réussites de Spike Jonze.


- Réalisateur : Spike Jonze
- Acteurs : Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson, Amy Adams, Rooney Mara, Olivia Wilde , Portia Doubleday, Chris Pratt, Matt Letscher
- Genre : Drame, Science-fiction, Romance
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 2h06mn
- Date de sortie : 19 mars 2014
Résumé : Dans un futur proche, Theodore Twombly est rédacteur de lettre pour ceux qui n’ont pas le temps d’écrire à leurs proches. Doué pour exprimer ses sentiments, il est incapable de s’engager dans une relation à cause d’un divorce difficile. Pourtant, Samantha, son OS assistante virtuelle, réduite à une seule voix, rassurante et touchante, saura le charmer.
Critique : Si Her remporta l’Oscar du meilleur scénario original en 2014, c’est certainement pour l’originalité du couple que forment Theodore et Samantha dans cette histoire écrite par Spike Jonze, à qui l’on doit Dans la peau de John Malkovich et Adaptation.
Theodore est un homme sensible et refermé à cause d’un divorce compliqué, quand sa partenaire Samantha est un « OS » réduite à une voix de système d’exploitation. Leur amour fleurit peu a peu et les deux protagonistes finissent par former un couple épanoui. Le spectateur les observe dans leur intimité mais assiste également aux confidences du couple, ce qui rend chacun des deux partenaires vulnérable, sensible et attachant. Joaquin Phoenix interprète parfaitement ce célibataire introverti qui finit par s’éprendre d’une voix sans corps, celle de Scarlett Johansson, séduisante et rassurante. Quand bien même l’on pourrait être tenté de juger négativement cette relation immatérielle, Spike Jonze dépeint un couple heureux au point qu’il serait offensant de se montrer hostile à un tel amour tant l’épanouissement de Théodore et Samantha est grand.
- Joaquin Phoenix
- © Annapurna Pictures, Stage 6 Films. Tous droits réservés.
Une approche similaire de l’amour avait été proposée la même année par Alex Garland dans Ex machina, mais le désir de l’homme envers le robot matériel demeurait unilatéral. Her ne dévoile jamais le corps de la partenaire et là réside la capacité du réalisateur à susciter l’attendrissement du public pour un personnage dont on ne voit jamais la silhouette. Chacun peut fantasmer le visage de Samantha comme il le désire puisqu’elle n’est qu’une voix qui rassure, nous met en confiance. Theodore tombe sous le charme de son assistante virtuelle et s’imagine toucher le visage qu’elle n’a pas. Elle est la partenaire idéale puisqu’en plus d’avoir réponse à tout, elle laisse à chacun le soin de l’imaginer selon ses propres désirs.
Dans le récit, Theodore exprime ses sentiments de façon assez naturelle, et c’est un homme sensible que le réalisateur veut mettre en avant. Il est insulté, traité de « mi homme-mi femme » ou bien de « pédé » : le film met en avant les qualités de cet homme attachant, bienveillant et sensible, et dénonce le préjugé qui réserve certaines émotions à la féminité. Rédacteur dans une entreprise qui rédige des lettres aux proches pour ceux qui n’ont pas le temps ni les mots, le héros est doué pour exprimer des sentiments et les communiquer. Dans sa vie personnelle, il est parfois maladroit mais avant tout humain et fait au mieux. C’est ce trait qui le rend attachant pour le spectateur et surtout pour Samantha.
De son coté, l’OS apprend progressivement à imiter cette sensibilité propre à l’humain, dépasse ce pour quoi elle a été programmée et prend du plaisir à découvrir des émotions nouvelles qu’elle partage avec Theodore. Her annonce ainsi des longs métrages comme Le robot sauvage, proposé par Disney, qui traite lui aussi le sujet du robot formé à tout sauf à la sensibilité, qu’il découvre par l’expérience.
La proximité de l’OS avec l’humain est perturbante, elle est une conscience virtuelle qui apprend par l’expérience. Samantha s’enrichit de jour en jour, apprend, rit, conseille comme une amie loyale. Elle partage également ses frustrations à Theodore et c’est ce qui la rend encore plus humaine. Sa disponibilité rend les échanges de plus en plus fluides et mettent en confiance son utilisateur qui s’y attache. L’amour grandit et efface progressivement les barrières du corps virtuel et du corps matière.
- Joaquin Phoenix
- © Annapurna Pictures, Stage 6 Films. Tous droits réservés.
Her projette un nouveau type de relation entre l’homme et la machine. À l’ère de la démocratisation des applications de rencontre ou encore des relations à distance grâce au réseaux sociaux. Theodore aime d’une nouvelle manière. Comme un utilisateur qui n’aimerait pas les profils d’une application mais son algorithme. Parfois jugé pour cela par les uns, il est compris par d’autres. Qui finiront eux aussi par pratiquer ce même type de relation avec leurs OS et semblent également y prendre plaisir.
Le film propose cette nouvelle vision de l’amour sans juger. Le spectateur apprécie ce nouveau type de romance qui serait pourtant surement condamnée par le regard des autres. Il est pris de tendresse pour ce couple qui partage des moments intimes et dont la partenaire idéale est toujours pleine de ressources et d’idées pour épanouir la relation.
C’est donc seul que Theodore est représenté sur l’affiche de Her, lui qui aime sans pouvoir toucher ni voir sa bien aimée. Pourtant la vision de Spike Jonze est assez réaliste puisqu’aujourd’hui les assistants virtuels se sont démocratisés et beaucoup de personnes les utilisent pour leur confier leurs inquiétudes, et demander conseil. D’aucuns semblent trouver parfaits ces assistants qui ont réponse à tout. Le couple de Theodore et Samantha reflète-t-il une certaine tendance de l’amour de demain ?
Ce joli film prophétique, mis en scène avec élégance, et interprété à la perfection, est une réussite qu’il convient de (re)découvrir.
Marla 22 février 2014
Her - Spike Jonze - critique
Merci pour l’article ! Pour aller plus loin sur les films qui ont inspiré Spike Jonze pour "Her," rendez-vous sur Marla’s Movies : http://marla.blog4ever.com/her-de-spike-jonze-de-1984-a-black-mirror
Jean-Patrick Géraud 13 avril 2014
Her - Spike Jonze - critique
C’est un très beau film sur la solitude moderne. Theodore vit ce que chacun de nous peut ressentir dans la grande ville, ce besoin presque instinctif d’aller vers l’autre tout en voulant s’isoler pour se donner le temps de réfléchir, le choix d’attendre... Sauf que derrière l’attente il y a la peur du vide, l’angoisse de la mort aussi, qui sont suggérées dans le film en filigrane, par accords mineurs, et qui lui insufflent cette espèce de tristesse poétique que l’on rencontre effectivement dans les films de Sofia Coppola.
J’aime aussi les seconds rôles, surtout Rooney Mara, qui hante la première partie et incarne la réalité dans ce qu’elle a d’irremplaçable, cet ensemble capricieux de petites choses que le temps nous arrache et auxquelles on voudrait se raccrocher, mais qui se distend, qui nous file entre les doigts... Et justement, je trouve que le film a du mal à fonctionner quand le personnage de Catherine s’efface, et quand la relation avec Samantha est assumée pleinement (départ en vacances etc.), parce qu’au fond, rien ne la remplace et la mélancolie poétique cède place au train-train plus routinier d’une relation virtuelle avec ses longueurs, sa monotonie, etc. Mais il n’empêche que le film est une réussite : Spike Jonze évoque avec beaucoup de poésie cette relation impossible, et le mélange des tons donne à l’ensemble un air de nostalgie pénétrant.