Mourir comme un homme
Le 5 novembre 2011
Avec ce remake du film classique japonais Kobayashi, Takashi Miike, le maître nippon de l’outrance, surprend avec un film lent, qui s’intéresse davantage aux problèmes de valeurs morales et de classes sociales qu’au maniement du sabre. Une surprise de Cannes qui vaut le détour.
- Réalisateur : Takashi Miike
- Acteurs : Kōji Yakusho, Ebizô Ichikawa, Eita
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Japonais
- Durée : 2h05mn
- Date de sortie : 30 novembre 2011
- Festival : Festival de Cannes 2011
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Résumé : Voulant mourir dignement ; un samouraï sans ressources, Hanshiro, demande à commettre un suicide rituel dans la résidence du clan Ii, dont l’intendant est Kageyu, un guerrier forte tête. Essayant de décourager Hanshiro, Kageyu lui conte l’histoire tragique d’un jeune ronin, Motome, venu récemment avec la même requête. Hanshiro est traumatisé par les détails horrifiants du sort qui fut réservé à Motome mais il persévère dans sa décision de mourir dans l’honneur. Au moment de commettre hara-kiri, il présente une ultime requête : il désire être assisté dans son acte par trois lieutenants de Kageyu, qui sont absents tous les trois, par une étrange coïncidence. Méfiant et furieux, Kageyu demande à Hanshiro de s’expliquer. Ce dernier révèle ses liens avec Motome et livre le récit doux-amer de leurs vies. Kageyu comprendra bientôt que Hanshiro s’est lancé dans une épreuve de force par esprit de vengeance.
Critique : C’était l’un des noms surprenants, et de fait très attendus, du Festival de Cannes 2011 : le prolifique Takashi Miike s’essaie désormais au film de samouraï, en y ajoutant bien sûr sa touche personnelle. Boudé sur la Croisette comme un film plat et sans personnalité, Hara-kiri : mort d’un samouraï se révèle pourtant l’une des tentatives parmi les plus intéressantes du cinéaste japonais qui, tout en reprenant ses stratégies favorites, dessine ici une ligne esthétique singulière, peut-être parce que l’oeuvre en question est au fond un "faux" film de samouraï. La "patte" de Miike, c’est évidemment avant tout quelques scènes de violence âcres et exacerbées, dont le caractère graphique s’accompagne inévitablement d’une variation morale sur le sadisme et la torture. Après les entretiens très particuliers d’Audition, on nous sert ici un seppuku (le vrai nom japonais du "hara-kiri") dont la longueur et l’instrument choisi (un sabre de bambou) mettent nos nerfs à rude épreuve. Pourtant, Miike , aussi bien dans sa mise en scène que dans ses choix de montage, est passé maître dans l’art de la distinction entre l’insoutenable et l’irregardable ; si la séquence est tout à la fois éprouvante et efficace, sans tomber dans la gratuité pure, c’est surtout qu’elle nous plonge dans un système de valeurs morales qui démontre ici sa cohérence, mais également l’absurdité de sa logique. Car le suicide rituel intervient ici comme point d’honneur du code des samouraïs, un acte requis par la situation, et qui dépasse toutes les notions de douleur physique et de compassion. Le reste du film apparaît dès lors comme curieusement lent et linéaire : on retrace, sans grand rebondissement narratif, toutes les étapes qui ont conduit à cette scène atroce. Peu de combats de sabre ou de confrontations armées ; on a l’impression d’un film "sur" les samouraïs, plutôt qu’un film "de" samouraïs, tant ce sur quoi se concentre Miike, c’est avant tout la vie quotidienne et l’environnement de ses héros. Au niveau de la sociologie du Japon médiéval, le film adopte presque un point de vue documentaire, décrivant avec précision le système des hiérarchies, et celui des valeurs qui l’accompagnent. Les plans, très composés, trouvent leur virtuosité dans des mouvements de caméra lents, qui rappellent vaguement le western italien, et jouent essentiellement sur les regards et la fixité des personnages ; une esthétique qui se trouve parfois appuyée par la 3D, laquelle souligne judicieusement des éléments de décor ou des profondeurs, mais demeure malheureusement dans l’ensemble inutile, et même gênante à certains moments, quand des scènes par ailleurs bien filmées se trouvent bouchées par de la "neige 3D".
Certes, Miike ne fait pas toujours dans la dentelle, et Hara-kiri : mort d’un samouraï connaît ses épisodes de maladresse scénaristique : les époux très gentils, sur lesquels s’abattent tous les malheurs, sont victimes d’une avalanche de bons sentiments dont le film aurait pu et dû se passer, et qui se voient encore soulignés par la réalisation... Et comme d’habitude, les rares personnages féminins que le cinéaste met en scène se révèlent d’une platitude confondante. En revanche, la manière dont il articule les sentiments de souffrance, de dignité et d’honneur, et qui constitue l’un des intérêts les plus forts du film, contribue à donner une profondeur réelle aux deux héros (en particulier le père, dont la diction sobre et solennelle est un plaisir à l’écoute). Si Hara-kiri : mort d’un samouraï a déçu les festivaliers cannois, c’est peut-être qu’il ne répondait pas aux attentes d’un "film de genre" comme ceux auxquels nous a habitués Miike ; pourtant, moins qu’une trahison, on est tenté d’y voir une piste plus subtile, qui se rapproche des films quasi lyriques du cinéaste, tels que le deuxième volet de Dead or Alive ou l’énigmatique Bird People from China. Preuve que malgré son goût de l’extrême et son outrance, le cinéaste japonais est capable d’offrir un univers plus complexe qu’il n’y paraît.
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