State of Grace
Le 14 mai 2014
Après La Môme, véritable ode à Piaf, Olivier Dahan revient au biopic avec Grace de Monaco, présenté en ouverture du 67e Festival de Cannes.
- Réalisateur : Olivier Dahan
- Acteurs : Nicole Kidman, Tim Roth, Jeanne Balibar, Paz Vega, Derek Jacobi, Parker Posey, Frank Langella, Olivier Rabourdin, Milo Ventimiglia, Yves Jacques
- Genre : Drame, Biopic
- Nationalité : Américain, Français, Italien
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h42mn
- Date de sortie : 14 mai 2014
- Festival : Festival de Cannes 2014
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Résumé : Lorsqu’elle épouse le prince Rainier en 1956, Grace Kelly est alors une immense star de cinéma, promise à une carrière extraordinaire. Six ans plus tard, alors que son couple rencontre de sérieuses difficultés, Alfred Hitchcock lui propose de revenir à Hollywood, pour incarner Marnie dans son prochain film. Mais c’est aussi le moment ou la France menace d’annexer Monaco, ce petit pays dont elle est maintenant la princesse. Grace est déchirée. Il lui faudra choisir entre la flamme artistique qui la consume encore ou devenir définitivement : Son Altesse Sérénissime, la princesse Grace de Monaco.
Après le relatif bide des Seigneurs, Olivier Dahan retourne à ce qu’il sait manifestement faire le mieux en portant à l’écran une période charnière de la vie de la mythique Grace Kelly, icône incontournable du septième art obligée de choisir entre son métier d’actrice et ses devoirs princiers. S’il est loin de la flamboyance qui caractérisait chaque minute de La Môme, Grace de Monaco est un objet cinématographique parfaitement calibré à la réalisation soignée, qui peut compter sur le charme olympien de son interprète principale.
Critique : Impossible de ne pas noter des similitudes entre le destin de Grace de Monaco et celui de Lady Di, dont l’adaptation au cinéma a été injustement boudée par une partie de la critique malgré la formidable interprétation de Naomi Watts. Deux femmes au caractère bien trempé, deux femmes de conviction œuvrant contre la misère dans le monde, deux mères, deux passionnées. Et pourtant, en y regardant de plus près, ces deux parcours sont presque antagonistes. Diana tente d’échapper à l’emprise de la famille royale et au dogmatisme qu’on veut lui imposer tandis que Grace elle, sans pour autant se renier, abandonne progressivement son « américanité », se faisant l’instrument de la salvation de son royaume d’adoption. Le choix de Nicole Kidman, actrice caméléon par excellence, s’avère judicieux, et ce même si elle ne ressemble que très vaguement à Grace Kelly. Comme Cotillard avant elle, Dahan en fait sa muse et nous invite à pénétrer dans son univers intime par bribes. Grace n’apparaît pas comme un personnage sur-caractérisé voire omniprésent comme c’était un peu le cas pour Diana, sans doute à cause d’un scénario trop centré sur les sentiments du personnage. Le réalisateur laisse à son actrice une grande latitude dans son interprétation, ce qui amène une Grace tout en nuance, pétrie d’une réelle sincérité dans sa quête d’identité. Autrement dit, Kidman ne cherche pas à nous fasciner, elle incarne. C’est sans doute le plus beau compliment que l’on puisse faire à une actrice. Elle dégage tout à la fois cette beauté froide empreinte de mystère et cette ardeur propre à toute femme amoureuse. Alors que tous les ingrédients étaient réunis pour se laisser lentement happer par le piège du mélo sirupeux, Dahan nous prend à rebrousse poil en faisant passer les éclats entre la belle et son prince presque charmant au second plan, sans doute un peu trop cependant, coupant parfois le film de son centre nerveux. Ici, point de sentimentalisme mielleux, point de scènes conjugales ni de vases cassés hérités de la tradition hollywoodienne. La relation entre Grace et Rainier est abordée de manière subtile, dans une certaine économie de parole, privilégiant les gestes et les regards. Tim Roth, toujours aussi impeccable, campe un Rainier en plein doute mais qu’on sent toujours fou amoureux de sa femme.
- "Grace de Monaco" : Nicole Kidman
- © David Koskas / 2014 - STONE ANGELS
L’intelligence du scénario tient beaucoup au fait d’avoir su efficacement mêler l’intime et le politique, comme deux sphères interdépendantes. Ainsi, la crise entre la France-empêtrée dans la guerre d’Algérie- et Monaco concernant la levée d’un impôt destiné au Trésor français, synonyme de perte de sa souveraineté pour la principauté, n’est pas seulement une toile de fond pour l’histoire, elle en est le moteur. C’est dans ce contexte trouble que Grace Kelly, la star de cinéma, va subir sa transformation, abandonnant définitivement son patronyme et sa timidité de petite fille pour déclarer : « Je suis Monaco » au terme d’un discours qui devrait rester dans les annales. Quand la princesse du cinéma devient princesse du cœur, alors tout artifice est superflu, nous montre Olivier Dahan. Plus rien autour, plus rien ne compte, exceptés les yeux bleus de Nicole Kidman, où se reflète une douce mélancolie dénuée d’amertume. Derrière Son Altesse Sérénissime jouant le plus grand rôle de sa vie se cache une femme simple et touchante, qui ne demande qu’à vivre son conte de fée. Une belle réflexion sur l’essence du métier d’acteur.
- "Grace de Monaco" : Quand la star devient une princesse
- © Julien Panie / 2014 - STONE ANGELS
Pour accompagner la plongée de Grace, étrangère en son palais, la caméra d’Olivier Dahan filme sans complaisance, au plus près des personnages, comme s’il voulait capturer leur émotion à la source. Petit clin d’œil à Hitchcock, pour qui Grace a tourné par trois fois avant de mettre un terme à sa carrière, le film commence sur les chapeaux de roues en présentant Hitchcock sur Le Rocher au volant de sa voiture dans une scène remake de La main au collet. Décors naturels somptueux, intérieurs léchés entre rêve et réalité, opposition entre couleurs vives et éthérées cristallisant le conflit intérieur de Grace, belle utilisation du flou : Dahan a de réelles prétentions esthétiques mais a tendance à légèrement figer sa caméra, ce qui procure par moment un sentiment de contemplation qui peut s’avérer pesant. Ceci étant dit, tout cela est plus que propre, les cadres sont riches et admirablement composés et on se plaît à déambuler avec l’héroïne dans les couloirs du château ou sur le marché de Monaco au contact de ses habitants. Seul véritable hic, le film souffre d’un rythme général assez lent et de dialogues qui manquent de niaque, ce qui ne lui permet jamais de s’élever au niveau de La Môme, dans lequel le montage elliptique jouait un rôle primordial. Du coup, malgré l’attachement que l’on peut avoir pour le couple princier, on a tendance à voir le film comme une sucrerie de luxe que l’on mangera avec plaisir sans pour autant se sentir véritablement impliqué avant les trente dernières minutes. Quoi qu’il en soit, Dahan réussit son pari, à savoir croquer Grace Kelly dans toute sa complexité et avec un immense respect à un moment où elle-même ne savait plus très bien qui elle avait envie d’être. Un film à voir pour tous les amoureux de l’actrice et de la dame, incarnation d’un idéal féminin entre classe et glamour. Grace de Monaco, ou quand le rêve américain devient un rêve français... pardon... monégasque.
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