Le 15 septembre 2016
Walter Hill réalise l’un des westerns-phare des années 90, réflexion sur le genre en même temps que sur l’histoire des USA.
- Réalisateur : Walter Hill
- Acteurs : Matt Damon, Jason Patric, Scott Wilson, Robert Duvall, Gene Hackman, Wes Studi
- Genre : Historique, Western
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Gaumont Columbia Tristar Films
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 30 octobre 2024 22:25
- Chaîne : TCM Cinéma
- Titre original : An American Legend
- Date de sortie : 30 mars 1994
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– Sortie DVD : 21 septembre 2016
Résumé : L’histoire de Geronimo, rebelle apache qui fut arrêté le 5 septembre 1886 avec une trentaine de ses compagnons au Canyon of the Skeletons en Arizona. Pour arriver à ce résultat, l’armée américaine avait déployé pas moins de cinq mille de ses hommes, soit le quart de ses forces.
Critique : Après Dans avec les loups et surtout Impitoyable, qui avaient relancé le genre, Walter Hill s’attaquait à son tour au western, faisant de Geronimo un film-somme en même temps que le point final de ce renouveau fragile. Avec John Milius au scénario, on pouvait s’attendre à une œuvre brutale, et elle l’est, mais sans doute pas à tant de scènes de discussion, d’attentes ou de contemplation ; tout se passe comme si Hill témoignait de sa fascination pour les Indiens, prenant comme narrateur un jeune naïf (Matt Damon), ce qui lui permet de faire découvrir les traditions et le sens de leur comportement ; vieille ruse, certes, mais qui affirme le respect de certains des protagonistes pour une culture que d’autres s’attachent à détruire. Ce respect, scénariste et réalisateur le reprennent à leur compte : aucun doute pour eux, les Blancs sont responsables ; ce sont eux qui tuent le guérisseur, eux qui trahissent leur parole, eux qui s’empêtrent dans des considérations politiques. À ce titre, le film ne cesse de mettre en lumière l’idée majeure des « temps qui changent », ce qui lui confère une forme de nostalgie désabusée que le monologue final de Geronimo approfondit et résume.
En suivant plusieurs personnages, Hill montre comment on passe de soldats respectueux et compréhensifs (Gatewood, Crook et même Al Sieber, au passage somptueusement incarnés par des acteurs d’une densité et d’une finesse remarquables) à des militaires sans âme, prêts à tout pour assurer leur carrière. C’est l’échec des premiers, de démission en mise à l’écart, qui fonde une civilisation de l’humiliation : Davis, le narrateur, parle deux fois de « honte ». On sent que la mauvaise conscience tourmente toujours les Américains, en même temps que le regret ; à plusieurs reprises on voit que tout aurait pu être différent et c’est le sens de ces longues séquences de discussions et de négociations. De l’humain on bascule vers le politique, et il est difficile de ne pas voir des échos contemporains à ce changement brutal.
Geronimo est loin d’être un pur film d’action, on l’a dit, mais Hill privilégie des scènes courtes, extrêmement violentes qui sont comme des ponctuations dans un ensemble plutôt porté sur le gros plan introspectif ou contemplatif. Ponctuations qu’il veut abruptes, et quelquefois inachevées : la fuite du chef apache est montée cut, alors qu’elle n’est pas accomplie, avec une séquence de bal. Le cinéaste se contente parfois du résultat de la violence, que ce soit chez les Blancs (la diligence) ou les Indiens (le camp exterminé) : mais c’est toujours le dégoût qui prédomine ; en particulier, les Texans qui scalpent pour de l’argent sont des brutes repoussantes. On est loin de l’innocence et du manichéisme des premiers westerns ; Hill filme après Le soldat bleu et toutes les œuvres pro-indiennes, il filme aussi après Peckinpah et sa violence graphique dont on trouve quelques échos dans des ralentis esthétisants. De même a-t-il puisé chez Ford un sens des grands espaces que curieusement il se plaît à teinter – stylisation qui peut paraître gratuite, sauf à penser l’idée d’un passé irréel.
On qualifie souvent les derniers westerns de « crépusculaires », ce qui a l’avantage de résumer une complexité dans le rapport au genre ; et, en un sens, Geronimo participe de cette « revisitation » attristée et nostalgique. Mais Hill s’efforce aussi de trouver une voie autre, dans un rythme singulier, avec une interrogation sur la violence qui passe à la fois par l’image et des dialogues abondants et explicites (les questions sur la différence entre meurtre et guerre, par exemple), mais aussi et peut-être surtout sur le sens de l’histoire et son irréversibilité. Car, oui, la civilisation américaine s’est fondée sur un massacre, des promesses non tenues, des humiliations et un aveuglement. Face à ce constat, le cinéma ne peut rien, rien que regretter et s’apitoyer en montrant la beauté d’une culture sans en cacher les revers. En ce sens, Geronimo signe la fin d’un genre : tout a été dit, et il n’y a plus qu’à répéter, ressasser, s’enivrer d’images qui ne sont que des représentations de ce qui a existé.
Les suppléments :
Bertrand Tavernier prend son temps (35 minutes) pour savourer le commentaire élogieux, érudit et gourmand d’un film qu’il admire d’évidence. Il parvient à aborder de multiples aspects avec son habituelle intelligence, de la mise en scène aux acteurs en passant par la réalité historique et la musique. Patrick Brion complète et notamment par une interview fascinante de Walter Hill la première intervention (14 mn) sans éviter les redites, mais on apprendra notamment l’origine du nom Geronimo. Une belle galerie photos et la bande-annonce parachèvent ces bonus.
L’image :
Rien de rédhibitoire, bien sûr, mais la copie manque souvent de netteté, le grain est un peu épais et de légers parasites parsèment l’image.
Le son :
Trois pistes offertes (VOST 2.0 et 5.1, VF 2.0), qui restituent avec finesse les grands écarts de l’enregistrement, des murmures de Matt Damon aux fracas des batailles.
– Sortie DVD : 21 septembre 2016
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