Le 5 décembre 2020
Une enquête géopolitique contre l’oubli plutôt captivante. Burghart Klaussner, formidable, endosse le costume sur mesure de Fritz Bauer, héros de l’ombre en quête de rédemption.
- Réalisateur : Lars Kraume
- Acteurs : Burghart Klaußner, Ronald Zehrfeld, Lilith Stangenberg, Sebastian Blomberg
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Biopic, Thriller
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h46mn
- Date télé : 7 décembre 2020 13:35
- Chaîne : Arte
- Titre original : Der Staat gegen Fritz Bauer
- Date de sortie : 13 avril 2016
- Festival : Festival du film Policier de Beaune
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Résumé : En 1957, le juge Fritz Bauer apprend que le criminel de guerre nazi Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires. Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que le soutenir. Fritz Bauer décide alors de faire appel au Mossad, les services secrets israéliens.
Critique : Sur un canevas de film dossier à l’ancienne, Lars Kraume se lance dans une enquête géopolitique contre l’oubli captivante. Burghart Klaussner, formidable, endosse le costume sur mesure de Fritz Bauer, héros de l’ombre en quête de rédemption.
Pour son réalisateur allemand Lars Kraume, l’idée du biopic Fritz Bauer, un héros allemand a germé en entamant la lecture de L’impossible retour - Une histoire des juifs en Allemagne depuis 1945 de l’écrivain français Olivier Guez. Il est intéressant de noter que ce même Olivier Guez deviendra par la suite le coscénariste du film en compagnie de Lars Kraume. Le tandem va se focaliser sur un des chapitres consacrés à Fritz Bauer et à sa lutte pour faire extrader puis juger le criminel de guerre nazi Adolf Eichmann. En revenant sur cette période palpitante de la vie du procureur allemand, Kraume délivre un bel hommage à un héros de l’ombre qui aura lutté avec pugnacité contre l’oubli par esprit de justice. Au gré d’une maîtrise narrative rigoureuse, le cinéaste allemand tire un trait d’union entre enquête géopolitique et film dossier à l’ancienne parfaitement rythmé. La traque du haut fonctionnaire nazi, terré en Argentine, réussit à se montrer particulièrement captivante malgré l’académisme de la réalisation et l’absence d’action.
Le film va viser juste dans la mesure où il ne cherche pas à dissimiler des vérités, qu’elles soient flatteuses ou non pour l’Allemagne d’après guerre, encore gangrénée jusque dans les hautes sphères de l’État (rappelons que d’anciens fonctionnaires de l’Allemagne nazie restent encore présents dans les rouages du pouvoir même après la chute du Troisième Reich).
Le procureur Fritz Bauer doit en effet se débattre face à la raison d’État dans sa traque des nazis expatriés. Campé avec une crédibilité déconcertante par un magistral Burghart Klaussner (l’abattage de l’acteur nous touche que ce soit dans le registre dramatique comme dans celui de l’humour pince-sans-rire), le personnage de Fritz Bauer nous apparaît à l’ouverture comme quelqu’un de particulièrement pessimiste et désabusé. Un mal-être dû en partie à ce sentiment d’impuissance qu’il rencontre dans l’exercice de ses fonctions.
Ce dernier va pourtant reprendre du poil de la bête, obstiné par l’idée de confronter les Allemands à leur passé, lorsqu’il décide de s’atteler de très près au dossier Eichmann. Grâce au soutien d’un fidèle lieutenant (Karl Angermann interprété solidement par Ronald Zehrfeld), Bauer va poursuivre son combat contre l’oubli en marge de ses permissions (nous le verrons par exemple collaborer secrètement avec le Mossad). Les personnages de Bauer et Angermann n’hésitent pas à se mettre en péril, outrepassant les directives par conviction et appétit de justice. En résulte une interrogation plus que pertinente sur les responsabilités individuelles.
D’autre part, le réalisateur tente de faire intervenir, sans grande réussite, l’homosexualité, encore réprimée en Allemagne à cette période, comme ressort dramatique et faille pouvant conduire au capotage du dossier Eichmann. La déconvenue demeure cependant mineure, puisque ce n’est pas faute de scruter, outre le portrait d’enquêteur chevronnés, celui d’êtres humains ordinaires pour mieux nous plonger dans leurs interrogations. En privilégiant une mise en scène de facture classique, Lars Kraume affirme son estime pour les films noirs des années 40/50, un genre dont on ressent l’influence jusque dans les sonorités jazzy de la bande originale. Aussi, capitalisant sur des problématiques politiques toujours bien cernés ainsi que sur la prouesse de son acteur principal, Fritz Bauer, un héros allemand s’impose comme une quête de vérité étanchée avec les honneurs. Pour les amateurs de polars politiques post-Seconde Guerre mondiale, voilà un complément idéal au récent Le labyrinthe du silence signé Giulio Ricciarelli.
Signalons enfin que le film a été récompensé à juste titre par le prix du jury spécial police lors de l’édition 2016 du festival international du film policier de Beaune.
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