Fidelio, l’odyssée d’Alice - la critique du film

Critique : Les océans, les grands espaces à perte de vue, la liberté, voilà quelques mots qui pourraient présenter le personnage d’Alice, à qui Ariane Labed prête son corps élancé, d’apparence frêle mais d’une résistance à toute épreuve, ainsi que ses yeux bleus qui font écho à la mer. Comme l’indique son sous-titre, Fidelio est l’odyssée d’un personnage féminin, un voyage qui permettra à Alice de se découvrir et de se confronter à ses désirs tout comme à ses idéaux. Comment concilier vie amoureuse et vie de marin, comment aimer lorsque la distance nous sépare de celui ou de celle que l’on aime, comment concilier amour et liberté : autant de questions que le film aborde avec intelligence sans tenter à tout prix de les résoudre. Le trio formé par Ariane, Félix, son amant resté sur le rivage, interprété par Anders Danielsen Lie (Oslo, 31 août), et Gaël, son premier amour retrouvé en capitaine sur le Fidelio, interprété par Melvil Poupaud, fonctionne particulièrement bien, faisant partager au spectateur le dilemme étreignant la jeune femme dans son périple amoureux.

© Pyramide Distribution

Lisant les notes prises par le marin décédé qu’elle était venue remplacer, Alice semble invoquer peu à peu la voix du cargo lui-même, entité à part entière qui épaule la jeune femme dans sa traversée psychologique et sentimentale. La réalisatrice s’attache également à montrer l’évolution de son personnage féminin dans un monde presque exclusivement masculin, celui de la marine marchande : un environnement de travail où Alice doit doublement faire ses preuves. Fidelio, construit en deux parties, présente cependant un rythme et une intensité dramatique inégaux qui amènent au lent démantèlement du film. Quand une première partie, qui touche par sa vivacité et sa fraîcheur, nous mène au point d’acmé lors duquel Alice trouve enfin le mode de vie qui lui convient, une seconde partie marque la pente descendante empruntée par le personnage. Les intentions de la réalisatrice concernant cette seconde partie sont compréhensibles, les moyens mobilisés pour y parvenir le sont malheureusement moins. Les dialogues entre les personnages se diluent dans une intrigue qui traîne en longueur, et le relief auquel le film avait auparavant accoutumé le spectateur disparait au fur et à mesure qu’apparaissent les difficultés rencontrées par le personnage principal. Le retour à Ithaque aura été aussi rude pour Alice que pour le spectateur.

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Il conviendrait, malgré cette seconde partie décevante, de saluer ici les performances techniques déployées lors du tournage en décor réel. Embarquée sur un cargo, l’équipe du film a dû faire preuve d’une capacité d’adaptation remarquable pour parvenir à un tel travail du son et livrer une si riche interprétation de l’espace filmé, notamment grâce à l’utilisation du format 1:85. Les espaces intérieurs étroits, de la salle des machines aux cabines des marins, peuvent évoquer le manque d’espace tout comme le déploiement d’une nouvelle dimension, celle des fantasmes et des rêves des protagonistes. L’image de Simon Beaufils – directeur de la photographie ayant également travaillé sur Les Rencontres d’après-minuit et Ordinary People – met en valeurs les corps, communicant dans ces espaces restreints et magnifie les étendues maritimes. Fidelio est un film dont on ne peut nier la qualité formelle et que l’on peut considérer comme un premier geste de Lucie Borleteau, vif et plein de promesses, dans le long-métrage de fiction. Les dernières séquences le montrent bien, Alice reste insaisissable jusqu’à la fin, glissant entre les doigts du spectateur. Alice n’appartient à personne et elle est avant tout une femme qui reste fidèle à elle-même et à ses idéaux, respirant la jeunesse et la liberté, voguant encore et toujours vers de nouveaux horizons, aussi incertains soient-ils.