Le 6 mai 2016
Un film de guerre hors norme, cruel et dépressif.
- Réalisateur : Kon Ichikawa
- Acteurs : Jun Hamamura, Osamu Takizawa, Eiji Funakoshi, Tatsuya Ishiguro, Mickey Curtis
- Genre : Film de guerre, Noir et blanc, Film culte
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Rimini Éditions
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 30 mars 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Box-office : 21 506 entrées (France)
- Date de sortie : 1er mars 1961
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– Année de production : 1959
Résumé : À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le calvaire des derniers soldats japonais, pris entre les guérilleros philippins et les troupes américaines.
Critique : Feux dans la plaine n’a pas rencontré un grand succès au Japon ; en le voyant, on comprend pourquoi : on a rarement vu film plus âpre, cruel, nihiliste. En suivant un soldat malade pendant la fin de la guerre, Ichikawa présente un monde privé de sens et désespéré, dans lequel la survie passe par les plus bas instincts, jusqu’au cannibalisme. Imagine-t-on vision plus sombre de l’humain ? Le cinéaste place ses personnages dans la pire situation qui soit (la défaite, la faim, le danger perpétuel) et les regarde s’agiter absurdement. On n’est pas loin de Beckett avec ces êtres paumés qui n’avancent plus ; anti-héros parfaits, lâches, cruels, ils représentent la face sombre d’une humanité brûlée.
Ichikawa montre une certaine tendresse pour ces soldats, mais l’impression générale est celle d’une cruauté sans fin, au milieu d’un décor dévasté et indifférent. Au-delà de la simple et conventionnelle condamnation de l’absurdité de la guerre, le film se transforme en méditation sur l’essence de l’homme : le « héros », Tamura, giflé dès la première séquence, trompé, utilisé, est une sorte d’Idiot de Dostoïevski, qui sert de révélateur à des groupes humains affamés et prêts à tout. Il promène son corps dégingandé, rencontrant des cadavres partout, tuant lui-même pour du sel, évitant le plus possible le combat (ce qui met à mal le cliché des Japonais kamikazes : si l’officier lui ordonne de se suicider, il prend le parti de ne pas se presser). Ses rencontres sont régulières, ce qui donne l’impression que le film n’avance pas ; et, de fait, Tamura semble tourner en rond dans un décor indifférencié et uniformément hostile. Rien ne nous indique qu’il progresse : c’est plutôt un sur-place dérisoire qui le fait buter sur les mêmes personnes et surtout deux d’entre eux, qui sont installés dans une sorte de rituel maître/esclave dont ils ne peuvent s’échapper qu’en essayant de se tuer. Là encore, dans ce théâtre masculin (la seule femme visible est assassinée très tôt), Ichikawa met en scène des êtres à peine doués de conscience et de raisonnement – et l’on sent que la frontière de la folie n’est jamais loin. À ce titre, les appels de Tamura à être mangé qui ponctuent le film sont le signe du basculement d’un monde vers l’inhumain le plus effrayant.
Hormis quelques passages musicaux insistants -mais partiellement ironiques, comme la musique triomphale du début-, Feux dans la plaine gagne en force par une sobriété et une rigueur remarquables. Pas de pathos, ni d’effets insistants : on est dans une épure dévastatrice : d’autant que peu d’informations nous sont données sur le passé des personnages. En combattant, les hommes sont privés d’identité, revenus à une vie sauvage et cruelle. La beauté du noir et blanc dans ce contexte a elle aussi quelque chose d’ironique, tant la réalité qu’il décrit est éprouvante ; mais la puissance du film, désespérée et sans fioritures, ne s’accommode d’aucun compromis dans cette œuvre définitive.
– Sortie DVD & Blu-ray : 15 mars 2016
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