Docteur Jekyll et Mister Hyde
Le 24 octobre 2023
À travers une histoire obsessionnelle de jumeaux gynécologues, Cronenberg nous fait nous balancer entre drame psychologique et horreur pure, explorant son thème favori, le rapport au corps, sous l’angle d’une sensibilité neuve.
- Réalisateur : David Cronenberg
- Acteurs : Geneviève Bujold, Jeremy Irons, Stephen Lack, Heidi von Palleske, Barbara Gordon
- Genre : Drame, Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain, Canadien
- Distributeur : Twentieth Century Fox France , Capricci Films
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 16 juillet 2024 22:30
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 25 octobre 2023
- Titre original : Dead Ringers
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 8 février 1989
- Festival : Festival d’Avoriaz 1989
– Sortie en version restaurée : 25 octobre 2023
Résumé : Deux vrais jumeaux, Beverly et Elliot Mantle, gynécologues de renom, partagent le même appartement, la même clinique, les mêmes idées et les mêmes femmes. Un jour, une actrice célèbre vient les consulter pour stérilité. Les deux frères en tombent amoureux mais si pour Elliot elle reste une femme parmi tant d’autres, pour Beverly elle devient la femme. Pour la première fois les frères Mantle vont penser, sentir et agir différemment.
Critique : Depuis les couples bucoliques des comédies romantiques aux Doppelgänger terrifiants des films d’horreur psychologique, le cinéma a quelque chose à voir avec le chiffre “deux”. L’unité est généralement signe de stabilité et d’équilibre ; le désordre s’installe lorsqu’intervient la figure d’un “Autre” qui ne se laisse jamais pleinement capter. David Cronenberg reprend ici ce motif en le doublant d’un défi technique et narratif, celui de faire évoluer dans son récit un personnage littéralement dédoublé, sous la forme de jumeaux véritables. Ainsi, avant même l’événement perturbateur qui fait démarrer l’intrigue, c’est à la source originelle du film que prend naissance le sentiment de malaise qui enveloppe le spectateur sur toute la durée de Faux-semblants. Tout se passe comme si Cronenberg dépliait horizontalement sur le plat de l’écran la relation de face-à-face que chacun peut entretenir avec son reflet dans le miroir.
- © 2023 Capricci. Tous droits réservés.
À la nuance près que dans le cas présent, malgré la rigoureuse conformité physique qui fait des deux frères presque des monstres clonés et enrichit par là même le halo fantastique qui baigne le film, la tension se nourrit de l’écart douloureux entre les réactions psychologiques des protagonistes. Faux-semblants raconte la prise de conscience - tardive, et par conséquent tragique - de la dissociation entre surface et profondeur, extérieur et intérieur, apparence et personnalité. Les jumeaux gynécologues se croyaient identiques jusque dans leur façon même de penser et de ressentir les choses : l’irruption d’une femme, de l’amour et du désir leur démontre pour la première fois que cela n’est pas vrai. Une telle entreprise exigeait un acteur doté à la fois d’épaules solides et de nerfs sensibles, capable de donner la réplique à un partenaire absent du tournage, et d’autant plus problématique qu’il s’agissait de lui-même... Jeremy Irons est ici magistral, alternant - ou plutôt, dans le résultat final, affichant simultanément - la détermination et la confusion, la force et la fragilité.
- © 2023 Capricci. Tous droits réservés.
Comme dans la plupart de ses films, David Cronenberg irrite le rapport entre esprit et corps - poussé à son paroxysme dans Vidéodrome -, et franchit aisément la frontière entre fantastique et horreur, le passage entre scène de ménage et film de genre, de manière subreptice et dissimulée. Pourtant, Faux-semblants est peut-être aussi une œuvre à part dans la filmographie du réalisateur, car si on y trouve ses thèmes et ses procédés de mise en scène favoris - l’irruption d’accessoires hallucinés que sont ici les outils gynécologiques sortis de l’imagination des jumeaux, la manière de filmer un ciel bas et lourd qui pèse sur l’atmosphère du film... -, le cinéaste jette également une lumière particulière sur les rapports entre ses personnages et son public. Car si les héros de Cronenberg apparaissent souvent à la fois torturés à l’extrême et rejetés hors de la société, dans des écarts tels qu’ils deviennent aliénés à nous-mêmes, les jumeaux gynécologues sont porteurs d’une sensibilité propre à déclencher l’empathie, voire l’identification. D’où un profond désarroi, persistant après le film : et si ce double, c’était moi ?
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birulune 5 décembre 2016
Faux-semblants - David Cronenberg - critique
Un film a l’ambiance malsaine joussive. Ces deux hommes ont tout, bel appart bon boulot et ils ont toutes les femmes qu’ils veulent et grâce à leur physique identique ils se les refilent l’un à l’autre jusqu’à l’arrivée de l’actrice Claire Nivaux qui chamboule un ordre bien établi : Bev’ est le faible, Elly est le fort. Toxico, elle emmène le faible Bev’ dans la spirale infernale de la drogue. Mais ce qui marche pour une actrice délurée ne marche pas pour un médecin doublé d’un grand chirurgien. Plus il se rapproche d’elle et plus il s’éloigne d’une partie de lui-même c’est à dire Elliot et leur petite dualité complémentaire. Un Cronenberg sans monstre ni effet spéciaux. Génial