Fantasia - la critique du film

Habitué du Festival de Cannes depuis L’Orphelin d’Anyang, qui l’a révélé en 2001, Wang Chao revient cette année avec Fantasia, un film entre portrait de société et échappée onirique. Festival de Cannes 2014 – Un certain regard

L’argument : Dans une ville industrielle chinoise, une famille recomposée se trouve ébranlée par la maladie du père. Lorsque les hospitalisations deviennent de plus en plus fréquentes et coûteuses, la mère enchaîne les petits boulots et se démène pour trouver de l’argent, la grande sœur décide de travailler secrètement dans un bar de nuit. Mais Lin, le petit frère, fuit l’école pour se réfugier dans un monde rêvé, un monde fantasmatique, un monde de fantaisie. © Droits réservés

Notre avis : Adaptation de son propre roman, Fantasia permet au réalisateur et scénariste Wang Chao de porter une fois de plus à l’écran ses interrogations sociales dans une Chine contemporaine en pleine course à la croissance économique où l’industrialisation et la production de masse passent par le sacrifice de la dimension humaine. Wang Chao nous invite ici au sein d’une famille de la classe ouvrière confrontée à la maladie et aux problèmes financiers. Fantasia est ainsi habité par quatre personnages représentant autant de perspectives sur la société chinoise d’aujourd’hui, urbaine mais peu favorisée – de l’adolescent perdant son insouciance à la mère de famille pour qui les circonstances économiques ont mis fin aux rêves professionnels. L’on aura cependant eu du mal à éprouver de l’empathie envers ces personnages, sans doute en raison de performances trop lisses et manquant de prise de risque. Le long-métrage démontre une mise en scène pourtant méticuleuse, qui s’intéresse aux détails permettant de donner une certaine profondeur aux personnages. © Droits réservés
Côté intrigue, on a très vite le sentiment que la portée critique et sociale du film se dilue et perd de sa substance au profit de plans esthétisants, mis en valeur par un montage elliptique qui n’est toutefois pas dénué d’intérêt. Fantasia peine malgré tout à impliquer le spectateur, ce qui laisse l’impression d’une lenteur excessive du rythme de l’intrigue. Par ailleurs, l’on reste dubitatif face au destin de la fille de la famille, qui entre un peu trop aisément dans la prostitution et se retrouve sujet d’une intrigue subsidiaire dont on pourrait se passer. © Droits réservés
Il faut cependant reconnaître à Fantasia la création d’un univers visuel particulièrement construit. Une image épurée, aux teintes bleutées qui emportent l’esprit vers l’abstraction et, éventuellement, le rêve, dans un contraste fascinant avec le parti pris réaliste de la mise en scène. Si la photographie s’avère être d’une qualité remarquable, l’utilisation ponctuelle de la chanson O Sole mio, montée sur des plans du fleuve se voulant oniriques, se révèle sans doute un choix un brin trop zélé du réalisateur, qui désamorce par la bande-son ce qu’il aura construit avec tant de soin à l’image.
Fantasia est donc un long-métrage qui se veut réaliste et social dans son sujet tout en imposant un caractère méditatif à sa réalisation. Un mélange ambitieux qui laisse perplexe mais ne remet pas en doute l’attention au détail du réalisateur.

© Droits réservés