Agrégat grégaire
Le 21 septembre 2020
Un commando de cinglés obsolètes, dont la simple association prévaut sur la performance ? En basket, on appelle ça les "Harlem Globe Trotters", mais au cinéma, on dit Expendables.
- Réalisateur : Simon West
- Acteurs : Arnold Schwarzenegger, Jean-Claude Van Damme, Jet Li, Bruce Willis, Sylvester Stallone , Jason Statham, Chuck Norris
- Genre : Aventures, Action
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h42mn
- Date télé : 3 février 2022 21:10
- Chaîne : France 3
- Titre original : The Expendables 2 : back for War
- Date de sortie : 22 août 2012
Résumé : Les Expendables sont de retour, et cette fois, la mission les touche de très près... Lorsque Mr. Church engage Barney Ross, Lee Christmas, Yin Yang, Gunnar Jensen, Toll Road et Hale Caesar – et deux nouveaux, Billy The Kid et Maggie – l’opération semble facile. Mais quand l’un d’entre eux est tué, les Expendables jurent de le venger. Bien qu’en territoire hostile et donnés perdants, ils vont semer le chaos chez leurs adversaires, et se retrouver à tenter de déjouer une menace inattendue – cinq tonnes de plutonium capables de modifier l’équilibre des forces mondiales. Cette guerre-là n’est pourtant rien comparée à ce qu’ils vont faire subir à l’homme qui a sauvagement assassiné leur frère d’armes…
Critique : Il y a deux types de réunions d’anciens élèves : les barbecues de la rancune, auxquels on se rend avec le CV directement imprimé sur la chemise, pour enfoncer le clou de son insolente réussite post-bac dans l’ego d’un ex-Némésis au chômage, et les orgies nostalgiques où des torrents de punch, coupé au digestif réactionnaire, emportent les inimitiés d’antan. En bon camarade et conservateur avisé, Sly Stallone préfère évidemment la solution du punch, quitte à y noyer ses ambitions artistiques comme ses coscénaristes. Mais soyons sérieux : deux ans après le premier Expendables, on sait très bien que nous ne sommes pas là pour applaudir la véritable résurrection de l’actionner old school. Ou alors très rapidement et du bout des ongles.
Ils ont tout quitté pour lui, leurs DTV, leurs étals de boucherie, leurs officines républicaines ou leurs blisters d’action figures en solde ; ils sont parfois revenus de très loin, des années 80, des après-midi de M6 et même de chez Barry Levinson, mais l’impensable congrégation de soleils couchants réunie par l’oncle Sylvestre – GO pour l’occasion - a quelque chose de fondamentalement réjouissant, qu’aucun ressort scénaristique foireux, aucun décor de fête foraine tiers-mondiste, et surtout aucun montage au hachoir tétanique, ne pourra sérieusement polluer.
Willis, Schwarzenegger, Van Damme, Lundgren…Qu’on rie de leurs absurdes concours péniens par pur cynisme et pose démago, ou qu’on aime sincèrement les voir démanteler des hordes de crypto-communistes malpolis, pour l’amour d’un atemi à la carotide bien exécuté, ces types restent les mythes inébranlables d’une pop culture qui se sait mal vue et secrètement chérie. Du reste, s’ils se teignent désormais les cheveux (l’admirable couleur noisette cuivrée de Schwarzy) et ne sont plus capables de faire les lacets de leurs rangers sans crisser des rotules, ces hibernatus aux hormones ont pris assez de recul sur leur statut(es) pour désamorcer l’assaut prévisible des apôtres du cinéma correct – en judo, on appelle ça un Kaeshi Waza, ou « technique de renversement » - et leur chant du cygne ne se fera pas sans humour. Même auto-infligé.
Parce qu’il faut vous le dire, Expendables 2 est une comédie, quelque chose comme un très long sketch du Saturday Night Live, qui verrait Chuck Norris établir lui-même un Chuck Norris fact, Van Damme insister sur son accent, Schwarzenegger piquer à Bruce McClane Willis sa réplique culte, et même Dolph Lundgren, dont le personnage est soi-disant diplômé du MIT, tenter de résoudre un Rubik’s Cube en avion. Bon, évidemment, au-delà des vannes référentielles, hyper et méta-textuelles, qui sont tout de même légion et renvoient à la scène de l’église du premier opus (Stallone balançant à Willis à propos de Schwarzy « son problème ? il veut être président »), vous aurez aussi droit à des saillies sexo-racistes de fond de PMU (« Chinois à emporter », on ne vous dit que ça) et des jeux de mots bourrins, à peu près intraduisibles, qui auront au moins le mérite d’épargner tout spoil à ceux qui ont fait italien LV1 (« Rest in pieces », « I pronounce you man and knife »). On ne sait pas si cela tient uniquement au changement de coscénariste (Dave Callaham ayant été remplacé par, entres autres, Richard Wenk), mais Stallone, autrefois risible malgré lui, confirme ici qu’il peut être authentiquement drôle, sans avoir à se reposer sur les punchlines de caserne et les myriades d’injures reaganiennes qui lui viennent naturellement à la bouche, quand un Bolchévique viole son espace vital. Et s’il est certes régressif, sur-conditionné par l’étrangeté quasi post-moderne des situations dans lesquels Sly place son casting (Willis et Schwarzenegger pulvérisant des terroristes en smart…), et qu’il ne conviendra pas à ceux qui se marrent uniquement en lisant des aphorismes voltairiens, l’humour d’Expendables 2 camoufle idéalement une terrible absence de film dont, visiblement, toute l’équipe se fout royalement.
On pourrait tout de même porter au crédit de ce gigantesque alibi en 35mm sa séquence d’ouverture, monument de sauvagerie anachronique et shoot’em up hors proportions, épousant avec une fidélité étonnante l’idée qu’un enfant de huit ans, obsédé par les tanks se fait de l’assaut d’une place forte (en gros, on lance des vannes, des rockets et des motos dans les hélicoptères, on génocide du Népalais exponentiel à la louche , on casse des ponts, et on n’oublie pas d’écrire « bad attitude » au cul des blindés ou « knock-knock » sur le bélier mécanique de Dolphy. Yep.). Mais au-delà de ce baroud jouissif - décharge précoce au sommet d’un roller coaster qu’on ne reverra plus que par fragments - le film bâille gentiment jusqu’à son climax et la mise en scène de Simon West, tout en multiplication d’angles absurdes et découpages indigents, amoche sévèrement le standard d’action béotienne que double S prétendait fabriquer et qu’on n’attendait heureusement pas (même si la joute finale reste visuellement douloureuse, deux semaines après le visionnage). D’ailleurs, on ne s’étendra pas non plus sur cette histoire de vendetta métaphysique - en plein terroir albanais - qui suture péniblement les différentes parties du script, mais sachez qu’à côté, John Rambo est un miracle réflexif. Sans blague.
Cela dit, nous ne sommes pas de ceux qui sous-estiment la malice de Sly - avant tout pour d’évidentes raisons de lâcheté physique - et l’intérêt du scénario qu’il a contribué à bâcler dans les grandes largeurs. Peut-être que se cache l’évidente perversité qui maintient sa tête hors du film. Quelque chose de profondément infantile qui pousse Sylvester, toute distance comique mise à part, à s’auto-canoniser outrageusement quand ses sparring partners s’enferment dans des caméos taillés un peu court, au-delà du plaisir instantanément proustien qu’ils procurent (oui, on peut forcer le voisinage entre Stallone et Marcel). Reste que l’animal a toujours un peu de Balboa en lui : c’est un chef de bande qui ne se couche pas, un melon en treillis qui écrase les sidekicks (même Statham) et les personnages fonctions dont il s’entoure, au sein même d’un film qu’il a voulu choral, mais pas trop. C’est le sien, me direz-vous, mais personne ne nous empêchera de penser que ce fou furieux, en dépit des années, des combats perdus, des rivalités périmées et de la lumineuse complicité qui le lie à ses frères d’armes à blanc, cherche à polir l’icône et crever à la place d’honneur. Stupide, puéril et beau.
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roger w 13 septembre 2012
Expendables 2, unité spéciale - la critique
Alors que je n’avais pas franchement apprécié le premier volet, mal réalisé par un Stallone en manque d’inspiration, ce second opus est nettement supérieur. Pas forcément plus intelligent, le concept donne lieu à suffisamment de séquences de bravoure enrobées dans un second degré salvateur pour que l’amateur de films de gros bras des années 80 y retrouve un parfum de jeunesse. Vraiment sympa.