Le 14 août 2016
Plus qu’un film, une expérience poétique autour de la mer et de l’amour, inégale mais intéressante.
- Réalisateur : Evangelia Kranioti
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h13mn
- Date de sortie : 24 août 2016
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Résumé : L’océan et les ports, lieux de désir. Là où se croisent cargos, container géants, hommes qui voyagent et femmes qui espèrent. Sandy, ancienne prostituée chilienne, tisse avec ferveur et poésie le récit de ses amours passées. A l’autre bout du monde, Yorgos, ancien capitaine grec, lui fait écho en méditant sur la vie des marins faite de départs. Par mémoires interposées les deux s’engagent dans un dialogue au-delà des frontières géographiques et temporelles. Embarquée à bord des navires de la marine marchande grecque, l’artiste Evangelia Kranioti a parcouru la Méditerranée jusqu’à la Mer Noire, voyagé de l’Atlantique au Pacifique, du Pôle nord au détroit de Magellan. Exotica, Erotica, Etc. réalisé lors de douze traversées et dans vingt pays est une déclaration d’amour à ces femmes et hommes oubliés, dont les trajectoires marginales et la solitude sont paradoxalement essentielles à l’existence même de nos sociétés.
- Copyright Evangelia Kranioti
Notre avis : Il y a dans Exotica, Erotica, etc. deux films quasiment distincts : l’un, celui de la bande sonore, est constitué de deux monologues ; l’autre, celui de l’image, repose sur un regard attentif et décalé porté sur la vie de marins. Ces deux films se rencontrent à diverses reprises, mais fondamentalement ils sont différents, voire opposés : là où l’ancienne prostituée raconte mélancoliquement ses belles amours, on ne voit que passades sordides et vulgaires ; là où l’ancien capitaine propose une réflexion qui avoisine la métaphysique, la caméra n’enregistre qu’un quotidien dépourvu de grandeur, mais non de beauté ; c’est peut-être ce qui frappe le plus, la beauté : la mer, on le sait, est extraordinairement photogénique, d’où des plans superbes de navires fendant la glace, de vagues balayant le pont. Ce qu’on savait sans doute moins, c’est à quel point les cargos eux-mêmes peuvent engendrer de la beauté. Evangelia Kranioti, dont c’est le premier film mais qui a déjà une carrière de plasticienne, sait filmer de très près ou de très loin ces énormes navires jusqu’à leur conférer une étrangeté singulière : c’est un ensemble géométrique de containers, une immense cale ou de l’eau qui s’écoule. Dans tous les cas, l’image s’éloigne d’un simple signifié et dérive vers l’abstraction ou le mouvement pur.
- Copyright Evangelia Kranioti
Il n’y a ici ni volonté narrative, ni réel documentaire : c’est plutôt une rêverie à plusieurs voix autour de la mer et des amours tarifées. Il faut donc s’abandonner à un rythme volontairement lent et aux coupures abruptes pour apprécier ce film qui, s’il est loin d’être facile, ne demande pas un décodage particulier : rien d’abscons, mais on est davantage dans l’expérimentation que dans la narration classique.
Reste qu’à notre sens Exotica, Erotica, etc., malgré ses qualités plastiques indéniables, souffre de plusieurs défauts : d’abord l’emphase des monologues (par exemple « la vie est une rivière chaude dans laquelle on se baigne en se croyant éternel » !) ; on voit bien que ces longues tirades très écrites (par la cinéaste), en décalage avec les images, en sont un prolongement philosophique, et l’on sait les pages que la mer a inspirées à Conrad ou Melville, mais on entend trop souvent de vaines boursouflures qui cachent des banalités là où on espérait plus de simplicité et de suggestion. Heureusement, la réalisatrice trouve parfois le ton, ou le détail troublant : on pense à ce travelling sur le corps nu et difforme de Sandy, en accord avec une belle réflexion sur l’amour comme un combat. Mais ces moments de grâce verbale sont rares par rapport à l’ensemble des monologues, soit très prosaïques, soit d’un lyrisme balourd.
- Copyright Evangelia Kranioti
Par ailleurs, on a beau se laisser aller à la belle image, au rythme lent et parfois suave, le film, malgré sa brièveté, n’évite pas l’ennui ; on voit bien, là encore, l’intention hypnotique. Les ruptures de ton, de la même manière, cassent la monotonie ; mais c’est pour mettre en valeur le quotidien de marins (ils mangent, travaillent, dansent, prient, fréquentent les prostituées, nagent…) dont on avoue qu’il n’est pas toujours passionnant.
- Copyright Evangelia Kranioti
Incontestablement, Exotica, Erotica, etc. est une expérience : sa réception dépendra donc beaucoup de la bonne volonté et de la disponibilité du spectateur, mais il y trouvera de réelles beautés, des cadrages originaux, et parfois, notamment dans le monologue de Sandy, une nostalgie élégante et contagieuse. C’est sans doute insuffisant, ce n’est certainement pas négligeable.
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