Le loser magnifique
Le 24 avril 2016
Vaine resucée de Rasta Rockett, cette production de Matthew Vaughn fait peine à voir. Peut-être trouvera-t-elle cependant son public auprès des inconditionnels d’histoires de losers qui finissent bien.
- Réalisateur : Dexter Fletcher
- Acteurs : Christopher Walken, Hugh Jackman, Taron Egerton
- Genre : Comédie dramatique, Biopic
- Nationalité : Américain, Britannique, Allemand
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 4 mai 2016
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Année de production : 2016
Vaine resucée de Rasta Rockett, cette production de Matthew Vaughn fait peine à voir. Peut-être trouvera-t-elle cependant son public auprès des inconditionnels d’histoires de losers qui finissent bien.
L’argument : Michael "Eddie" Edwards n’a depuis toujours qu’un seul rêve : participer aux Jeux Olympiques. Problème : celui-ci n’a jamais réussi à briller dans aucun sport. Touché par la persévérance d’Eddie, un ancien champion américain va devenir son coach et l’aider à prendre part aux J.O. d’Hiver de Calgary. L’histoire vraie d’un antihéros, premier britannique à participer à l’épreuve de saut à ski aux J.O., qui n’a jamais cessé de croire en lui-même alors que la Grande Bretagne toute entière n’y croyait pas.
Notre avis : "L’important, c’est de participer". Tout le monde connaît l’adage, et Eddie The Eagle ne prétend pas le réinventer. D’autant que d’autres avant lui avaient déjà pris la maxime à bras le corps sous le même angle, conscient de son potentiel incandescent en matière de feel-good story. Disons-le franchement : le film de Dexton Fletcher reprend tout ou presque de la trame scénaristique du film Rasta Rockett, cette fois pour l’accorder au destin d’Eddie, britannique prêt à tout pour participer aux Jeux Olympiques. Rappelons que Rasta Rockett, ses losers grandioses et son scénario rocambolesque avaient généré 155 millions de dollars de recettes pour un budget de 14 millions - de quoi attiser quelques convoitises, malgré la qualité déjà douteuse du film initial. L’objectif est cette fois le même, Calgary 1988, et le récit s’inspire également d’une histoire vraie. De Derice Bannock et sa clique des faubourgs de Kingston, l’on passe à Michael Edwards et son air jovial un brin benêt tout droit venu d’un coron du Gloucestershire (Angleterre). Ou comment glaner quelques protagonistes tout en bas de l’échelle pour leur offrir un parcours rédempteur à même de racheter par la même occasion, leur position sociale et celle de leur famille. À l’instar de la bande de jamaïcains du métrage produit par Walt Disney passant du sprint au bobsleigh, notre héros passe à peu près par toutes les disciplines sportives avant de se trouver par hasard une passion pour le ski, puis le saut à ski. Encore une fois, le principe de réalité amène le protagoniste à abandonner les Jeux Olympiques d’été au profit de leur itération hivernale.
Évidemment, le comité olympique anglais, sceptique devant pareille prétention, va donner du fil à retordre à Eddie, de même que son paternel, qui ne voit quelque part de salut que dans la pérennisation de la classe ouvrière. Heureusement, Eddie - que les spectateurs des olympiades surnommeront plus tard "The Eagle" en référence à sa gestuelle mimant les ailes d’un oiseau à l’issue des épreuves - va tomber sur un ancien champion olympique américain acceptant de l’épauler. De quoi rappeler furieusement, et d’une part la défiance du père fortuné de Junior Bevil, de même que celle du comité jamaïcain, et de l’autre le personnage de l’ex champion Irvin Blitzer (John Candy). D’ailleurs, ce dernier partage d’innombrables points communs avec Bronson Peary (Hugh Jackman), passé de star internationale à sportif raté irascible et notoirement alcoolique. L’on pourrait multiplier les analogies à l’avenant : la préparation de l’équipe de bobsleigh VS celle d’Eddie, les qualifications, etc. Même le clin d’œil appuyé à la comédie culte de Jon Turteltaub ne permet pas à Eddie the Eagle d’échapper au pillage.
Comme il est question de faire renaître un feel good movie à la sauce 80’s/90’s avec tout ce que cela implique en matière de musique (nappes électro vintage et synthétiseur à gogo) ou d’image (un côté pastel un peu délavé), s’embarrasser du plagiat semble être le cadet des soucis de Dexton Fletcher : après quelques déconvenues, Eddie parvient ainsi à participer aux JO, s’attire la compassion du public, perd mais repart heureux. Même son père devient son fan numéro un (le coup du t-shirt). Tout ça ne vous rappelle vraiment rien ? Cette resucée au prisme du kitsch le plus total, avec ses sauts à ski en CGI étranges confinant à la parodie, et ses quelques guest stars prestigieuses, contentera les spectateurs n’attendant rien d’autre qu’un petit bonheur factice. De ces films décérébrés du dimanche soir, pas méchants mais pas bien profonds, à même sans doute de plaire aux plus jeunes. Reste l’apparition de Walken qui, bien que fantomatique, donne inexplicablement au récit une saveur nostalgique et plus complexe.
Difficile pourtant de ne pas trouver quelque peu détestable la manière dont a été pensé le personnage d’Eddie. Alors que dans Rasta Rockett - même si le film ravivait dans une certaine mesure les poncifs et stéréotypes racistes -, la comédie s’en tenait à certaines limites pour ne pas trop souffrir de la critique, le cas d’Eddie est quant à lui affligeant. Les traits du personnage sont particulièrement grossis, faisant ainsi écho à la transformation de l’acteur Taron Egerton dans Kingsman : Services secrets. Problème : Eddie the Eagle ne dispose en aucun cas d’un mécanisme aussi sophistiqué que chez Matthew Vaughn - ici producteur - pour se permettre le pastiche et le second degré. Résultat, le décalage en ressort assez dérangeant, et Eddie donne quelque part l’impression d’un bouseux plus ou moins retardé mental, la faute à une parodie pas suffisamment nette dans certaines séquences. Difficile dans ce contexte d’admettre par exemple qu’Eddie, sorte de mélange entre George Little dans Stuart Little et de Jack Powell dans Jack, n’a pas changé psychologiquement d’un iota entre l’âge de 5 ans et 22 ans. Qu’importe : construit comme il est et usant des ressorts des autres, Eddie the Eagle espère en amuser quelques-uns. Parviendra-t-il pour autant à attirer autant de spectateurs que Rasta Rockett ? Rien n’est moins sûr.
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