Le poids des consciences
Le 12 janvier 2012
Le travail de mémoire d’un cinéaste et la mise en exergue d’une autre réalité.
- Réalisateur : Rithy Panh
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Cambodgien
- Durée : 1h43mn
- Date de sortie : 18 janvier 2012
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Le travail de mémoire d’un cinéaste et la mise en exergue d’une autre réalité.
L’argument : Sous le régime Khmer rouge, Kaing Guek Eav, dit Duch, a dirigé la prison M13 pendant 4 ans, avant d’être nommé à la tête du S21, la terrifiante machine à éliminer les opposants au pouvoir en place. Quelque 12280 Cambodgiens y trouvèrent la mort. En juillet 2010, Duch fut le premier dirigeant Khmer à comparaître devant une cour de justice pénale internationale, qui le condamna à 35 ans de prison. Il fit appel du jugement. Alors que Duch attend son nouveau procès, Rithy Panh l’a longuement interrogé et a recueilli sa parole...
Notre avis : Il y a plus d’une dizaine d’années, Rithy Panh filmait à travers les barreaux du centre de détention S 21 de Phnom Penh l’empreinte sanguinolente d’un régime criminel. S 21, la machine de mort khmère rouge exposait l’organisation et le fonctionnement d’un système qui massacra plus d’un quart de la population cambodgienne. Dutch, le maître des forges de l’enfer rapporte quant à lui les confessions de Kaing Guek Eav dit Duch, instrument et rouage essentiel du Kampuchéa démocratique entre 1975 et 1979.
Assis à une table jonchée de photographies et de documents épars, Duch, le regard brillant, fait face à la caméra. Dans l’intimité de sa cellule, le cinéaste offre au bourreau du régime khmer rouge l’occasion de se prouver homme. Quasi-monologue ponctué de reconstructions, d’images d’archives, de vidéos et de témoignages de survivants, Duch, le maître des forges de l’enfer produit le témoignage d’une réalité sans s’accorder jamais la facilité d’une condamnation.
Le travail minutieux de Rithy Panh, semblable parfois à celui d’un journaliste, apparaît fastidieux, chargé d’une pénibilité dont il est impossible de faire abstraction. Une singularité inévitable, caractérisant tout documentaire ayant l’ambition d’interpeller aussi bien néophytes que spécialistes. La richesse et la finesse de la réalisation permettent de transcender ce qui aurait pu être une simple leçon historique. Inexorablement, quelques soient les connaissances du spectateur en la matière, celui-ci est amené à s’interroger sur la mécanique de l’esprit humain.
Duch, le maître des forges de l’enfer soumet le portrait d’un homme cultivé, réfléchi, intellectuel même, et cela n’en rend sa foi inébranlable en l’Angkar (l’Organisation) que plus redoutable. Le culte de la discipline dont il témoigne, son asservissement physique et psychologique à la hiérarchie, sa peur de la mort ne sont pas sans rappeler le procès Eichmann. Le pragmatisme de Duch est son principal outil de rationalisation, tout comme il se considère ayant simplement été lors des faits « l’instrument pur » du parti.
Ses doutes, ses dénégations maladroites, ses regrets, la recherche acharnée d’une absolution qu’il puise dans la religion catholique, sont autant de heurts psychologiques pour quiconque tenterait d’expliquer les actions de ce tortionnaire ensanglanté. A l’inverse, la sobriété, la retenue de Rithy Panh, lui-même rescapé des camps de travail des khmers rouges dans lesquels il perdit ses parents, sont d’autant plus remarquables qu’elles permettent au spectateur de s’interroger sur les vicissitudes de l’âme humaine. Si l’exercice n’est pas des plus agréables, il n’en reste pas moins indispensable, et les réflexions engendrées ne pourront s’imposer à d’autres. Une leçon d’histoire, et surtout d’humanisme.
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