Le 26 décembre 2013
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Découvrez les coups de cœur de la rédaction parmi une sélection de titres malheureusement encore trop méconnus...
On ne le répétera jamais assez : 2013 est l’année des séries. Cependant, il est difficile d’établir un constat homogène en raison du nombre et de la diversité des programmes. Voici donc, en préambule à notre palmarès des séries les plus prometteuses de l’année, un aperçu global des tendances actuelles.
Premier constat : il est vitalement nécessaire d’aller piocher outre-atlantique malgré certains opus français tout à fait honorables.
Second constat : les séries à vertus comiques sont en perte de vitesse à l’image du massacre de la dernière saison d’How I met your mother. Heureusement que les geeks de The Big Bang Theory et les barrés de Modern Family sont toujours là pour nous faire sourire à défaut de se poêler totalement.
Troisième constat : Si l’humour potache ne semble plus convaincre, les gens semblent désormais davantage apprécier l’ironie et l’humour noir et sont de plus en plus fascinés par des personnages peu scrupuleux et moralement répréhensibles prêts à tout pour arriver à leurs fins. Quant à l’étude de mœurs et des comportements humains au sein de la cellule familiale, elle ne semble jamais avoir atteint une telle importance dans toute l’histoire des séries télévisées. Enfin, l’engouement pour le genre fantastique et le monde souterrain semble croître d’années en années.
A l’heure où Breaking Bad et Game of Thrones agissent comme de véritables rouleaux compresseurs, le spectateur avide de nouvelles expériences peut également compter sur un véritable renouveau en terme de création. L’année 2013, terreau des plus fertiles, a vu éclore de véritables petites pépites malheureusement trop méconnues. En attendant que les chrysalides éclosent et ne se changent en papillon admirés de tous, voici un rapide tour d’horizon des séries stars de demain.
BLACK MIRROR (SAISON 1 & 2)
De l’autre côté du (Black) mirror... par Emma Martin
A l’origine de la cinglante mini-série Dead Set, brillant pamphlet à l’encontre des émissions de télé-réalité, Charles Brooker s’essaie cette fois-ci à la traversée du miroir. Facétieux agitateur, il interroge avec Black mirror le rapport intime que nous entretenons sciemment avec les nouvelles technologies. Chaque épisode fait l’objet d’un polissage minutieux et le reflet trouble qu’il renvoit n’a de cesse de bouleverser nos convictions philosophiques et acquis sociaux. Sans même que nous y prêtions attention, les écrans noirs qui hantent nos existences sont devenus la clef de voûte de nos conceptions étriquées. Dans chaque maison, sur chaque bureau, sur chaque mur de chaque chambre, dans chaque poche, les moniteurs, écrans plasma et smartphones ont imposés leur silencieuse volonté de fer à tous les esprits. Satire révolutionnaire, Black mirror érige un pont entre des réalités alternatives où les questions éthiques et morales s’entrechoquent. Un deuil expié grâce à un système d’exploitation imitant virtuellement les traits de caractère du défunt, le mythe prométhéen revisité en alternative à la peine de mort, la vie politique asservie à la popularité d’un ours bleu ciel... En revêtant une forme foncièrement différente de ce qu’il nous est trop souvent donné à voir sur le petit écran, l’irrévérencieuse mini-série se joue des codes de son genre. Chaque épisode mériterait à lui seul une analyse radicale. Le temps nous fait défaut. Il ne vous reste donc plus qu’à tendre la main et passer vous aussi de l’autre côté du miroir.
MASTERS OF SEX
We want sex equality ! par Emma Martin
Librement adaptée de la biographie de Thomas Maier, un des premiers scientifiques à avoir entrepris des travaux de recherche sur la sexualité, Masters of sex doit à sa créatrice Michelle Ashford son juste ton. N’ayant de racoleur que le nom, la série explore avec finesse et malice l’un des plus grands tabous de nos sociétés contemporaines. Pendant modeste de Mad men, Masters of sex se trouve bien moins sentencieux et grandiloquent que son alter ego de Madison Avenue. L’étude poursuivie par l’indocile Docteur William H. Masters, obstétricien-gynécologue à l’Université de Saint-Louis, et sa quête de vérité sexuelle nous entraînent dans un corps à corps avec les interdits moraux les plus absurdes qui soient. Secondé par sa charmante assistante, incarnée par Lizzy Caplan, le médecin dissèque tant bien que mal le plaisir, l’orgasme, le désir. Espiègle réflexion sur la libération sexuelle, Masters of sex rappelle à ceux qui l’auraient oublié que la femme, considérée hier encore comme un simple outil de reproduction, jouit, multiplie les partenaires, expérimente de multiples sensations charnelles sans que cela justifie qu’autrui juge de sa vertu. A la fin de chaque épisode, à bout de souffle, les pupilles dilatées et l’air béat, on se dit qu’il reste à l’Homme encore beaucoup de choses à apprendre. Après tout, ce n’est que du sexe.
REAL HUMANS
100% humains par Céline Nouvelle
Voilà près de 10 ans, la France est tombée dans la folie des séries TV. Mais, aujourd’hui le spectateur exigeant, submergé d’ersatz sans saveur, est à la recherche de la perle rare capable d’apporter un véritable renouveau scénaristique.. Depuis au moins trois ans, la chaîne culturelle franco-allemande Arte s’est mise au diapason en proposant un programme de qualité nous permettant de découvrir des séries « différentes » comme Top of the lake ou la série politique danoise Borgen-dont le « remake » américain est d’ores et déjà programmé-. Äkta Människor, Real Humans pour les néophytes français, autre série venue du Nord, mais cette fois-ci de Suède, pourrait bien être ce joyau glacé que l’on attendait depuis si longtemps. Une série totalement novatrice et effrayante par son approche philosophique de notre société, qui n’est pas sans rappeler le livre de Pierre Boule La planète des singes et le génial Blade Runner de Ridley Scott. Les hommes ont créé des “hubots“, robots à l’apparence humaine destinés à exécuter les corvées jugées nécessaires au confort humain : ouvriers, domestiques, compagnons de jeux voire objets sexuels. Mais (car il y a toujours un « mais » dans tout bon scénario), il existe des robots différents : “les enfants de David“, qui pensent et réfléchissent comme des êtres humains, à la différence près qu’ils sont dépourvus d’empathie. Afin de gagner leur liberté et d’acquérir une réelle reconnaissance, ils devront s’opposer aux humains en commettant toutes sortes d’exactions. Regroupés au sein de la communauté des « Real Humans », un groupe d’hommes rejetant l’idée des hubots cherche un moyen de les détruire. Ici, nulle technologie superflue, les hubots sont des acteurs maquillés sobrement de telle sorte qu’ils ressemblent à des poupées humaines. Bouffée d’oxygène au milieu d’un mainstream de séries peinant à trouver leur propre marque de fabrique ou se déclinent en spin-off, Real humans risque un jour ou l’autre de se faire happer par les studios hollywoodiens en vue d’une adaptation outre-atlantique. En attendant, après une première saison de dix épisodes forte en émotion, le premier épisode de la seconde saison (dont le tournage s’est achevé cet été) se révèle tout aussi palpitant et laisse présager le meilleur. Real Humans continue donc sur sa lancée avec un seul mot d’ordre : bousculer le spectateur.
ORANGE IS THE NEW BLACK
Un long chemin vers la liberté par Tristan Gauthier
En à peine six mois, la plateforme de VOD Netflix est en passe de devenir l’un des piliers de la production de séries TV grâce à la maestria des titres comme House of Cards ou encore la reprise de la quatrième saison d’Arrested Development. La dernière création de Jenji Kohan, Orange is the new black, ne déroge pas à la règle et amène, grâce à sa liberté de ton, un vent frais sur le monde des séries en 2013. Cette comédie dramatique tirée d’une histoire vraie nous plonge au cœur d’une prison pour femmes où l’on suit les déboires de Piper Chapman, fille de bonne famille récemment fiancée et condamnée à 15 mois d’emprisonnement pour avoir transporté dix ans auparavant une valise remplie d’argent sale. Or voilà, elle se retrouve au trou avec son ex petite amie -dealeuse en son temps-, celle-la même qui l’avait entraîné dans sa chute. Elle va donc devoir évoluer dans ce monde hostile dont elle ne maîtrise pas les codes tout en essayant de garder un contact avec le monde extérieur pour ne pas sombrer. La scénariste évite soigneusement les pièges de la caricature et de l’humour facile et prend un réel plaisir à développer chaque personnage secondaire en se concentrant sur l’aspect humain, en particulier par l’inclusion de flash-back au cœur de la matière narrative. Entre Nicky l’anarchiste lesbienne, Crazy Eyes la tarée, Sophia le transgenre, Tiffany la religieuse et Red la patronne de la cuisine, la diversité des personnages multiplie la galerie des possibles et sert de socle à un enchaînement de situations cocasses. Mais c’est aussi le communautarisme de la vie en société qui est dépeint ici. Dans ce microcosme carcéral, des alliances se forment, enfermant les personnages dans des « castes » bien définies : les blanches, les noires, les latinos et le reste. Miroir de la société à échelle réduite, Orange is the new black prend au piège le spectateur-du fait de son empathie pour une héroïne touchante et vraie- dans cet univers carcéral où des événements pouvant paraître insignifiants à l’extérieur vont prendre une toute autre ampleur. Grâce à des personnages multidimensionnels qui dépassent rapidement les stéréotypes annoncés, la créatrice de Weeds mêle les genres et les ambiances, trouvant le juste équilibre entre fou rire et instants dramatiques. On ressort avec le smile, comme touchés par les bienfaits d’une cure salvatrice ! Une belle ode à la vie à ne manquer sous aucun prétexte pour tous ceux qui broient du noir, et les autres.
THE AMERICANS
Mariés par la mère patrie par Estelle Charles
1980, Washington. Deux agents du KGB, Philip Jennings (Matthew Rhys) et sa femme Elizabeth (Keri Russell), vivent depuis quinze ans dans un quartier pavillonnaire avec leurs deux enfants, bossant leur image d’américains moyens le jour et conduisant leurs missions secrètes la nuit. La machine semble bien rodée. Mais Reagan arrive au pouvoir... Noyautée autour du monde de l’Espionnage, The Americans est une série sur l’engagement. Politique bien sûr, et surtout marital. Mariés sur ordre du Kremlin, Philip et Elisabeth débarquent à Washington avec une mission : prendre racine dans le sol américain. De leurs passés respectifs, ils ne connaissent rien, pas même leurs vrais prénoms. Construit sur le mensonge de leurs fausses identités, leur couple bat de l’aile. Image vieillie, bande son vintage, la reconstitution est d’une sobriété minutieuse. Pris dans la tension grandissante d’une guerre redevenue fraîche, le spectateur se prend d’empathie pour nos héros. Pas pour les espions mais pour les individus. C’est là tout le tour de force de la série, scénarisée par un ancien agent de la CIA : parler de ’’rezidentura’’, de communisme, de mère patrie et finalement nous accrocher avec une histoire ordinaire, celle d’un couple sur le point de renaître s’il parvient à surmonter le mensonge. Qui surveille qui dans The Americans ? A une époque où l’engagement politique signait une dévotion absolue à la cause quelle qu’en soit l’issue, les idéaux pesaient leur poids. Et quand Elisabeth découvre peu à peu sa fille se transformer en une parfaite petite américaine, la douleur qu’elle doit cacher est plus forte encore que les blessures prises sur le terrain. Le fond de l’air est rouge à Washington mais pour encore combien de temps ? Phillip le sait et pousse sa femme à se retourner. A l’aube d’un communisme finissant, The Americans questionne avec brio la notion d’engagement. Et si le mur tombe neuf ans plus tard, d’autres s’érigent... Brûlant d’actualité.
ENLIGHTENED (SAISON 1 & 2)
Rédemption par Tristan Gauthier
Produite par Mike White et Laura Dern, Enlightened nous plonge dans l’esprit et le quotidien d’une femme d’affaires névrosée qui part se ressourcer à Hawaï après une crise de nerfs survenue sur son lieu de travail. Par le biais d’une thérapie de groupe, elle se découvre une spiritualité "new age"et entend bien remettre de l’ordre dans sa vie et autour d’elle. Enlightened pointe du doigt les difficultés de la vie et des rapports à autrui, mettant l’accent sur le mal-être de ses personnages, mais de manière toujours très poétique portée par une espèce de douce mélancolie. Tantôt légère et apaisante, tantôt nostalgique, la série tente de tirer chaque fois une conclusion plus optimiste, de croire à des lendemains plus beaux, à travers notamment une Laura Dern (Jurassic Park, Sailor et Lula) illuminée, désireuse de changer le monde pour enfin être en paix avec ce dernier et en harmonie avec elle-même. Le personnage, très attachant, se heurte aux épreuves d’une difficile réalité mais ne se laisse toutefois jamais décourager, transpercé par un optimisme débordant, presque naïf. Une série qui se révèle au final très positive malgré des pics marqués par une tristesse abyssale, belle et surtout très vraie, qui parvient à aborder des sujets sombres avec une grande subtilité. Si la première saison suivait une trame parfois trop nébuleuse, se laissant allègrement aller aux envolées lyriques et au voyage vers un lieu plus calme quasi hors du temps, la saison 2 forme une véritable unité suivant un fil rouge autour des méfaits d’une multinationale et du caractère impitoyable du monde du travail. Reste un problème majeur, la série ne compte que deux saisons alors que nous, on en redemande !
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Galerie Photos
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