Le 7 juillet 2015
Un beau film éthiopien relatant la tentative de mariage forcé par enlèvement d’une jeune fille de 14 ans dans l’ Éthiopie de 1996. Basée sur une histoire vraie, cette fiction courageuse met en scène deux magnifiques actrices.
- Réalisateur : Zeresenay Berhane Mehari
- Acteurs : Meron Getnet, Tizita Hagere, Haregewine Assefa
- Genre : Drame
- Durée : 1h39min
- Date de sortie : 8 juillet 2015
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Un beau film éthiopien relatant la tentative de mariage forcé par enlèvement d’une jeune fille de 14 ans dans l’Éthiopie de 1996. Basée sur une histoire vraie, cette fiction courageuse met en scène deux magnifiques actrices.
L’argument : A trois heures de route d’Addis Abeba, Hirut, 14 ans, est kidnappée sur le chemin de l’école : une tradition ancestrale veut que les hommes enlèvent celles qu’ils veulent épouser. Mais Hirut réussit à s’échapper en tuant son agresseur. Accusée de meurtre, elle est défendue par une jeune avocate, pionnière du droit des femmes en Ethiopie. Leur combat pour la justice commence, mais peut-on défier une des plus anciennes traditions ?
© Ad Vitam
Notre avis : Éthiopie, octobre 1996. Après des décennies de pouvoir autoritaire et totalitaire – quarante ans du règne du « roi des rois », le négus Haïlé Sélassié, et seize ans d’une dictature militaire d’idéologie marxiste-léniniste dirigée par le « négus rouge », Mengistu –, l’Éthiopie tente de se reconstruire économiquement et d’accéder à la démocratie, après les grandes famines de 1984-1990, la fin de trente années de guerre avec l’Érythrée et l’indépendance de celle-ci en 1993. Des courants féministes s’organisèrent alors dans une société patriarcale où les hommes ont souvent plus d’égards pour le bétail que pour leurs femmes et filles. C’est dans ce contexte qu’une avocate, Maeza Ashenafi, s’illustra en créant la première association de défense des femmes et des filles. Le cinéaste éthiopien Zeresenay Berhane Mehari, après des études de cinéma aux États-Unis, a entrepris dès son retour en Éthiopie Difret, un film qui remet en lumière un événement ayant en 1996 secoué l’Éthiopie et dont se sont emparés également les médias occidentaux. Difret, un mot signifiant en langue éthiopienne amharique « courage » – mais aussi « le fait d’être violée ». C’est de ce deuxième sens que le film s’est emparé pour revenir sur cette histoire vraie.
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Une jeune fille de 14 ans, Hirut (Aberash Bekele dans la réalité), vivant avec ses parents fermiers dans un village situé à 300 km de la capitale Addis Abeba, est kidnappée à la sortie de l’école par une bande de jeunes hommes à cheval. L’un d’entre eux, âgé de 29 ans, a porté son dévolu sur elle et veut en faire sa femme. Comme l’encourage une tradition ancestrale, que les anciens jugent « romantique », cet homme enlève Hirut, la séquestre et la viole. La jeune fille au fort tempérament, se sentant menacée, tue son kidnappeur. La justice locale, se fondant sur le droit coutumier, décrète la peine de mort. Une très belle scène du film reconstitue de même une scène de conseil de village où les hommes décident de leur justice sous un chêne. Les opinions de ces hommes sont intéressantes à analyser car elles sont loin de toutes converger. Le verdict des sages se conclut par une mise à l’écart de la jeune fille loin de son village. C’est alors que Maeza Ashenafi, alertée par une autre avocate locale, prend l’affaire en main. Au péril de sa vie, l’avocate va devoir se battre contre les préjugés et les traditions de la société éthiopienne pour réussir à faire innocenter Hirut lors d’un procès qui a pris une ampleur nationale.
Zeresenay Berhane Mehari nous livre un portrait très juste d’une société éthiopienne en pleine mutation, qui tente d’allier modernité et traditions. Pour cela, le cinéaste a tenu à prendre en compte les différents points de vue. Il nous montre ainsi combien Maeza, jeune femme éduquée et célibataire, qui passe la majorité de son temps à se battre pour les droits des femmes et filles victimes de violence, représente la pensée occidentale « moderne ». Le film insiste judicieusement sur le désir des jeunes filles d’accéder au savoir par le biais de l’école : « Elle ne pense qu’à aller à l’école », dit le père de Hirut. Ces jeunes filles ont en effet mis tout leur espoir d’émancipation et d’avenir dans l’école ; ainsi Hirut, craignant que sa jeune sœur n’aille plus à l’école du fait de son problème, demande à Maeza de venir rendre visite à ses parents pour les convaincre de n’en rien faire. Dans son souci de nous montrer toutes les facettes de l’Éthiopie, le cinéaste insiste sobrement sur les fractures qui traversent la société, entre hommes et femmes, grandes villes et villages, coutumes et lois…
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Difret est le premier long métrage de Zeresenay Berhane Mehari. C’est incontestablement une œuvre dont le point de vue féministe éclate avec force et sincérité. Le cinéaste a tenu par ailleurs à ce qu’elle soit un film entièrement éthiopien. De ce fait, il a refusé toutes les propositions de productions américaines et européennes (qui lui imposaient des « stars » pour tenir les rôles principaux), afin de tourner dans des décors naturels en Éthiopie et avec des acteurs et des techniciens éthiopiens. Pour incarner Maeza, Zeresenay Berhane Mehari a choisi une des comédiennes les plus populaires en Éthiopie, Meron Getnet. Cette lumineuse actrice est connue notamment pour ses rôles dans des comédies sentimentales et dans les séries de télévision à grand succès. Elle a mis toute son intelligence et sa sensibilité dans le personnage de Maeza. Le cinéaste évoque, en revanche, les difficultés qu’il a eues pour trouver la jeune fille devant jouer le rôle de Hirut – car il existe fort peu de jeunes comédiennes en Éthiopie. Il a fini par rencontrer, dans un atelier-théâtre d’une école, Tizita Hagere, qui est tout simplement étonnante de justesse dans un rôle aussi périlleux. La direction d’acteurs est par ailleurs remarquable et Zeresenay Berhane Mehari réussit à capter magistralement tous ces beaux visages qui s’inscrivent aussi bien dans des intérieurs très soignés que dans la douceur de paysages éthiopiens s’étendant à perte de vue.
Tourné en 2012, le film a été présenté à Angelina Jolie et a séduit l’actrice et réalisatrice, connue par ailleurs pour ses combats humanitaires, notamment au sein de l’Onu et de l’Unicef. Elle a tenu à en être la productrice exécutive, une sorte d’ambassadrice : « Ce film s’appuie sur la richesse de la culture éthiopienne et montre comment d’importants progrès juridiques peuvent être réalisés dans le respect de la culture locale. » Signalons en effet que cet événement de 1996 a donné lieu en 2004 à une modification du code pénal éthiopien, qui interdit ces pratiques d’enlèvement et de mariage forcé et condamne à quinze ans de prison leur auteur. Aujourd’hui ces pratiques, en nette régression, n’ont pourtant pas totalement disparu. Et Maeza Ashenafi, toujours aussi combative, continue avec d’autres femmes à se battre pour de telles causes.
En 2014, Difret a été remarqué et primé dans nombre de festivals, aussi bien à Berlin, Genève, Montréal ou Valenciennes… Sa diffusion en Europe et aux États-Unis est assurée en 2015. Comment le film est-il ou sera-t-il accueilli en Éthiopie, auprès de la jeunesse des villes mais aussi dans les cantons ruraux, où de semblables traditions ancestrales restent encore vivaces ?
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