Le 10 novembre 2023
Première Palme d’Or pour Jacques Audiard, Dheepan n’en n’est pas moins une œuvre mineure dans sa filmographie, qui peine à trouver son équilibre narratif entre le film de vengeance et le drame social.
- Réalisateur : Jacques Audiard
- Acteurs : Vincent Rottiers, Faouzi Bensaïdi, Joséphine de Meaux , Franck Falise, Marc Zinga, Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : UGC Distribution
- Durée : 1h49mn
- Date télé : 15 mai 2021 20:50
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Box-office : 634 665 entrées France / 223 996 entrées P.P.
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 26 août 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Ils ne se connaissent pas et pourtant... un ancien soldat rebelle, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille afin d’être évacués de leur pays en guerre. Arrivés en France, ils doivent faire face à un autre quotidien, dans une cité dominée par la violence. C’est là que cette famille imaginaire devra, au fil des épreuves et du temps, apprendre à former une "vraie" famille.
- © Paul Arnaud - Why Not Productions
Critique : Le film débute au Sri Lanka. La première scène est assez saisissante : Dheepan prépare un bûcher pour ses compatriotes tués au cours de la guerre civile. L’atmosphère moite et étouffante embarque le spectateur. Malheureusement, et c’est là le problème structurel du film, l’émotion est très vite évacuée. Pourtant l’économie narrative des premiers instants fonctionne bien. La scène dans le camp de réfugiés est âpre. Le personnage de Yalini se met en quête d’une fillette pour pouvoir prétendre à l’asile politique. Elle a pour projet de partir avec Dheepan, personnage central éponyme, mais doit, au préalable, constituer une famille de fortune. Pour cela, elle va échanger de l’argent contre un enfant. On la voit repartir du camp avec une jeune fille. Scène suivante, on se trouve directement dans le bateau qui les mènera en France.
L’une des premières scènes se déroulant à Paris est, peu ou prou, du même acabit : en quelques plans la nouvelle situation de Dheepan nous est résumée. Le raccord entre le dernier plan au Ski Lanka et la première incursion dans Paris est évocateur. Paris, communément surnommée la Ville Lumière, est rendue abstraite par un effet de bokeh. L’arrière-plan, flou, se résume à des taches de couleur. De façon ironique, la caméra fait le point et nous apprend que la lumière émane, en réalité, du serre-tête luminescent qu’arbore Dheepan, désormais condamné à vendre des objets de pacotille dans la rue.
- © Paul Arnaud - Why Not Productions
Puis, Dheepan et Yalini s’installent dans une cité baptisée ironiquement Le Pré. Ils vont devoir affronter l’humiliation des tâches ingrates. Elle, devient la garde-malade d’un vieil homme mutique dont le fils (incarné par Vincent Rottiers) est lié à un trafic de drogue. Lui, est gardien de l’immeuble. Mais bien loin l’idée pour Audiard de nous servir une fable sociale. La vengeance est le seul fil rouge qui nous rattache au prologue sri lankais.
Dès l’installation de ce simulacre de famille dans cette nouvelle zone de non-droit, le film suit une pente simpliste et élude toute psychologie. Croyant fuir les drames et les pleurs, les protagonistes se retrouvent enfermés (et c’est bien le mot) dans un territoire hostile. À aucun moment le couple et la jeune fille ne sortiront de cet espace qui les condamne à la vengeance pure et simple. Les hommes de la cité ne sont que des ombres formant une masse informe de petits malfrats. Le libre arbitre a déserté ces terres. Le dilemme moral de Yalini n’est jamais plus abordé. La jeune fille, Illayaal, contrainte de vivre avec des étrangers qui ne sont plus tout à fait capables d’amour, s’apparente à un spectre. Elle n’est plus qu’un triste objet de discours dans la bouche de ses « parents » qui se renvoient leurs responsabilités. Les personnages évoluent, tels des pions, au gré d’un scénario devenu trop schématique.
- © Paul Arnaud - Why Not Productions
Jacques Audiard a expliqué, au cours de la conférence de presse cannoise, qu’il avait pour projet de réaliser « un film de vigilante ». Ceci peut expliquer cela : le point de départ de la lutte tamoule devient vite un prétexte dramatique. La lutte des idées n’est qu’une toile de fond. Dès qu’il arrive en France, Dheepan est mû par une lutte intérieure, par le souvenir enfoui de sa capitulation face à l’ennemi. Il avoue d’ailleurs lui-même son échec face à son ancien colonel dans une scène didactique. Mais le spectateur aimerait ressentir cette violence interne, dans ce visage dual, à la fois fermé et doux. Or celle-ci ne s’exprime que par coups d’éclat, jusqu’à une scène d’assaut dans laquelle elle atteint son paroxysme.
C’est n’est qu’à l’approche du dénouement qu’Audiard tente de revenir à son projet initial, à savoir faire un film d’autodéfense. Malheureusement le cinéaste clôt son projet en prenant un virage radical, préférant son propre désir de metteur en scène à la cohérence du récit. Audiard s’offre alors l’ultime plaisir d’élever Dheepan au rang de héros mythologique, une sorte de cow-boy revenu des morts, dans une belle séquence mais qui rompt avec le drame social et politique que l’auteur feint de placer en arrière plan. En somme, le film d’Audiard ne parvient pas à trouver sa teinte et par là même à émouvoir.
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