Une éducation
Le 29 janvier 2012
Réfraction d’un système malade ou l’apprentissage du détachement.
- Réalisateur : Tony Kaye
- Acteurs : Lucy Liu, James Caan, Adrien Brody
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h37mn
- Titre original : Detachment
- Date de sortie : 1er février 2012
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Réfraction d’un système malade ou l’apprentissage du détachement.
L’argument : Henry Barthes est un professeur remplaçant. Il est assigné pendant trois semaines dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise. Lui qui s’efforce de toujours prendre ses distances va voir sa vie bouleversée par son passage dans cet établissement.
Notre avis : Maints sont les films abordant le thème épineux du système éducatif. Noces blanches, Entre les murs, Le cercle des poètes disparus, Precious... Tous ces longs métrages rendent compte de la réalité complexe des rapports entretenus par les enseignants avec leurs élèves. Célèbre en raison de son penchant pour les questionnements d’ordre social, Tony Kane (American history X, Lake of fire) a trouvé en l’éducation sous toutes ses formes un sujet pertinent qu’il traite avec prodigalité. Dans le contexte économique actuel, ébranlé par la crise économique, l’enseignement est un point majeur relatif à des enjeux aussi bien politiques que sociologiques.
Prix de la critique internationale au Festival du Film Américain de Deauville, Detachment est une goulée d’air frais à l’amère douceur. Avec pour décor un établissement difficile de la banlieue new-yorkaise, le long-métrage dénonce le manque d’efficacité du programme « No Child Left Behind » signé par Georges Washington Bush il y a dix ans de cela. Un gouvernement qui n’a tenu aucune de ses promesses, des parents désincarnés et étrangers aux problèmes scolaires de leur progéniture, des adolescents ineptes et odieux, un corps enseignant au bord de la crise de nerfs... Tony Kane pose un regard désabusé sur les décombres d’un système éducatif inopérant.
Pour rendre compte de cette atmosphère apocalyptique, le cinéaste s’est entouré d’un casting sans faille. Lucy Liu (Chicago, Cypher) côtoie Brian Cranston, propulsé sur le grand écran grâce à son rôle dans l’excellente série télévisée Breaking Bad, ou encore James Caan (Le Parrain, Dogville), jubilatoire dans le rôle d’un professeur toxicomane au sens de l’humour ravageur.
Entre malice et désillusion, Detachment s’attarde sur le sens de la mission professorale. Les enseignants sont-ils supposés remplacer le cocon familial ? Dans quelle mesure sont-ils responsables des dérives de leurs élèves ? Jusqu’où sont-ils censés s’engager dans cette vocation aux allures de profession de foi ? Avec un cynisme douloureux, le long-métrage ne se targue jamais d’apporter des réponses à ces questions, mais rapporte plutôt la souffrance d’une humanité perdue, où les professeurs sont aussi démunis que leurs élèves face à l’âpreté de l’existence.
Dans le rôle du personnage principal, figure intime et déchirante à la fois, Adrien Brody (Le pianiste, Splice) fait des étincelles. A la façon d’un étranger camusien, l’acteur livre une prestation telle qu’il devrait toujours en avoir l’opportunité de le faire. A la fois sensible et détaché, le personnage qu’il incarne, Henry Barthes, est un écorché vif sans finalité aucune. Ses apparitions, conjuguées à des extraits d’interview du comédien lui-même, donnent à son rôle toute son ampleur. Étonnamment, c’est lors de sa prise de conscience finale que l’acteur est le moins expressif et le moins intense.
Une ombre au tableau : l’utilisation récurrente d’effets de style et de la caméra à l’épaule est effroyablement désagréable. Entre flous artistiques, contrastes permanents, dessins caricaturaux esquissés à la craie et images tournées en super 8, le spectateur est sans cesse importuné dans son immersion cinématographique. L’irritante morale explicitant qu’il est incontestablement plus sain de s’ouvrir aux autres plutôt que de se morfondre agace, d’autant plus que les thématiques soulevées sont d’une importance capitale.
A l’image d’une oeuvre littéraire, Detachment clôt son intrigue par une séquence remarquable où Adrien Brody, entre bureaux et manuels à l’abandon, déclame son incompréhension du monde tel qu’il est. Une pensée mélancolique qui s’estompe sous la pression du buvard de l’indifférence.
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