Le 31 juillet 2023
Un projet détonnant dans le paysage du cinéma d’auteur américain, pour un long-métrage réussi et enthousiasmant, à l’humour aussi provocant qu’intelligent.
- Réalisateur : Justin Simien
- Acteurs : Tessa Thompson, Kyle Gallner, Tyler James Williams, Teyonah Parris, Brandon Bell
- Genre : Comédie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Happiness Distribution
- Durée : 1h48mn
- Box-office : 107.028 entrées France / 40.402 entrées P.P.
- Date de sortie : 25 mars 2015
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Résumé : La vie de quatre étudiants noirs dans l’une des plus prestigieuses facultés américaines, où une soirée à la fois populaire et scandaleuse organisée par des étudiants blancs va créer la polémique.
Critique : Premier film de Justin Simien, Dear White People se penche sur les rapports interculturels dans les États-Unis d’Obama tout en s’interrogeant sur l’identité noire américaine. Un projet détonnant dans le paysage du cinéma d’auteur américain, pour un long-métrage réussi et enthousiasmant, à l’humour aussi provocant qu’intelligent. En véritable cinéaste de sa génération, c’est par les réseaux sociaux que Justin Simien a cherché à faire connaître son scénario, dont il a commencé l’écriture en 2006, traitant de l’identité noire américaine. Twitter aura permis à Simien d’interpeler les internautes par la fameuse phrase d’introduction « Dear White People » qui deviendra celle du personnage de Sam – interprété par la très convaincante Tessa Thompson -, brillante étudiante de l’université de Winchester, très attachée à son identité noire et animatrice phare de l’unique radio du campus à travers laquelle elle met le doigt sur les dysfonctionnements des rapports interculturels dans les États-Unis d’aujourd’hui, le tout avec un franc-parler désarmant.
- © 2014 Code Red Films, Duly Noted, Homegrown Pictures. All rights reserved.
Porté par un scénario bien ficelé, Dear White People apporte fraîcheur et renouveau à la scène du cinéma indépendant américain. Les quatre interprètes principaux y sont également pour beaucoup, chacun parvenant à donner une certaine complexité à des rôles qui auraient autrement pu très aisément passer pour clichés. Tyler James Williams dans le rôle de Lionel, apporte un humour léger au personnage de jeune homme timide et peinant à trouver sa place dans le microcosme du campus. C’est par Lionel que le spectateur découvre l’univers estudiantin, ses codes implicites et ses figures charismatiques. Brandon Bell, incarnant Troy Fairbanks – fils du doyen de l’université à qui tout semble réussir – offre avec Dennis Haysbert un duo père-fils mettant en perspective deux générations aux vécus bien différents des relations entre communautés noires et blanches aux États-Unis. Enfin, Teyonah Parrish dans le rôle de Coco, jeune femme ambitieuse pour qui l’identité noire américaine est un poids, parvient à faire comprendre au spectateur les motivations d’un personnage qui aurait pu ne sembler qu’antipathique. Chacun illustre à sa manière la pluralité tout comme les antagonismes propres au vécu et à la perception de l’identité noire aux États-Unis. S’il y a bien une chose que Dear White People montre, c’est que définir des types identitaires mène très rapidement à les dépasser.
- © 2014 Code Red Films, Duly Noted, Homegrown Pictures. All rights reserved.
L’humour des situations et des personnages, qu’il soit incisif comme celui de Sam ou plus discret comme celui de Lionel, sert de fil conducteur au long-métrage et représente un excellent moyen d’ouvrir le débat ou du moins de questionner la place de la communauté noire américaine au États-Unis en évitant toute crispation. Les rapports entre communautés ont-ils évolué vers une plus grande tolérance et un plus grand respect depuis l’élection de Barack Obama ? Le film met en avant l’idée que l’élection du premier président noir, loin de mettre un terme à la question de la place des Noirs américains dans la société, met davantage en lumière les points sensibles des rapports intercommunautaires et pose de nouvelles interrogations sur le multiculturalisme revendiqué avec tant de fierté par les États-Unis. Derrière le côté provoquant d’une telle interpellation, Dear White People se veut une invitation au dialogue et à l’échange, tout ce qui pourrait permettre de comprendre le fonctionnement des rapports multiculturels au sein d’une même communauté pour la rendre plus viable. Par ailleurs, Dear White People souligne intelligemment le rôle primordial des médias – radio, vidéo, télévision, internet, presse, tous les moyens sont bons - et l’influence qu’ils ont sur la constitution de l’identité d’une communauté. À la fois tribune d’expression fantastique pour de jeunes adultes désireux d’exprimer leur point de vue sur la société et manière de participer activement à la constitution de cette dernière, les médias ne tardent pas à révéler leur tranchant pour ceux qui, encore une fois, n’en maîtrisent pas les codes.
- © 2014 Code Red Films, Duly Noted, Homegrown Pictures. All rights reserved.
L’esthétique du film propose quant à elle une image soignée aux compositions recherchées – même si l’on mettrait un bémol sur quelques faciles références cinématographiques, Kubrick et Bergman en tête, dont on questionne la nécessité. On apprécie en outre le soin très particulier accordé aux décors et costumes des personnages, qui revêtent une importance significative dans un univers où chacun cherche son identité tout en se mettant en scène. Mêlant morceaux classiques et sonorités plus pop, la bande-son contribue au dynamisme du film et à sa facture décidément branchée. On remarquera cependant que le métrage est extrêmement – et bien évidemment - empreint de la culture populaire des États-Unis ; le spectateur français peu habitué aux rouages de la faculté américaine pourrait se trouver un moment désarçonné face aux normes sociales universitaires et au fonctionnement hautement communautaire de cette institution. Mais après tout, c’est bien ce que recherche Dear White People : nous sortir des sentiers battus pour nous demander ce qui fait l’identité, la communauté et le lien à l’autre. Un indice : on ne pourrait le découvrir qu’en commençant par en discuter…
– Prix spécial du Jury – Sundance Film Festival 2014
– Sortie DVD : 26 août 2015
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