Un homme et deux femmes
Le 5 avril 2024
Un film d’une justesse et d’une sensibilité bouleversantes.
- Réalisateur : Tom Hooper
- Acteurs : Ben Whishaw, Sebastian Koch, Amber Heard, Matthias Schoenaerts, Alicia Vikander, Eddie Redmayne, Adrian Schiller, Sebastian Koch
- Genre : Drame, Biopic, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain, Britannique, Allemand
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 2h00mn
- Titre original : The Danish Girl
- Date de sortie : 20 janvier 2016
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Résumé : La remarquable histoire d’amour de Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930. Le mariage et le travail de Lili et Gerda évoluent alors qu’ils s’embarquent sur les territoires encore inconnus du transgenre.
Critique : Plus que la simple reproduction du mouvement, c’est son extraordinaire capacité à saisir la réalité du monde qui fait l’essence du cinématographe. Le cinéma, disait Bazin, fixe le réel, l’immortalise, laisse son empreinte filmique indélébile. Il en va de même pour toutes les fabuleuses histoires que les films nous racontent. Depuis douze décennies maintenant, courts et longs métrages ont su emprunter aux richesses du monde et de l’humanité pour créer des récits toujours plus surprenants. Danish Girl, le dernier film de Tom Hooper, en est une jolie preuve.
Trois ans après sa décevante adaptation des Misérables de Victor Hugo en comédie musicale, le réalisateur oscarisé du Discours d’un roi revient avec un biopic troublant et singulier, adapté du best-seller de l’écrivain américain David Eberschoff : l’histoire extraordinaire de Gerda Wegener et de son mari Einar, premier homme à devenir femme, dans l’Europe perturbée des années 1930.
Einar et Gerda sont deux artistes peintres, amoureux, mariés et reconnus dans tout Copenhague. Einar dessine des paysages en tout genre ; Gerda, elle, est portraitiste mondaine. Mais faute de modèle à peindre, elle demande à son mari de poser pour elle… en tutu de danseuse classique. Soudain, le temps s’arrête. Einar tâte l’habit, en caresse l’étoffe. L’incertitude naît dans ses yeux. Et si son plus cher désir était de devenir une femme ? C’est sur cette question fort embarrassante pour un homme de la première moitié du XXe siècle que se fonde l’intrigue riche en péripéties de Danish Girl.
Dans le climat géopolitique tendu de l’entre-deux-guerres, homosexualité et transgenre constituaient deux réalités sociales largement dénoncées par l’éthique et les mœurs de l’époque. Les membres de cette communauté marginalisée s’en trouvaient attaqués, fustigés, chargés de tous les crimes et de toutes les corruptions. Si, en quelques dizaines d’années, les mentalités ont bien évolué, force est de constater que cette intolérance perdure toujours. C’est ce qui fait la grande force de Danish Girl : raconter le passé pour parler du présent.
Il était à craindre, cependant, que la diégèse puisse être écrasée par un traitement cinématographique convenu, pompeux et didactique. Mais en grand cinéaste qu’il est, Hooper embrasse littéralement les conventions de son action dramatique, les sublime, les porte à leur apogée, évitant ainsi les pièges moralisateurs. Les quelques longueurs qui jalonnent la narration (notamment sur la fin du film) sont vite effacées par une mise en scène envoûtante : avec des mouvements justement maîtrisés, la caméra suit l’héro(ïne) dans sa transformation. Comme la superbe séquence où Einar, caché derrière une vitre teintée, imite gracieusement les gestes d’une fille de joie, chaque scène est un délicat mélange de drame et de poésie, sublimé par un magnifique duo d’acteurs.
Eddie Redmayne et Alicia Vikander créent l’alchimie parfaite d’un couple déchiré physiquement et mentalement, mais que les sentiments parviennent à préserver malgré les épreuves et les tourments. Entre deux sanglots, Gerda appelle Einar de toutes ses forces, mais celui-ci est définitivement devenu Lili, la femme qu’il n’a jamais été, ou plutôt qu’il avait oublié d’être. Plus qu’un long et difficile processus de transition, Danish Girl est le récit tragique d’un amour indestructible entre deux êtres, la dévotion d’une femme courageuse pour un homme qui fut jadis son époux, et que la chirurgie de réaffirmation sexuelle accueille dans la douleur, la peine et la passion.
Poignant, fort et engagé, le nouveau long-métrage de Tom Hooper est une œuvre plus que jamais d’actualité, faisant merveilleusement écho aux crises identitaires et morales qui bouleversent nos sociétés. Ou quand Pedro Almodóvar invite François Ozon à boire le thé.
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